Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 25

Le mardi 10 décembre 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 10 décembre 2013

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de Nelson Mandela

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous savons tous que les Canadiens, ainsi que les membres de cette honorable Chambre, ont été attristés d'apprendre le décès de Nelson Mandela, survenu le 5 décembre 2013. En cette Journée internationale des droits de l'homme, je suis sûr que vous jugerez approprié que nous nous levions et observions une minute de silence en mémoire de M. Mandela.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le logement

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention sur une campagne nationale lancée en octobre par la Fédération canadienne des municipalités pour demander au gouvernement fédéral de collaborer avec les fonctionnaires provinciaux, territoriaux et municipaux, et les intervenants du secteur privé, à l'élaboration d'un plan à long terme pour le logement. Cette campagne répond à des préoccupations exprimées par des représentants municipaux de tout le pays, qui signalent que le coût de la location ou de l'achat d'une habitation est de moins en moins abordable pour un nombre croissant de Canadiens.

Voici quelques chiffres. Le prix moyen d'une propriété immobilière au Canada a augmenté de 67 p. 100 depuis 2000, comparativement à 13 p. 100 pour le revenu des ménages. La hausse du prix des maisons a non seulement fait grimper l'endettement personnel à des niveaux sans précédent, mais elle empêche aussi un grand nombre de Canadiens d'accéder à la propriété. Cette tendance exerce une pression sur les marchés de la location, où le taux d'occupation est déjà très élevé. Globalement, un Canadien sur quatre consacre une partie disproportionnée de son budget au logement et ce sont les familles qui louent leur logement qui sont le plus susceptibles de se retrouver dans cette situation. En raison de cette pression, les citoyens les plus vulnérables finissent par se retrouver à la rue. On estime à 300 000 les personnes qui n'ont pas de logement ou qui vivent dans des centres d'accueil pour itinérants.

Dans ma province, l'Alberta, la croissance de l'économie et de la population exerce des pressions sur le marché immobilier. Le manque de logements convenables a entraîné une augmentation rapide du prix des maisons et un taux d'inoccupation très faible. En fait, depuis les récentes inondations, ce taux est nul à Calgary. On s'attend à ce que cette ville connaisse la plus importante hausse du prix des maisons entre 2013 et 2015, suivie par Edmonton.

Seulement à Calgary et à Edmonton, on estime que 5 300 ménages sont sur des listes d'attente de logements sociaux. Ailleurs dans la province, des milliers d'autres ménages attendent eux aussi de tels logements.

Cette crise du logement de plus en plus grave est un problème fondamental qui peut être lié à plusieurs autres. Souvent, les personnes qui n'ont pas accès à un logement convenable ne peuvent pas non plus avoir accès à des choses comme l'éducation, les soins de santé et les installations sanitaires, qui sont des besoins fondamentaux.

Des logements convenables sont également essentiels à une économie saine. La dette hypothécaire de plus en plus élevée des Canadiens pose un grand risque économique. Par ailleurs, le manque de logements abordables est en train de devenir un problème pour un grand nombre de localités qui veulent attirer et garder une main-d'œuvre spécialisée, particulièrement dans l'Ouest canadien.

Honorables sénateurs, les investissements faits dans des logements abordables rapportent bien plus que ce qu'ils coûtent. Si nous voulons une économie florissante et un pays prospère, il est essentiel d'avoir des logements sûrs et abordables.

Les vœux de Noël

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, mon intervention porte sur la nécessité de célébrer la période de Noël dans un contexte de véritable diversité.

Malheureusement, nous vivons dans un monde qui s'attarde souvent à des formules toutes faites plutôt qu'à la vraie nature de notre société multiculturelle. Le Spirit Day, les Fêtes et le tiède « Joyeuses Fêtes » nous ont enlevé la capacité de célébrer cette période de l'année pour ce qu'elle représente vraiment. Où notre quête du multiculturalisme axé sur la rectitude politique nous a-t-elle menés? Le moment est venu de réagir avec vigueur. Je suis heureuse de souhaiter à la sénatrice Frum un joyeux Hanouka ou un joyeux Rosh Hashana. De même, je suis fière de souhaiter à la sénatrice Seth un joyeux Diwali. Je souhaite aussi à mes amis et collègues pakistanais et musulmans un joyeux Aïd.

Il est évident que, dans notre volonté tout à fait canadienne d'accommoder tout le monde, nous avons renoncé à notre propre héritage pour nous conformer au principe selon lequel il ne faut offenser aucune race ni porter atteinte à une culture ou une croyance, intentionnellement ou par accident.

Honorables sénateurs, nous devrions apprendre à mieux nous connaître les uns les autres. Nous devrions célébrer nos cultures respectives et mieux comprendre notre foi, nos traditions et nos célébrations respectives dans le cadre des nombreuses périodes festives qui existent.

La fête de Noël — et en fait beaucoup d'autres événements religieux à ce temps-ci de l'année — célèbre la victoire de la lumière sur la noirceur, du bien sur le mal. Par conséquent, il est très décevant et extrêmement triste que nous en soyons venus à diluer l'essence même de l'expression « Joyeux Noël », qui est devenue « Joyeuses Fêtes ».

Non seulement nous avons succombé face à des réalités qui ont plus à voir avec le commerce de détail qu'avec les réjouissances, mais nous avons aussi pratiquement fait disparaître l'enfant Jésus. Ce faisant, nous avons enlevé tout son sens à cette période. Dans notre soi-disant société multiculturelle caractérisée par une politique de deux poids deux mesures, nous devons presque renoncer à toute manifestation qui reflète nos propres traditions, qu'elles soient religieuses ou autres. C'est vraiment triste.

Dans une société vraiment libre, les accommodements et l'inclusion doivent être les mêmes pour tous les genres et pour toutes les races, les langues et les ethnies. Personne ne devrait se sentir obligé de souhaiter « Joyeuses Fêtes » plutôt que « Joyeux Noël ».

(1410)

Chez moi — comme chez beaucoup d'autres, je présume —, les « Fêtes » respectent les traditions de Noël et leur véritable signification.

Ainsi, nous devons tous nous réjouir à l'idée de célébrer les traditions qui définissent notre société multiculturelle et encourager les Canadiens à en faire autant.

Pour paraphraser Charles Dickens, laissons tous ceux qui choisissent de vivre l'esprit de Noël dans leur cœur, et de le vivre toute l'année durant, le faire. N'occultons pas les valeurs de Noël et d'autres célébrations et observances religieuses, indépendamment de notre sexe, de notre race, de notre langue et de notre origine ethnique.

Je vous remercie et je vous souhaite à tous un Joyeux Noël.

Le Forum des jeunes de l'UNESCO sur l'inclusion sociale

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, récemment, des jeunes du monde entier se sont rassemblés à Paris à l'occasion du 8e Forum des jeunes de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture — l'UNESCO —, qui s'est déroulé cette année sous le thème « Inclusion sociale et jeunesse : engagement civique, dialogue et développement des compétences ». Ce forum a offert aux jeunes une tribune pour échanger leurs réflexions sur l'inclusion sociale et les obstacles auxquels la jeunesse d'aujourd'hui se heurte à cet égard.

Le Forum des jeunes est une initiative importante de l'UNESCO, qui a lieu avant la Conférence générale de l'UNESCO. L'événement permet aux jeunes d'exprimer leurs points de vue et de discuter de certains enjeux avec les ambassadeurs et les délégations permanentes de l'UNESCO.

Deux Canadiennes ont été choisies comme jeune déléguée et jeune observatrice pour représenter le Canada au forum.

Betsy Leimbigler, de Gatineau, a été choisie pour être jeune déléguée. Je signale qu'elle a déjà été page au Sénat, honorables sénateurs. La jeune observatrice était Claire Paetkau, de Winnipeg. Elles avaient pour mandat de représenter les jeunes Canadiens au forum de l'UNESCO et de préparer un rapport pour la délégation permanente à l'UNESCO.

Pour ce faire, les jeunes représentantes ont consulté les jeunes des quatre coins du Canada afin de mieux comprendre ce qu'ils pensent de l'inclusion et de l'exclusion sociale.

Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je vous fais part de quelques idées que la Commission canadienne pour l'UNESCO a recueillies. Les jeunes ont proposé des façons concrètes de favoriser l'inclusion sociale. Ils ont dit qu'il fallait surtout valoriser les formes d'enseignement non traditionnelles, notamment l'apprentissage expérimental hors des salles de classe. Lorsqu'on leur demande ce que l'inclusion sociale signifie pour eux, ils répondent que, pour éviter la discrimination fondée, entre autres, sur le sexe, l'âge, l'orientation sexuelle, l'origine ethnique, la langue et les aptitudes, il faut favoriser la compréhension et le dialogue entre les différents groupes sociaux.

Les jeunes considèrent que les mesures de sensibilisation à l'inclusion et à l'intégration des nouveaux arrivants, la promotion de l'engagement communautaire dans les programmes scolaires, et le financement des organismes qui favorisent le dialogue interculturel sont tous des aspects importants qui permettraient d'améliorer l'inclusion sociale au Canada.

Pour favoriser le développement des compétences et l'inclusion sociale, ils recommandent aussi que les organismes offrent des programmes de mentorat et de stages aux jeunes, surtout aux jeunes issus des milieux défavorisés. Selon eux, il faut également soutenir les organismes qui favorisent le dialogue interculturel et la compréhension mutuelle entre les Autochtones et les non-Autochtones dans le Nord du Canada.

J'invite les sénateurs à écouter ce que disent les jeunes sur l'inclusion sociale. Nous avons tous un rôle à jouer pour favoriser l'inclusion sociale des jeunes Canadiens.

Les entrepreneurs spécialisés

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, des membres de la National Trade Contractors Coalition of Canada sont aujourd'hui à Ottawa pour rencontrer des parlementaires et discuter avec eux d'un sujet de préoccupation pour toutes les petites entreprises qui fonctionnent à crédit, à savoir, chers collègues, le paiement ponctuel de tous les entrepreneurs.

Pour l'exécution d'un travail, l'entrepreneur doit habituellement acheter de l'équipement et du matériel, payer un salaire aux employés et souscrire les assurances nécessaires, entre autres. Ces coûts initiaux peuvent être considérables.

En tant qu'ancien entrepreneur en plomberie, en chauffage et en ventilation, j'ai pu constater personnellement que, dans l'industrie de la construction, il n'y a souvent pas d'échéancier précis pour le paiement, même lorsque toutes les parties sont satisfaites des services reçus. On ne peut pas tolérer que cette pratique se poursuive. Lorsqu'il y a des retards dans les paiements, cela augmente les coûts pour les entreprises, car elles doivent payer plus d'intérêts. Cela peut aussi nuire à la capacité de l'entrepreneur de s'acquitter d'autres travaux à l'avenir.

J'insiste : à cause de retards dans les paiements, les travailleurs canadiens peuvent se retrouver sans emploi, tout cela parce que les factures ne sont pas payées à temps.

Honorables sénateurs, je me joins aujourd'hui aux entrepreneurs spécialisés du pays pour réclamer des modifications aux règlements fédéraux sur le paiement rapide afin de veiller à ce que les entrepreneurs soient payés convenablement pour le travail qu'ils font et à ce qu'ils soient payés dans les délais prévus et comme on leur a promis.

Chers collègues, si vous désirez de plus amples renseignements sur la question du paiement rapide, n'hésitez pas à vous rendre à la salle MacDonald du Château Laurier pour assister à la réception parlementaire de la National Trade Contractors Coalition, qui se déroulera de 17 h 30 à 19 h 30 ce soir. Si cette question ne vous intéresse pas, mais que vous voulez tout de même assister à la réception et vous amuser en cette période des Fêtes, nous serions heureux que vous vous joigniez à nous.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Sandra Skivsky et de Mario De Marinis, tous deux membres de l'Association canadienne des entrepreneurs en maçonnerie. Ils sont les invités du sénateur Plett.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Île-du-Prince-Édouard

Le bénévolat

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous parler aujourd'hui de la place importante qu'occupe le bénévolat à l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai appris avec fierté que, d'après Statistique Canada, plus de 55 p. 100 des habitants de l'île ont fait du bénévolat en 2010, ce qui place la province au deuxième rang national. En moyenne, les gens font 157 heures de bénévolat par année.

Honorables sénateurs, les bénévoles sont au cœur de la santé et de la bonne marche de la société. Ils nous rendent des services essentiels, font de nos quartiers des endroits où il fait bon vivre et font office de mentors, d'entraîneurs et de personnes ressources auprès de nos jeunes. Et ce n'est pas tout.

Je tiens aujourd'hui à rendre hommage à deux bénévoles exceptionnels, Les et Joan Homans, de Sherbrooke, à l'Île-du-Prince-Édouard, qui, depuis 63 ans, font du bénévolat auprès d'une bonne douzaine d'organismes communautaires, comme les amis de la bibliothèque Rotary de Summerside et l'Institut des femmes de Sherbrooke. Nul besoin de préciser qu'ils font partie intégrante de la vie de leurs concitoyens.

Chaque année, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard prend le temps de célébrer le dévouement et l'énergie de ces gens en couronnant les aînés de l'année de l'Île-du-Prince-Édouard. En 2013, le gouvernement a remis ce prix à cinq personnes qui le méritaient amplement.

Lois Brown, de Kensington; Eric Hammill, de Kinkora; sœur Norma Gallant, de Wellington; John Kenny, de Stratford; et, enfin, Marion Murphy, de Millvale, font partie de ceux qui incarnent le mieux l'esprit du bénévolat.

Mme Lois Brown a reçu un prix pour le travail qu'elle fait auprès des gens de sa localité, pour son dévouement et pour son mentorat auprès de la jeune génération.

Sœur Norma Gallant, pour son leadership dans le domaine de la sécurité publique et de la prévention de la criminalité.

Eric Hammill, pour son leadership et son mentorat auprès des agriculteurs.

John Kenny, pour sa contribution remarquable à la vie communautaire.

Marion Murphy, enfin, a été récompensée pour sa persévérance et le dévouement avec lequel elle s'emploie à améliorer la vie de son prochain.

Je tiens à féliciter les aînés de l'année de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que l'ensemble des bénévoles, qui font de notre île un endroit meilleur pour tous.

(1420)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Hassan B. Jallow, procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, et sous-secrétaire général des Nations Unies. Il est l'invité du sénateur Dallaire.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Document d'accompagnement du Règlement du Sénat du Canada—Dépôt de la deuxième édition

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer la deuxième édition du Document d'accompagnement du Règlement du Sénat du Canada. Il met à jour la première édition, publiée en 1994.

Cette nouvelle édition, publiée en français et en anglais, renseigne les sénateurs sur les procédures parlementaires du Sénat.

Préparée par nos greffiers au Bureau et d'autres membres du personnel du Sénat, cette nouvelle édition du Document d'accompagnement est à la fois opportune et souhaitable. Je la recommande à tous les sénateurs et à tout autre intéressé.

Les sénateurs peuvent en obtenir un exemplaire sur demande. Ils obtiendront bientôt de l'information sur la façon de l'obtenir.

Le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Le Budget supplémentaire des dépenses (B)—Dépôt du deuxième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité des finances nationales portant sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 2 sur le Plan d'action économique de 2013

Dépôt du troisième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité des finances nationales portant sur la teneur du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'étude sur les questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale et l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

Dépôt du deuxième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité des droits de la personne, intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : vigilance et égalité vont de pair.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Finances nationales

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je propose :

Que, aux fins de son étude du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, si ce projet de loi est renvoyé au comité, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir même si le Sénat est en séance à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La prestation de soins aux personnes atteintes de démence

Préavis d'interpellation

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les défis auxquels doivent faire face un nombre important et grandissant de Canadiens qui fournissent des soins à des parents ou à des amis atteints de démence.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

La fermeture de bureaux—L'affectation des agents chargés des cas

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le bureau d'Anciens Combattants Canada à Prince George a déjà fermé ses portes. Les bureaux de ce ministère situés à Sydney, à Corner Brook, à Charlottetown, à Thunder Bay, à Windsor, à Brandon, à Saskatoon et à Kelowna doivent fermer le 31 janvier 2014.

Le ministre Fantino ordonnera-t-il la fermeture de ces bureaux, ce qui va causer du tort aux anciens combattants dans les localités touchées?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme je l'ai déjà expliqué au cours des dernières semaines, nous avons maintenu la prestation aux anciens combattants dans le budget; nous avons maintenu les services aux anciens combattants. Le bureau de Service Canada, particulièrement celui de Sydney, se trouve seulement à 400 mètres de l'endroit où se trouve le bureau des anciens combattants. La demande relative au bureau de Sydney, particulièrement, a chuté à moins de sept visites par jour en moyenne, et bon nombre de ces visiteurs ne viennent que déposer des documents. L'objectif est d'assurer une utilisation efficace des ressources sans réduire les services aux anciens combattants.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : À Sydney et au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, 4 200 anciens combattants seront touchés par la fermeture du bureau. À la suite du tollé et des manifestations tenues au Cap-Breton et ailleurs au pays, le 28 novembre, le ministre Fantino a annoncé un compromis : un employé d'Anciens Combattants Canada sera affecté aux bureaux de Service Canada dans chacune des localités où les bureaux fermeront.

Les groupes d'anciens combattants sont plutôt mécontents de ce soi-disant compromis, car, selon eux, cela signifie simplement qu'ils vont devoir faire la queue pour pouvoir faire la queue.

Comment ce compromis va-t-il fonctionner?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, notre gouvernement est déterminé à ce que les anciens combattants et leurs familles aient le soutien dont ils ont besoin là où ils en ont besoin, peu importe où ils vivent au pays. Nous organisons également des visites à domicile personnalisées avec des professionnels de la santé. Nous offrons des services d'entretien ménager, augmentons le nombre des gestionnaires de cas là où le besoin est le plus pressant. Nous avons des centres de santé partout au pays. Un agent de service aux clients d'Anciens Combattants Canada sera en poste à chacun des bureaux de Service Canada, le plus près des anciens bureaux de secteur, assurant un accès continu aux services au cours de la transition visant à offrir un guichet unique pour les services gouvernementaux par l'intermédiaire de Service Canada. Nous nous engageons à assurer que tous les anciens combattants reçoivent la meilleure aide possible.

(1430)

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Dans votre réponse, vous avez dit que le travailleur social des Anciens Combattants assurerait le maintien des services. Ce grand compromis a été préconisé par le ministre Fantino lorsqu'il a annoncé l'affectation d'un travailleur social qui devait aider tous ces anciens combattants. En Nouvelle-Écosse, plus précisément, ce travailleur social va aider les 4 200 anciens combattants de Sydney. Chose curieuse, nous avons appris aujourd'hui que cette mesure qui consiste à affecter un travailleur social dans les bureaux de Service Canada ne s'appliquera que pendant trois mois. Trois mois.

Le ministre a annoncé cette mesure avec tambours et trompettes le 28 novembre, mais voici que l'Alliance de la fonction publique du Canada a appris aujourd'hui que ce travailleur social, présenté comme un grand compromis par le ministre, comme une aide pour les anciens combattants — et vous venez de dire que c'est une bonne mesure parce qu'elle va assurer le maintien du service pour cette clientèle... Nous avons appris aujourd'hui que ce poste, dans chacune des villes, n'est prévu que pour trois mois.

À la fin d'avril, dans l'ensemble du pays, il n'y aura aucun travailleur social des Anciens Combattants dans les bureaux de Service Canada.

Des voix : C'est une honte!

La sénatrice Cordy : Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le ministre Fantino a annoncé ce que tout le monde a cru être un poste permanent de travailleur social dans tous les bureaux de Service Canada? Il me semble que le ministre a fait une déclaration trompeuse pour calmer les protestations dans tout le Canada. Le ministre a trompé les anciens combattants qui ont servi leur pays.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je crois que vous avez mal compris ou que vous n'avez pas entendu ma réponse précédente, quand j'ai dit que, pendant la transition visant à offrir un guichet unique pour les services gouvernementaux par l'intermédiaire de Service Canada, nous nous engageons à assurer que tous les anciens combattants reçoivent la meilleure aide possible, et je rappelle, particulièrement pour le bureau de Sydney, qu'il est situé à 400 mètres du bureau de Service Canada.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Le 28 novembre, quand le ministre Fantino a annoncé ce compromis, il n'a pas parlé de transition. Il a dit aux anciens combattants du Canada, il a dit aux 4 200 anciens combattants de Sydney, au Cap-Breton, il a dit à tous les anciens combattants qu'il y aurait un représentant des Anciens Combattants dans les bureaux de Service Canada, dans les régions où les bureaux du ministère fermaient. Ce n'est pas vrai. C'est une déclaration trompeuse.

Pourquoi le ministre Fantino a-t-il induit en erreur les anciens combattants du Canada qui ont servi leur pays et sont allés au front pour défendre les Canadiens? Pourquoi a-t-il trompé les anciens combattants et tous les Canadiens, qui veulent qu'on s'occupe correctement des anciens combattants?

[Français]

Le sénateur Carignan : L'initiative de Service Canada est là pour demeurer, les services qui sont offerts aux anciens combattants sont les services les plus personnalisés possibles et on veut s'assurer que cela puisse continuer.

Comme je l'ai dit, un agent du service aux clients des Anciens Combattants est en poste dans chacun des bureaux de Service Canada et il y a également la possibilité d'avoir des services à domicile, des visites personnalisées, par rapport aux agents. Donc, on veut s'assurer que les anciens combattants puissent avoir l'information dont ils ont besoin pour obtenir les services.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Ils ne reçoivent pas l'information. Ce qu'ils reçoivent, c'est l'information trompeuse d'un ministre qui se soucie davantage des relations publiques que de l'aide à apporter aux anciens combattants.

Êtes-vous en train de dire que ces postes d'agent des Anciens Combattants sont permanents, qu'ils seront permanents au sein de Service Canada? D'après l'information que j'ai, jusqu'à aujourd'hui, c'est que ce sont des postes de trois mois.

Dans certaines régions du Canada où on ferme des bureaux du ministère, ces postes de trois mois ne sont pas même permanents. Ce sont des postes à temps partiel. Les anciens combattants devront donc téléphoner à Service Canada et demander : « Le représentant d'Anciens Combattants Canada est-il au bureau aujourd'hui, ou n'est-il là que le mardi et le jeudi? »

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme j'ai expliqué à la sénatrice, notre gouvernement est déterminé à ce que les anciens combattants et leur famille aient le soutien dont ils ont besoin là où ils en ont besoin, peu importe où ils vivent au pays. Un agent du service aux clients des Anciens Combattants sera en poste à chacun des bureaux de Service Canada, le plus près des anciens bureaux du secteur, assurant un maintien du service pendant la transition visant à offrir un guichet unique pour les services gouvernementaux par l'intermédiaire de Service Canada. Nous nous engageons à assurer que tous les anciens combattants reçoivent la meilleure aide possible.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : J'ai une question complémentaire. Je veux tirer une chose au clair, monsieur le leader.

Selon moi, la sénatrice Cordy a dit que les gens qui seraient là pour aider les anciens combattants pendant trois mois seront employés à temps partiel. Est-ce exact?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai expliqué, sénateur Moore, que des agents de Service Canada sont en poste dans chacun des bureaux de Service Canada le plus près des anciens bureaux des Anciens Combattants, de façon à s'assurer que les services dont ils ont besoin soient disponibles pour leur venir en aide.

[Traduction]

Le sénateur Moore : J'ai entendu tout ce qui s'est dit sur l'emplacement et sur les gens qui travaillent à Service Canada. Je veux qu'on me parle de ceux qui seront affectés au travail avec les anciens combattants, qui seront là pour les aider. Commençons par cela.

Sont-ils là pour trois mois? Sont-ils à temps partiel pendant ces trois mois ou sont-ils des employés permanents?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'expliquais, sénateur Moore, cette initiative de Service Canada est là pour demeurer et pour garantir le meilleur service possible aux anciens combattants.

Les affaires étrangères

Le Plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

En octobre 2010, notre gouvernement a mis de l'avant le Plan d'action national du Canada. Dans ce plan, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement s'est engagé à publier un rapport annuel sur les progrès du Canada dans la mise en œuvre des résolutions sur des thèmes importants, à savoir les femmes, la paix et la sécurité, et de rendre ce rapport public.

Monsieur le leader, depuis 2011, aucun plan d'action national n'a été rendu public. J'ai posé cette question au mois de juin dernier et, encore une fois, le mois dernier. À ce moment, vous avez indiqué que vous alliez en glisser un mot au ministre des Affaires étrangères, M. Baird.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quand exactement le Plan d'action national du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité sera rendu public?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice Jaffer, mon bureau a communiqué avec le bureau du ministre Baird et je suis toujours en attente de cette réponse. Je vous reviendrai au cours des prochains jours.

La sénatrice Jaffer : J'apprécie beaucoup, et s'il était possible d'obtenir la réponse à ma question avant le mois de janvier, cela m'aiderait beaucoup.

Le sénateur Carignan : Comme je vous l'ai expliqué, j'ai fait part de vos inquiétudes et de vos commentaires au ministre.

Le patrimoine canadien

CBC/Radio-Canada—L'investissement capital dans les infrastructures

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Carignan, hier soir, au Comité des langues officielles, a comparu le vice-président responsable des services francophones à la Société Radio-Canada, radio, télévision et services web, M. Louis Lalande. Il était accompagné de la responsable des services régionaux et du responsable du service de l'information.

(1440)

Nous avons eu une discussion que j'oserais qualifier d'inquiétante. Nous avons appris que la Société Radio-Canada ne reçoit plus d'enveloppe spéciale pour les investissements capitaux requis par l'entreprise.

Je vais surtout m'attarder aux radios française et anglaise qui desservent l'ensemble du pays dans les deux langues officielles, et ce, grâce aux nombreux réémetteurs de toutes les stations radio anglaise et française d'un bout à l'autre du pays. Ces réémetteurs ont vraiment besoin de réparations, et on nous a informés que, malheureusement, il n'y a pas d'enveloppe spéciale de capitaux pour s'assurer que la qualité technique assurera la réception du signal radio partout au pays.

Pourriez-vous nous dire si le gouvernement considère la possibilité de développer cette enveloppe de capitaux?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Notre gouvernement reconnaît le rôle clé que CBC/Radio-Canada joue dans la société canadienne, particulièrement dans les communautés isolées qui sont tributaires de CBC/Radio-Canada, pour la radio notamment, et pour la télévision. Radio-Canada reçoit beaucoup de fonds publics et doit faire sa part pour la réduction du déficit, comme tout le monde.

Le président de Radio-Canada a dit que la société pouvait continuer de remplir son mandat et de mettre en œuvre son plan pour 2015, tout en participant au plan d'action du gouvernement pour la réduction du déficit. Il a également dit que la programmation de CBC/Radio-Canada doit être offerte en français et en anglais. Nous nous attendons donc à ce que la société continue d'offrir une programmation dans les deux langues, partout au Canada, en accordant une attention spéciale aux régions.

La sénatrice Charette-Poulin : Justement, sénateur Carignan, c'est intéressant que vous disiez cela, parce qu'on a appris de la présidente du Comité des langues officielles, la sénatrice Tardif, originaire de l'Alberta, que, dans le parc national de Jasper, on a accès à la radio anglaise, mais pas du tout à la radio française. Quelle image le pays donne-t-il aux visiteurs de tous les pays lorsqu'ils n'ont pas accès à la radio française dans le parc de Jasper?

Le sénateur Carignan : Comme j'ai expliqué, la programmation de CBC/Radio-Canada doit être disponible en français et en anglais. Nous nous attendons à ce que la société continue d'offrir une programmation dans les deux langues officielles, partout au Canada, en accordant une attention spéciale aux régions.

La sénatrice Charette-Poulin : C'est intéressant, sénateur Carignan, que vous disiez le mot « régions ». Nous avons appris hier que 30 à 40 p. 100 des visiteurs sur le site de Radio-Canada viennent des régions.

Cela m'a rappelé une phrase que le regretté Pierre Juneau — qui a été président de CBC/Radio-Canada pendant plus de sept ans — disait souvent : « Plus notre radiodiffuseur national, tant en radio qu'en télé, sera implanté dans les régions, plus l'entreprise aura une raison d'être dans ce pays si immense et si distinctif d'une région à l'autre. »

Comment une entreprise comme la Société Radio-Canada, déjà aux prises avec des difficultés financières, peut-elle respecter son mandat régional lorsque, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, un des objectifs de la société est de présenter les régions au reste du pays? Comment peut-elle respecter son mandat s'il y a un manque sur le plan des moyens financiers?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme il a été dit, Radio-Canada reçoit beaucoup de fonds publics et, comme tout le monde, elle doit faire sa part pour la réduction du déficit. J'aimerais vous rassurer en reprenant les paroles du président de Radio-Canada qui a dit que la société peut continuer de remplir son mandat et de mettre en œuvre son plan pour 2015, tout en participant au plan d'action de notre gouvernement pour réduire le déficit.

[Traduction]

Les finances

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat ferait-il usage de ses bons offices pour obtenir une réponse à une question écrite que j'ai fait inscrire d'abord le 25 avril dernier et que j'ai fait réinscrire le 16 octobre au sujet du crédit d'impôt pour personnes handicapées?

Je comprends qu'il n'ait pas l'information sous les yeux, mais puis-je espérer une réponse, selon toute probabilité, avant l'ajournement du temps des Fêtes ou bien dès que nous reviendrons pour la prochaine séance?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Downe, pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?

[Traduction]

Le sénateur Downe : Oui. Une question écrite a été inscrite au départ le 25 avril 2013 et réinscrite le 16 octobre 2013. Elle figure maintenant au Feuilleton du Sénat. Elle porte le numéro 2 et elle concerne le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Ceux qui m'ont demandé de faire inscrire cette question voudraient obtenir l'information. Y a-t-il des chances d'obtenir une réponse avant l'ajournement ou puis-je espérer l'obtenir dès que nous reviendrons, dans la nouvelle année?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je m'excuse, j'avais mal compris votre question. Je vais voir où en est le progrès au niveau de la réponse et essayer de vous la fournir dans les meilleurs délais.

[Traduction]

Les affaires étrangères

Les résidences des ambassadeurs en Italie et en Espagne

L'honorable Percy E. Downe : Voici ma deuxième question. Je crois savoir que le gouvernement prévoit vendre la résidence officielle de l'ambassadeur à Rome, qui, vous n'êtes pas sans le savoir, a été achetée après la Seconde Guerre mondiale au moyen de fonds bloqués. Le leader pourrait-il donner une explication à jour des motifs de cette décision?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Vous parlez de l'ancienne résidence officielle du Canada à Rome, la Villa Grandi, qui était beaucoup trop grande et beaucoup trop dispendieuse pour les contribuables canadiens. Notre gouvernement respecte les contribuables en dépensant judicieusement leur argent et il a l'intention de voir à ce que la diplomatie canadienne utilise de façon optimale les deniers publics.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Si je ne m'abuse, nous avons actuellement deux résidences parce que nous avons deux ambassadeurs, c'est-à-dire un en Italie et l'autre au Vatican. Qu'est-ce que le gouvernement compte faire de la résidence de l'ambassadeur au Vatican, et quel est le plan d'ensemble pour l'Italie?

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous nous attendons à ce que l'argent des Canadiens soit utilisé de façon optimale. Nous allons nous assurer que les services diplomatiques aient les moyens de représenter le Canada, tout en respectant la capacité de payer des Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je vous remercie. Si vous n'avez pas la réponse, vous pouvez vous informer, puis nous communiquer cette réponse. Nous avons deux résidences. Le gouvernement a-t-il l'intention de réduire la taille de l'une d'elles, de garder l'autre résidence, ou de regrouper les deux résidences en une seule? Qu'est-ce que le gouvernement compte faire? Il doit être en train d'étudier une proposition.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pour l'instant, ce que je peux dire par rapport à la Villa Grandi, c'est que c'est l'ancienne résidence officielle, qu'elle était beaucoup trop grande et trop dispendieuse. Nous entendons utiliser les ressources le mieux possible et au meilleur rapport coût/bénéfice pour les Canadiens.

(1450)

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je vous saurais gré de me fournir plus de précisions lorsque vous aurez obtenu ces renseignements.

Comme nous le savons tous pour l'avoir lu dans les journaux, le marché immobilier est déprimé dans plusieurs pays européens. Pourriez-vous faire le point sur la vente de la résidence de l'ambassadeur en Espagne? Sauf erreur, cette résidence est sur le marché depuis un long moment et son prix a été réduit plusieurs fois.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai déjà expliqué, on essaie d'utiliser les ressources financières des Canadiens de la façon la plus efficiente possible et, lorsqu'on met des résidences étrangères en vente, comme c'est le cas entre autres à Rome, on veut s'assurer que les Canadiens en ont pour leur argent, sans nuire à la qualité des services de la diplomatie canadienne.

[Traduction]

Le sénateur Downe : On pourrait faire valoir que dans le cas de l'ambassade à Rome, nous en avons vraiment eu pour notre argent, parce que nous l'avons acheté avec des fonds bloqués. Les fonds bloqués ont-ils été pris en considération?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, je ne sais pas quels fonds précis ont été utilisés pour l'acquisition des immeubles canadiens, mais ce sont sûrement des fonds publics. On veut donc s'assurer d'utiliser nos ambassades et nos missions à l'étranger de la façon la plus efficiente et efficace possible, au meilleur coût possible pour les Canadiens, et toutes les décisions prises dans ce domaine le sont dans cet objectif.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Comme vous le savez sans doute, les fonds bloqués étaient un remboursement accordé au Canada par suite de nos efforts militaires au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ces fonds ne pouvaient quitter le pays. Ils devaient rester sur place. Nous nous en sommes servis pour acheter les propriétés que nous possédons maintenant à Rome. De toute évidence, c'était une utilisation très judicieuse des deniers publics.

Je vais revenir sur ces questions après les Fêtes. J'aimerais que le leader du gouvernement fournisse des explications sur le plan d'ensemble. Il va de soi que nous respectons tous ses arguments liés aux économies, mais en tant que membre du G8 et du G20, nous ne voulons pas que nos ambassadeurs se retrouvent dans de petits logements, alors que les représentants des autres pays vivent dans des résidences.

Il y a forcément un plan concernant le choix des résidences, ainsi que les dépenses et les coûts permanents prévus. Je me demande si le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous communiquer ces renseignements à notre retour du congé des Fêtes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le plan est assez simple, sénateur. Le gouvernement respecte les contribuables en dépensant judicieusement leur argent et a l'intention de voir à ce que la diplomatie canadienne utilise de façon optimale les deniers publics. C'est le plan, sénateur Downe.

[Traduction]

Le sénateur Downe : J'ai hâte d'entendre d'autres détails à ce sujet à notre retour.

L'emploi et le développement social

L'embauche des anciens combattants libérés pour des raisons médicales

L'honorable Percy E. Downe : Depuis 2005, les membres qualifiés des Forces armées canadiennes libérés pour des raisons médicales sont admissibles au recrutement prioritaire au sein de la fonction publique fédérale. Je me demande si, dans le temps qui m'est imparti, le leader du gouvernement au Sénat peut nous dire pourquoi, après huit ans, un si petit nombre de ces membres ont effectivement été embauchés?

Le sénateur Munson : Quelle bonne question.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Downe, comme vous le savez, nous avons un plan d'action pour embaucher les vétérans et on veut, lorsque c'est possible de le faire, leur assurer qu'ils ont la priorité. On incite d'ailleurs les employeurs canadiens à embaucher des vétérans.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Ce dont je parle, c'est du programme du gouvernement du Canada pour embaucher au sein de la fonction publique des membres qualifiés des Forces canadiennes qui ont été libérés pour des raisons médicales. Ce programme existe depuis 2005 et, au cours des huit dernières années, bien peu d'entre eux ont été engagés par le gouvernement fédéral. Je me demande simplement pourquoi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, nous voulons nous assurer que les vétérans puissent s'intégrer dans la société civile par l'embauche, et, lorsqu'il y a des ouvertures pour embaucher des anciens combattants à l'intérieur de la fonction publique, nous nous assurons de respecter cette politique d'embauche des vétérans.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Merci de cette réponse, mais, entre la mise en place du programme en 2005 et le mois de septembre 2012, 374 000 personnes ont été embauchées par le gouvernement du Canada. Parallèlement, 387 anciens combattants qualifiés libérés pour des raisons médicales ont été supprimés de la liste prioritaire parce que, pendant cette période, il n'y avait aucun emploi disponible pour eux au sein du gouvernement du Canada.

Des voix : Quelle honte!

Le sénateur Downe : Comment peut-il en être ainsi?

Le sénateur Munson : N'avez-vous aucune compassion?

[Français]

Le sénateur Carignan : Plusieurs programmes sont offerts aux anciens combattants, notamment des programmes d'autonomie. Il y a plusieurs possibilités pour les anciens combattants d'avoir une transition vers la société civile, que ce soit en mettant sur pied leur propre entreprise ou en travaillant à l'intérieur de la fonction publique. Donc, c'est en fonction du choix et de la planification des anciens combattants, lorsqu'ils décident de s'engager dans la période de transition.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Eh bien, durant huit ans, ces 387 anciens combattants libérés pour des raisons médicales — c'est-à-dire en raison d'un problème de santé contracté alors qu'ils servaient dans les Forces canadiennes — avaient fait le choix de travailler au sein du gouvernement du Canada. Le gouvernement a embauché 374 000 personnes, mais il a été impossible de trouver un emploi à ces 387 anciens combattants. Une partie du problème vient du fait que certains ministères n'en engagent aucun, car ils ne participent pas à ce programme.

Pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas des directives aux ministères du gouvernement fédéral pour qu'ils accordent la priorité d'embauche aux anciens combattants libérés pour des raisons médicales?

La sénatrice Tardif : Bonne question!

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous avons le projet de loi C-11, qui a pour but de favoriser l'embauche des anciens combattants. Tous les anciens combattants démobilisés pour des raisons médicales auront la priorité dans la fonction publique, et nous avons l'intention de légiférer de manière à ce que ceux qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions aient la priorité absolue. J'espère que vous appuierez l'adoption de ce projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Non seulement j'appuie ce projet de loi, c'est aussi un principe que je défends depuis longtemps. La priorité d'embauche dans la fonction publique...

Son Honneur le Président : Le temps alloué à la période des questions est écoulé.


ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Question de privilège

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le premier point à l'ordre du jour est la décision de la présidence.

Honorables sénateurs, le 5 décembre, le sénateur Cowan, leader de l'opposition, a soulevé une question de privilège concernant les allégations d'ingérence dans la vérification des dépenses du sénateur Duffy commandée par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Le sénateur Cowan a soutenu que les divers types d'ingérence mentionnés ont pu nuire au travail du Sénat et de ses membres.

La question de privilège du sénateur repose en grande partie sur l'information fournie dans une déclaration sous serment de la GRC rendue publique le 20 novembre. La teneur de cette déclaration, qui n'a pas été soumise aux tribunaux, a capté l'intérêt du public. L'information en question préoccupe tous les sénateurs et a fait l'objet de discussions au Sénat et au Comité de la régie interne. Le sénateur Cowan a fait valoir que les événements ayant entouré la vérification, dont il est fait état dans le document de la GRC, équivalaient à une ingérence dans les travaux du Comité de la régie interne et dans la préparation des preuves par le cabinet de vérification Deloitte.

[Français]

Dans son intervention, le leader de l'opposition a repris les quatre critères qui doivent être respectés, aux termes de l'article 13-3(1) du Règlement, pour qu'une question de privilège soit déclarée fondée à première vue. Il a insisté sur le fait qu'il avait tenté d'épuiser tous les autres recours possibles avant de soulever la question de privilège. Il a estimé que la dernière possibilité qui aurait pu s'offrir avait été éliminée quand le Sénat a rejeté une motion demandant que le Comité de la régie interne entende l'associé de Deloitte nommé dans le document de la GRC. Malgré les retards que cela a entraînés, le sénateur Cowan a fait valoir qu'il avait respecté tous les critères énoncés à l'article 13-3(1) du Règlement.

(1500)

[Traduction]

La sénatrice Fraser a ensuite appuyé les arguments du sénateur Cowan. Elle a indiqué que les événements, tels qu'ils ont été présentés par la GRC, donnent à penser qu'il y a eu ingérence dans les travaux du Parlement. À l'instar du sénateur Cowan, elle a dit croire que les critères pour déterminer qu'une question de privilège est fondée à première vue ont été respectés.

[Français]

Le sénateur Carignan, leader du gouvernement, estimait pour sa part que l'on ne pouvait pas parler de question de privilège. Il ne trouvait pas que les événements mentionnés dans le document de la GRC constituaient une ingérence dans les travaux du Sénat.

[Traduction]

Les communications entre les membres d'un même caucus, dans chaque Chambre, font partie normale de la vie politique de toute institution bicamérale inspirée du régime de Westminster. Il ne faudrait pas percevoir ces conversations comme des ingérences, dans le contexte parlementaire.

[Français]

En outre, le sénateur Carignan a parlé plus précisément de l'appel téléphonique fait au groupe de vérification par un associé directeur chez Deloitte. Il a souligné que le groupe de vérification juricomptable de Deloitte avait déclaré qu'il n'avait pas fourni de réponse, renvoyant l'auteur de l'appel à de l'information disponible publiquement. Le leader du gouvernement a conclu qu'il n'y avait pas eu d'ingérence dans le processus de vérification et qu'aucune mesure n'avait été prise pour bloquer des témoins.

[Traduction]

Pour sa part, la sénatrice Cools a exprimé des réserves face à la solution proposée par le sénateur Cowan si jamais la question de privilège est déclarée fondée à première vue, à savoir le renvoi au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Elle a dit craindre que cela revienne à demander à un comité de porter un jugement sur le travail d'un autre comité. Elle a fait remarquer que le Comité de la régie interne a décidé de la façon de traiter l'affaire, et a exhorté ses collègues à respecter la décision de ce comité.

Honorables sénateurs, la question de l'ingérence est au cœur même de cette question de privilège, qui nous amène à nous interroger sur le type d'ingérence qui aurait pu se produire. Même si une réponse précise à cette question n'est peut-être pas indispensable pour le moment, il est devenu évident que, sur le plan juridique et sur le plan parlementaire, ce mot ne revêt pas nécessairement le même sens.

Quels que soient les détails d'une question de privilège donnée, le Président a la responsabilité d'aider le Sénat en procédant à une première évaluation, et à cette fin, le Président est tenu de se conformer aux critères énoncés à l'article 13-3(1) du Règlement. Pour qu'une question de privilège puisse être déclarée fondée à première vue, tous les critères doivent être respectés. Et la priorité n'est donnée à la question de privilège que si elle :

a) est soulevée à la première occasion;

b) se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités ou d'un sénateur;

c) vise à corriger une atteinte grave et sérieuse;

d) cherche à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire.

[Français]

Dans son intervention, le leader de l'opposition a laissé entendre qu'un sénateur a la possibilité d'épuiser toutes les autres possibilités raisonnables — ce qui l'aidera à satisfaire au critère prévu à l'alinéa d) — avant que le critère prévu à l'alinéa a) entre en ligne de compte. Autrement dit, qu'un des critères aurait priorité sur les autres.

[Traduction]

Les choses ne se passent pas ainsi au Sénat. Les quatre critères doivent tous être respectés, et respectés en même temps et non sur une certaine période ou successivement. C'est le Président qui vérifie, initialement, si tous les critères ont été respectés, et il est possible de faire appel de sa décision au Sénat.

Honorables sénateurs, l'article 13-1 du Règlement, qui porte sur le privilège, nous guide sur le processus applicable aux questions de privilège. Cet article se lit comme suit :

Une atteinte aux privilèges d'un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

[Français]

Il est clair que les sénateurs doivent exprimer sans tarder les préoccupations qu'ils peuvent avoir à propos du privilège. Dans le cadre de notre Règlement et de nos pratiques, nous reconnaissons le caractère urgent des questions de privilège.

[Traduction]

Dans ce contexte, et conformément aux pratiques antérieures, l'article 13-3(1)a) dit qu'une question de privilège doit être soulevée à la première occasion. Les précédents montrent que même un retard de quelques jours peut faire en sorte qu'une question de privilège ne réponde pas à ce critère. Tenter d'épuiser les autres recours avant de donner préavis d'une question de privilège n'empêche pas celle-ci de devoir répondre au premier critère.

[Français]

Comme cette question de privilège concerne une situation touchant un comité, je profite de l'occasion pour mentionner que les sénateurs peuvent soulever au Sénat des questions de privilège découlant des délibérations d'un comité. Un rapport du comité n'est pas essentiel. Le fait que le comité puisse faire rapport de la question n'a jamais été interprété comme soulevant la possibilité d'une autre procédure parlementaire raisonnable — qui est le quatrième critère.

[Traduction]

La déclaration sous serment de la GRC est devenue publique le 20 novembre, et l'information qu'elle contenait a été longuement débattue au Sénat. La question de privilège a été soulevée plus de deux semaines après la divulgation de ce document. Compte tenu du laps de temps écoulé, le premier critère — que la question de privilège soit soulevée à la première occasion —, n'a pas été respecté. Par conséquent, la question de privilège ne peut pas être déclarée fondée à première vue, et il n'est donc pas nécessaire de prendre en considération les trois autres critères.

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-4, suivi par le projet de loi C-7, suivi par tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013

Deuxième lecture

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-4, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. Il s'agit d'une mesure législative d'ordre économique d'importance capitale pour le gouvernement.

Avant d'aborder certaines initiatives clés dont il est question dans cette mesure législative, j'aimerais attirer l'attention sur la situation économique actuelle du Canada. C'est dans ce contexte que le projet de loi C-4 continue d'appuyer les efforts du gouvernement, qui met l'accent sur l'emploi, la croissance et la prospérité à long terme.

Honorables sénateurs, nous savons tous que le Canada a affiché l'une des meilleures performances économiques des pays du G7 durant la récession mondiale et la reprise. Depuis le creux de la récession, l'économie du Canada a créé, net, plus d'un million d'emplois. De ceux-ci, près de 90 p. 100 sont des emplois à plein temps et plus de 85 p. 100 viennent du secteur privé. C'est de loin le plus solide bilan de création d'emplois du G7.

[Français]

En outre, le taux de chômage au Canada est à son plus bas niveau depuis décembre 2008 et reste inférieur à celui des États-Unis, un phénomène qui n'a pas été vu depuis près de trois décennies.

[Traduction]

Alors que d'autres pays continuent de peiner contre leur endettement, le Canada a la meilleure situation financière de tous les pays du G7. D'ailleurs, le ratio de la dette nette sur le PIB du Canada était de 34,6 p. 100 en 2012, soit de loin le plus bas du G7. L'Allemagne était deuxième avec 57,2 p. 100. Quant à la moyenne du G7, elle était de 90,4 p. 100.

Comme le gouvernement l'a récemment indiqué dans son rapport financier annuel, en 2012-2013, le déficit n'est plus que de 18,9 milliards de dollars. C'est une diminution de plus d'un quart, soit 7,4 milliards de dollars, comparativement au déficit de 26,3 milliards de dollars en 2011-2012, et une diminution de près des deux tiers comparativement au déficit de 55,6 milliards de dollars enregistré en 2009-2010.

(1510)

C'est grâce à l'investissement responsable des deniers publics qu'on a obtenu ces résultats. En effet, les dépenses directes de programme ont diminué de 1,2 p. 100 comparativement à l'année précédente et de 3,8 p. 100 comparativement à 2010-2011.

Clairement le gouvernement est sur la bonne voie, honorables sénateurs. Nous avons trouvé l'équilibre entre les efforts que nous déployons pour stimuler l'emploi et la croissance économique, et le respect de nos engagements visant à réduire le déficit et à rétablir l'équilibre budgétaire en 2015.

Je pense que c'est Lori Mathison, présidente du comité d'étude des finances et du budget du gouvernement, de la Chambre de commerce de Vancouver, qui a le mieux résumé la situation lorsqu'elle a dit :

Le gouvernement démontre qu'il a l'intention d'atteindre l'équilibre budgétaire à court terme, tout en appuyant la croissance économique et la création d'emplois.

Compte tenu de la conjoncture économique mondiale — caractérisée par des récessions, l'abaissement de cotes de crédit nationales et infranationales et des déficits impossibles à maîtriser —, nous pouvons nous compter très chanceux au Canada de pouvoir aspirer à l'équilibre budgétaire, de recevoir des cotes de crédit triple A et de voir notre PIB progresser.

Le Fonds monétaire international et l'Organisation de coopération et de développement économiques, deux organismes indépendants, prévoient que le Canada sera l'un des pays du G7 ayant la plus forte croissance pendant les années à venir. Pas plus tard que la semaine dernière, Statistique Canada a annoncé que l'économie canadienne avait crû de 2,7 p. 100 au troisième trimestre de 2013. C'est le neuvième trimestre consécutif de croissance économique au Canada, signe encourageant qui nous montre que l'économie canadienne est sur la bonne voie.

Honorables sénateurs, ces nouvelles ont beau être encourageantes, notre gouvernement ne peut se permettre de se reposer sur ses lauriers. Les conditions économiques s'améliorent, c'est vrai, mais beaucoup trop de Canadiens sont au chômage. De plus, il faut toujours se souvenir que le Canada n'est pas invulnérable aux difficultés venant d'ailleurs. En effet, la reprise économique mondiale demeure précaire, surtout aux États-Unis et en Europe, deux de nos plus importants partenaires commerciaux.

[Français]

C'est pourquoi notre gouvernement conservateur continue de se concentrer sur ce qui compte pour les Canadiens : la création d'emplois et la croissance économique du Canada.

[Traduction]

Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui a pour objet de mettre en œuvre d'importantes mesures faisant partie du Plan d'action économique de 2013 et visant à appuyer la création d'emplois et la croissance au Canada.

Cela dit, je voudrais mettre en évidence quelques-unes des importantes mesures prévues dans le projet de loi C-4.

Notre gouvernement reconnaît le rôle vital que jouent les propriétaires de petites entreprises dans l'économie et la création d'emplois. Depuis 2006, notre gouvernement a pris des mesures pour aider ces entreprises à croître et à réussir. Il y a notamment la réduction du taux d'imposition des petites entreprises, qui est passé de 12 à 11 p. 100, et l'augmentation de la limite de leurs revenus à 500 000 $.

De plus, en 2011, nous avons annoncé l'introduction du crédit pour l'embauche visant les petites entreprises, qui permet à celles-ci d'obtenir un montant pouvant atteindre 1 000 $ lorsqu'elles engagent un nouveau travailleur. En fait, le crédit a eu tant de succès qu'il a été reconduit dans le cadre du Plan d'action économique de 2012.

Même si l'économie canadienne s'améliore, l'incertitude demeure. Nous avons entendu les préoccupations des propriétaires d'entreprises. C'est pour cette raison que le projet de loi C-4 reconduit et élargit le crédit pour l'embauche. Maintenant, il permettra d'obtenir jusqu'à 1000 $ en contrepartie de l'augmentation en 2013 des cotisations d'assurance emploi par rapport à 2012. Il s'appliquera aux employeurs dont les cotisations totales s'élevaient à 15 000 $ ou moins en 2012, par rapport à 10 000 $ l'année précédente.

La prolongation et l'élargissement du crédit profitera à plus de 560 000 employeurs qui pourront ainsi engager de nouveaux travailleurs pour faire croître leur entreprise. De plus, il leur assurera des allégements fiscaux estimés à 225 millions de dollars en 2013. Comme l'a récemment dit Dan Kelly, président et chef de la direction de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante :

La prolongation et la bonification du crédit à l'embauche [...] seront bien accueillies par de nombreuses petites entreprises partout au Canada.

Mais ce n'est pas tout. Le projet de loi C-4 prévoit une hausse et une indexation de l'exonération cumulative des gains en capital. En faisant passer le montant de 750 000 $ à 800 000 $, cette mesure non seulement favorise l'investissement dans les petites entreprises, mais permet plus facilement aux propriétaires de transférer l'entreprise familiale à la génération suivante d'entrepreneurs canadiens.

De plus, le projet de loi C-4 prévoit pour la toute première fois l'indexation sur l'inflation. Ainsi, la valeur réelle de l'exonération cumulative des gains en capital ne diminuera pas avec le temps.

Dans l'ensemble, cela assurera un allégement fiscal estimé à 5 millions de dollars en 2013-2014 et à 15 millions de dollars en 2014-2015.

Le projet de loi C-4 prévoit en outre davantage d'allégements pour les entreprises canadiennes en élargissant la portée de la déduction pour amortissement accéléré afin d'encourager les investissements dans la production d'énergie propre.

En maintenant de faibles niveaux d'imposition, le Canada attire des investissements et permet aux entreprises d'étendre leurs opérations et d'engager plus de travailleurs. Cela aide aussi les familles canadiennes en leur donnant la possibilité de conserver une plus grande partie de leur revenu durement gagné.

Voilà pourquoi nous avons réduit les impôts plus de 160 fois depuis 2006, amenant le fardeau fiscal global à son niveau le plus bas depuis 50 ans.

En parlant de familles, il importe de mentionner que nos mesures fiscales ont permis à la famille moyenne de quatre personnes de payer près de 3 400 $ de moins d'impôts qu'en 2006.

Nous devons continuer à maintenir des impôts bas. À cette fin, nous devons voir à ce que chacun paie sa juste part. Notre gouvernement est déterminé à éliminer les échappatoires fiscales qui permettent à un petit nombre d'entreprises et de particuliers d'éviter de payer leur juste part.

Le Plan d'action économique de 2013 propose un certain nombre de mesures destinées à éliminer les échappatoires fiscales, à combattre la planification fiscale abusive, à rendre plus claires les règles de l'impôt et à réduire l'évasion fiscale et l'évitement fiscal abusif à l'échelle internationale.

Depuis 2006, en incluant les mesures prévues dans le Plan d'action économique de 2013, notre gouvernement a éliminé plus de 75 échappatoires fiscales. Je mentionnerai à cet égard quelques-unes des mesures prévues dans le projet de loi C-4 : élimination des avantages fiscaux non voulus liés à des rentes assurées avec effet de levier et à des stratagèmes d'assurance-vie avec effet de levier, que l'on appelle communément les stratagèmes de type 10-8; extension de l'application des règles sur la capitalisation restreinte et interdiction des transferts inappropriés des pertes accumulées des fiducies entre personnes sans lien de dépendance; renforcement de la capacité de l'Agence du revenu du Canada à combattre l'évasion fiscale internationale grâce à la prolongation de trois ans de la période normale d'établissement d'une nouvelle cotisation dans le cas d'un contribuable qui a omis de déclarer un revenu tiré d'un bien étranger déterminé dans sa déclaration de revenus; rationalisation du processus par lequel l'ARC obtient des renseignements sur des personnes non désignées nommément auprès de tierces parties, par exemple des banques; et obligation pour certains intermédiaires financiers, y compris les banques, de déclarer à l'ARC les télévirements internationaux d'une valeur de 10 000 $ ou plus effectués par leurs clients.

Dans l'ensemble, les mesures prises dans le Plan d'action économique de 2013 pour éliminer les échappatoires fiscales et augmenter l'équité et l'intégrité du régime fiscal assureront près de 315 millions de dollars d'économies en 2013-2014, montant qui dépassera 1,2 milliard de dollars en 2017-2018 pour atteindre un total cumulatif de 4,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Les experts du domaine reconnaissent les avantages de ces efforts. Réagissant au Plan d'action économique de 2013, Gabe Hayos, vice-président responsable de la fiscalité à l'Institut canadien des comptables agréés, a déclaré ce qui suit au cours d'une conférence de presse tenue le 21 mars 2013 :

Nous appuyons les efforts visant à préserver l'intégrité de l'assiette fiscale [...]

Honorables sénateurs, la protection de l'assiette fiscale canadienne non seulement appuie nos efforts visant l'équilibre budgétaire, mais contribue à persuader les Canadiens que le régime fiscal est équitable. Les Canadiens peuvent être sûrs que notre gouvernement continuera à combattre les échappatoires fiscales et la planification fiscale abusive, à rendre plus claires les règles de l'impôt et à contrer l'évasion et l'évitement fiscaux à l'échelle internationale.

Notre gouvernement sévit aussi contre l'activité frauduleuse de certains contribuables. Il est évident que tous les contribuables ont l'obligation de tenir des livres et des dossiers aux fins de l'impôt. Or, certains détaillants utilisent des logiciels de suppression électronique des ventes pour supprimer ou modifier de façon sélective certaines transactions de vente inscrites dans leurs systèmes informatiques. Couramment appelés logiciels « zappeurs », ces dispositifs nuisent à la compétitivité des entreprises qui respectent les règles. Voilà pourquoi le projet de loi C-4 prévoit l'ajout de pénalités pécuniaires administratives et d'infractions criminelles au titre de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi de l'impôt sur le revenu pour sévir contre les personnes qui conçoivent de tels logiciels ou en possèdent.

(1520)

L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a accueilli cette mesure avec satisfaction. Voici ce qu'elle a déclaré :

[Ces mesures] ciblent convenablement les fabricants, les installateurs et les utilisateurs des logiciels qui faussent les chiffres de vente, tout en favorisant la compétitivité du milieu des petites entreprises au Canada qui travaillent fort, parmi lesquelles 81 000 restaurants, dont la vaste majorité paient leurs impôts et leurs taxes et exploitent leur entreprise dans une transparence totale.

Le gouvernement conservateur ne croit pas que ces pratiques sont équitables. Nous appuyons les Canadiens qui travaillent fort, qui respectent les règles et qui paient leurs impôts.

En plus de ces initiatives, le gouvernement a pris des mesures pour renforcer la neutralité du régime fiscal. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2006, nous nous sommes engagés à trouver des façons de rendre le régime fiscal plus neutre, et ce, dans tous les secteurs. De plus, en 2009, à l'instar des autres pays du G20, nous avons pris l'engagement de rationaliser et d'éliminer graduellement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Pour remplir cet engagement, le gouvernement a annoncé, dans les budgets de 2007 et de 2011, des mesures permettant l'élimination progressive de toutes les dispositions fiscales préférentielles visant les producteurs de sables bitumineux par rapport à celles du secteur pétrolier et gazier traditionnel. Dans la foulée de ces efforts, le projet de loi C-4 éliminera graduellement la déduction pour amortissement accéléré accordée au titre des immobilisations utilisées pour l'exploitation d'une nouvelle mine ou pour une expansion majeure d'une mine existante et réduira le taux de déduction des frais d'aménagement préalable à la production.

Honorables sénateurs, le Plan d'action économique de 2013 énonce clairement l'intention du gouvernement de fixer des niveaux de rémunération et des avantages dans la fonction publique qui sont raisonnables, responsables et dans l'intérêt public. Le projet de loi C-4 modifiera la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour que les coûts de la fonction publique soient raisonnables, et pour que celle-ci soit moderne et offre un rendement élevé. C'est ce que désirent, mais aussi ce que méritent les contribuables. Les mesures proposées dans le projet de loi C-4 entraîneront des économies, rationaliseront les pratiques et feront concorder les relations de travail au fédéral avec celles d'autres gouvernements. Le gouvernement représentera les contribuables à la table des négociations et parlera en leur nom, en employant des règles justes et équitables.

Honorables sénateurs, lorsqu'il est question de créer des emplois et de stimuler l'économie, le gouvernement conservateur est sur la bonne voie, comme en témoignent les mesures déterminantes que je viens d'évoquer.

[Français]

Honorables sénateurs, quand il s'agit de création d'emplois et de croissance économique, notre gouvernement conservateur est sur la bonne voie. J'ai souligné certaines initiatives clés du projet de loi C-4 qui nous garderont sur la bonne voie.

[Traduction]

Je conclus sur une citation. Voici ce qu'a dit Standard & Poor's, le 13 novembre dernier, après avoir décidé de maintenir la cote AAA du Canada :

La cote du Canada est le reflet de ses solides institutions publiques, de son économie prospère et résiliente, de sa souplesse financière et monétaire et de ses politiques efficaces [...]

Les bons résultats obtenus par le Canada au cours des dix dernières années, avec ses politiques monétaires et financières, de même que son ouverture au commerce international [...] continueront de favoriser sa performance économique.

Honorables sénateurs, c'est exactement ce dont le Canada a besoin, et le projet de loi C-4 va dans ce sens.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je me joins au débat sur le projet de loi C-4. D'entrée de jeu, je remercie la sénatrice Buth de son discours. Elle est la troisième membre du Comité permanent des finances nationales, et je tiens à la remercier, de même que le vice-président — le sénateur Smith — et tous les autres membres du comité, de tout le travail qu'ils ont accompli pour faire progresser ce projet de loi.

Comme les honorables sénateurs le savent, la loi d'exécution du budget arrive tardivement avant l'ajournement pour Noël et le Nouvel An, à peu près en même temps que le projet de loi de crédits. On comprendra que les sénateurs puissent confondre les divers rapports et projets de loi au fur et à mesure de leur étude.

Comme l'honorable sénatrice l'a dit, le Comité des finances a réalisé une étude préalable du projet de loi C-4 parce que nous voulions nous assurer d'en comprendre le contenu. Sachant que nous en serions saisis tardivement, et que nous aurions fort peu de temps pour l'étudier, de deux mots, nous avons choisi le moindre : nous avons fait une étude préalable qui sacrifie notre rôle traditionnel de Chambre de seconde réflexion objective et avons remplacé cette réflexion par une première réflexion objective sur le projet de loi.

Je comprends que le projet de loi en est à l'étape de la deuxième lecture. Plus tôt aujourd'hui, honorables sénateurs, j'ai déposé le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le projet de loi C-4. Vous voudrez peut-être en avoir un exemplaire. Il suffit de le demander à l'un des pages. Vous aurez ainsi une information générale et un aperçu de ce que le Comité sénatorial des finances nationales et six autres comités, qui ont également étudié certains passages du projet de loi, ont vu et entendu.

Je m'abstiendrai d'entrer dans les détails, comme l'honorable sénatrice l'a fait, parce que nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture, qui porte sur les grands principes du projet de loi. Pendant les prochaines minutes, c'est surtout là-dessus que porteront mes réflexions. Je voudrais corriger certaines impressions que la sénatrice Buth a laissées au sujet de la situation financière très rose qui serait la nôtre.

L'honorable sénatrice a parlé de la planification de l'équilibre budgétaire. Mais nous en parlons et nous planifions en ce sens depuis belle lurette. Je rappelle aux sénateurs que le gouvernement prévoit un déficit de 20 milliards de dollars l'an prochain. À la fin de l'exercice en cours, il sera de 18,9 milliards de dollars, pour autant que nous sachions. Nous avons vu ce que valaient les prévisions gouvernementales des déficits par le passé et nous avons remarqué les écarts énormes qui existent entre les prévisions et la réalité. La réalité, toutefois, c'est que l'an dernier, pour la première fois, nous avons accumulé, à force de déficits, une dette de plus de 600 milliards de dollars, et selon les prévisions, elle devrait atteindre les 650 milliards de dollars avant que l'équilibre budgétaire ne soit atteint. Imaginez le temps qu'il nous faudra pour rembourser cette dette, à nous, à nos enfants et à nos petits-enfants.

La seule raison de prendre la chose plutôt à la légère, c'est que les taux d'intérêt se situent à un niveau artificiellement très bas parce que l'économie stagne. Par conséquent, le gouvernement et la Banque du Canada pratiquent des taux d'intérêt susceptibles de susciter le développement. Par conséquent, la bonne chose, c'est que les frais de la dette publique s'établissent à environ 30 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent, mais ce serait bien plus, et ce sera bien plus lorsque les taux d'intérêts augmenteront et que la dette s'accumulera.

(1530)

Je voulais présenter aux sénateurs l'envers de cette situation idyllique que mon honorable collègue vient de décrire.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, il s'agit de la deuxième lecture d'un projet de loi d'exécution du budget de l'exercice 2013-2014. Il découle du document budgétaire de mars 2013, mais vous pourrez constater qu'il contient une multitude de choses, dont certaines ne se trouvent pas dans le budget. Voilà justement ce à quoi je voudrais consacrer mes propos pour que les sénateurs sachent ce qui se passe dans ces projets de loi d'exécution des budgets.

Le projet de loi s'intitule « Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures ». Honorables sénateurs, ce sont toujours ces « autres mesures » qui nous préoccupent, et ce, à juste titre.

En juin dernier, j'ai parlé du premier projet de loi d'exécution du budget. Il comptait 116 pages. J'étais rempli d'espoir, et je l'ai dit à ce moment-là. J'espérais que le gouvernement commence à apprécier et à respecter nos deux institutions, les deux Chambres, c'est-à-dire l'autre endroit et le Sénat, en réduisant la taille de ces projets de loi pour que nous puissions en faire une étude raisonnable.

Je me suis demandé si le gouvernement avec compris l'importance qu'il y a à ne pas regrouper toutes sortes de mesures dans ce fourre-tout législatif. Toutefois, comme l'a si bien dit le philosophe britannique Bertrand Russell, « les espoirs extrêmes naissent de la misère extrême ». C'est ce que nous avons obtenu, honorables sénateurs. L'espoir que je nourrissais était peut-être trop extrême à cause de l'affreuse situation, que j'ai décrite si souvent, occasionnée par ces projets de loi d'exécution du budget qui sont tellement denses que nous n'avons aucune chance de faire correctement notre travail.

Le projet de la C-4 dont nous sommes saisis se compose de trois parties. Ce n'est pas trop mal. Il compte cependant 308 pages et 472 articles différents. Chacun traite de différents concepts, de différentes politiques, de différentes idées, que nous devons comprendre en examinant les lois de départ afin de déterminer les effets de chacune des modifications apportées.

Le Sénat a reçu hier soir le projet de loi C-4 de la Chambre des communes. Notre Comité des finances nationales avait auparavant obtenu la permission d'entreprendre une étude préliminaire de cette mesure législative. Comme les honorables sénateurs le savent, cela signifie que nous avons eu la possibilité d'étudier le projet de loi pendant un certain temps.

Les avantages et les inconvénients de l'étude préliminaire ont été débattus ici. L'avantage évident, c'est que le Comité des finances peut consacrer plus de temps au projet de loi que si celui-ci avait franchi toutes les étapes à l'autre endroit avant de nous parvenir et d'être soumis ici à un examen de deux ou trois jours portant sur toutes ces pages et toutes ces dispositions. L'inconvénient, c'est que nous ne profitons pas des témoignages et des débats tenus à l'autre endroit et, par conséquent, que nous ne pouvons pas en tenir compte pour examiner d'autres aspects du projet de loi.

Comme les honorables sénateurs le comprennent bien, la Chambre dit parfois que certains aspects méritent une étude plus approfondie. Nous le voyons souvent. Si nous avions pu examiner le projet de loi d'une façon normale, nous aurions pu concentrer notre attention sur ces aspects. Certaines questions sont plus controversées que d'autres. Nous aurions pu nous en occuper en particulier, car ce sont ces questions qui peuvent avoir des effets pervers. Voilà ce que nous manquons en examinant le projet de loi non de la manière habituelle, mais dans le cadre d'une étude préliminaire.

Le Comité des finances nationales a consacré 10 réunions au projet de loi C-4. Nous avons entendu 33 témoins représentant quatre ministères et deux organismes fédéraux, ainsi que sept autres témoins qui pourraient être touchés par cette mesure législative. De plus, trois organisations ont présenté des mémoires au comité. Tout cela figure dans le rapport que j'ai mentionné, c'est-à-dire le troisième rapport de notre comité qui a été déposé tout à l'heure.

À part l'étude faite par le Comité des finances nationales, six autres comités sénatoriaux ont examiné certaines dispositions du projet de loi, conformément aux autorisations données par le Sénat. Il y a notamment le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui ont examiné des aspects du projet de loi C-4. Leurs rapports ont également été déposés et sont à la disposition de tous les sénateurs qui souhaitent les consulter. Ils ont été renvoyés à notre comité, qui a eu l'occasion de les examiner et d'inviter le président et le vice-président de chacun des comités à venir nous expliquer le contenu des dispositions faisant l'objet de leurs rapports.

Je voudrais remercier tous les membres de chacun de ces comités pour le travail qu'ils ont accompli et les rapports qu'ils ont rédigés. Ils ont aidé le Comité des finances nationales à comprendre l'ensemble du contenu du projet de loi.

Pourquoi est-il important que le Comité des finances nationales comprenne l'ensemble du projet de loi? Parce que, au terme du débat à l'étape de la deuxième lecture, je m'attends à ce que le projet de loi soit renvoyé à notre comité, qui examinera l'ensemble en vue d'une étude article par article. Nous devons connaître le contenu des différentes dispositions. Nous sommes maintenant beaucoup mieux en mesure de le faire par suite du travail accompli par les différents comités. Même s'ils n'ont étudié que certains aspects du projet de loi, les honorables sénateurs comprendront les raisons pour lesquelles il était nécessaire de leur demander de nous aider à comprendre ces aspects.

Honorables sénateurs, après avoir examiné tout ceci, nous avons en main un autre projet de loi omnibus du gouvernement, malgré tous les arguments que nous avons présentés. Comme je l'ai indiqué par le passé, je n'ai rien contre les projets de loi de cette nature s'ils servent à apporter des modifications administratives, à corriger d'autres mesures législatives ou à atteindre d'autres objectifs de cette nature. Je ne m'oppose pas en principe à un projet de loi omnibus qui nous serait proposé une ou deux fois par an parce que les mesures qu'il contient sont individuellement trop peu importantes pour faire l'objet d'une loi distincte. Ce n'est pas le cas ici.

Honorables sénateurs, je m'oppose à ce qu'on se serve de projets de loi budgétaires ou de projets de loi qui constituent une motion de confiance à l'autre endroit pour apporter des changements radicaux à toutes sortes de lois différentes. Lorsque nous recevons des projets de loi de cette importance, nous ne disposons pas du temps nécessaire pour faire le travail qu'on attend de nous. Le Sénat n'a pas pour rôle d'approuver aveuglément les mesures adoptées à l'autre endroit. Il est inconcevable qu'on nous demande d'examiner une mesure législative dans cet esprit. Cela nuit au rôle de notre institution et c'est une insulte pour chacun d'entre nous que de se faire demander de traiter ce genre de mesure législative de la façon dont on nous demande de le faire. Cette façon de faire risque de miner l'intégrité du Sénat. À titre de Canadiens, nous rendons un très mauvais service à nos concitoyens lorsque nous ne procédons pas à un second examen objectif des projets de loi que nous recevons de l'autre endroit.

(1540)

Dans ces projets de loi omnibus, nous trouvons toujours des dispositions dont le seul but est de corriger d'autres dispositions de projets de loi omnibus antérieurs. Il est difficile de tirer des conclusions de tout cela. La conclusion à laquelle j'en arrive, c'est que nous ne traitons pas les mesures législatives d'une façon qui nous permettrait de repérer les problèmes potentiels. Il s'ensuit qu'un an plus tard, nous devons nous pencher sur des modifications visant à corriger des projets de loi adoptés trop rapidement. Si le comité et le Sénat avaient plus de temps ou disposaient d'une période de temps adéquate pour étudier les projets de loi de cette envergure, un bon nombre de ces erreurs seraient rattrapées. Au lieu de cela, nous passons notre temps à corriger des erreurs grossières.

Le projet de loi d'exécution du budget précédent renferme un exemple d'une telle situation. Cet exemple se trouve à l'alinéa l) de la partie 1, dans le sommaire du projet de loi. Il s'agit du projet de loi d'exécution du budget, de la mesure dont nous sommes saisis. L'explication du changement se lit comme suit :

l) rajuster l'élimination graduelle sur cinq ans du crédit supplémentaire accordé aux caisses de crédit;

Nous venons de traiter des caisses de crédit. Le changement original apporté aux déductions pour les caisses de crédit était renfermé dans le projet de loi C-60, le premier projet de loi omnibus d'exécution du budget du gouvernement. Ce changement supprimait la disposition fiscale spéciale qui s'était longtemps appliquée aux caisses de crédit. Cela avait été accordé en contrepartie. C'était un compromis pour les caisses de crédit qui exerçaient leurs activités dans de petites localités et qui ne pouvaient pas réaliser des économies d'échelle comme les grandes banques.

Ce dossier aurait dû être réglé lorsque le gouvernement a décidé d'éliminer graduellement ce crédit spécial accordé aux caisses de crédit. La décision avait été prise et le dossier aurait dû être réglé.

Toutefois, après l'adoption de la mesure législative, une erreur a été constatée. En vertu de cette erreur, le taux d'imposition des caisses de crédit était porté à 28 p. 100 sur cinq ans, au lieu du taux général d'imposition des sociétés, qui est de 15 p. 100. Le taux d'imposition des caisses de crédit devait passer de 13 p. 100 à 15 p. 100. Au lieu de cela, le libellé de la mesure législative a eu pour effet de faire grimper ce taux à 28 p. 100. Honorables sénateurs, je ne crois pas que cette erreur ait été commise intentionnellement, mais je pense qu'un examen plus attentif aurait permis de l'éviter.

Le manque de consultation est un autre problème que nous constatons souvent dans le cas des projets de loi omnibus. Chaque fois qu'un projet de loi d'exécution du budget est présenté, des groupes nous disent qu'ils n'ont pas été consultés, ou qu'ils l'ont été dans le passé mais pas pour ce qui est des changements apportés. Ils disent même que le budget ne faisait aucunement allusion à certains changements, ou encore que le discours du Trône faisait état de changements et que ceux-ci sont apparus une semaine plus tard dans le projet de loi d'exécution du budget. De telles remarques sont fréquentes lorsque nous invitons des particuliers ou des entreprises qui sont touchés par la mesure législative.

À mon avis, si une mesure est assez importante pour que le gouvernement décide de l'inclure dans le discours du Trône — qui sert normalement à présenter la politique du gouvernement —, cette mesure mérite probablement de faire l'objet d'un projet de loi distinct.

Des témoins ont exprimé leur mécontentement face aux sections 17 et 18 du projet de loi, qui modifient entre autres le statut des conventions collectives dans la fonction publique. Ce changement était mentionné dans le discours du Trône, puis il a été inclus dans le projet de loi d'exécution du budget une semaine plus tard.

J'aimerais vous lire un échange avec une haute fonctionnaire qui a comparu devant notre comité. À mon avis, il résume bien l'un des problèmes que comportent les projets de loi d'exécution du budget.

Cet échange a eu lieu le 26 novembre dernier :

Le président : La sénatrice Callbeck se demandait aussi dans quelle mesure les unités de négociation ont été consultées au sujet du projet de loi. Nous entendrons certaines d'entre elles en temps et lieu, mais peut-être pourriez-vous nous donner votre point de vue.

Mme Benbaruk : Que je sache, il n'y a pas eu de consultations.

Il s'agit d'un projet de loi budgétaire. Il n'y a donc pas de consultations.

Pour des raisons évidentes, nous ne menons pas de consultations à cause du secret qui [...] entoure le projet de loi.

Il n'y a donc pas eu de consultations. L'excuse? C'est qu'il s'agissait d'un changement de politique majeur, qui ne concernait pourtant pas une question financière, mais les négociations collectives avec la fonction publique. S'il n'y a pas eu de consultations avant la présentation du projet de loi, c'est parce que la mesure en question se trouvait dans un projet de loi d'exécution du budget.

C'est en partie pour cela que je trouve inacceptable — et je pense que beaucoup d'autres sont du même avis — cette façon du gouvernement de tout mettre dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget.

C'est l'un des principaux problèmes que pose l'inclusion de ces mesures dans les projets de loi d'exécution du budget. Je le répète, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'un projet de loi traite de différents sujets, s'il s'agit de questions d'ordre administratif ou de nature technique, mais les négociations collectives dans la fonction publique doivent faire l'objet de projets de loi distincts. Or, c'est là-dessus que portent les sections 17 et 18 du projet de loi, ce qui est tout à fait injustifiable.

La section 19 n'a pas non plus sa place dans ce projet de loi, car elle porte sur la nomination à la Cour suprême de juges venant du Québec.

Le sénateur Mitchell : C'est consternant.

Le sénateur Day : Cette question a surgi après la publication du budget. Elle n'a strictement rien à voir avec lui. Et je suis très inquiet, parce qu'on cherche à modifier la loi au moment même où le gouvernement a fait un renvoi à la Cour suprême du Canada exactement sur le même sujet pour connaître son avis.

On nous demande de légiférer sur une question qui fait également l'objet d'un renvoi à la Cour suprême du Canada. Je n'ai jamais rien vu de pareil, et j'espère que d'autres sénateurs reviendront sur cette question. Il est évident que cette mesure ne devrait pas figurer dans le projet de loi C-4.

Le gouvernement peut faire passer ces modifications sans consultation parce que, dit-il, le budget doit être adopté avant le congé de Noël et du Nouvel An. Par conséquent, toutes ces questions qui nous préoccupent, toutes ces questions qui nous sont venues parce que nous avons pris le temps d'étudier le projet de loi resteront sans réponse et celui-ci sera adopté avant que nous sachions à quoi nous en tenir.

Même si des groupes intéressés ont des préoccupations parfaitement légitimes — et nombre d'entre eux en expriment lorsqu'ils comparaissent — devant les changements apportés dans certains domaines, la population souffrira à cause de ce projet de loi qui n'a pas été étudié à fond. Il est peu probable qu'on puisse y faire quoi que ce soit, puisque le gouvernement en a fait une question de confiance à l'autre endroit, et le Sénat respecte aussi certaines traditions lorsque la confiance est en cause.

(1550)

Bien que le Sénat ne soit pas une Chambre qui accorde ou retire la confiance, nous avons tendance à traiter ces questions-là avec plus de respect parce qu'elles engagent la confiance. C'est facile, lorsqu'il s'agit de projets de loi de crédits, parce que ce sont le plus souvent de simples projets de loi de finance. C'est ce dont le gouvernement a besoin, ce sont les crédits qu'il lui faut, et nous pouvons poser ce genre de question. La confiance est engagée également, mais ce sont des éléments que nous pouvons examiner. Ce dont il est ici question, c'est d'un projet de loi d'exécution du budget qui comprend aussi une foule d'autres mesures.

Les sénateurs voudront sans doute se demander s'il s'agit là du travail qu'ils envisageaient lorsqu'ils ont été nommés au Sénat. Est-ce ce qui était attendu de nous tous? En effet, nous savons que nous sommes incapables de faire le travail pour lequel nous avons été appelés ici à cause d'entraves de procédure qui nous empêchent de l'accomplir.

Honorables sénateurs, à l'étape de la troisième lecture, j'aborderai des points plus précis du projet de loi. J'ai fait allusion à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, au renvoi à la Cour suprême et à d'autres changements proposés dans le projet de loi, mais il y a bien d'autres éléments que j'essaierai de vous signaler à la troisième lecture.

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai une question à poser.

Sénateur Day, comme d'habitude, vous avez fait une intervention très fouillée pour nous éclairer. Les membres du Comité sénatorial des banques ont eu la possibilité d'examiner une petite partie de ce projet de loi budgétaire omnibus. Il s'agissait de la possibilité, pour des membres de la fonction publique, de siéger aux conseils des banques. L'une des questions était la suivante : dans tout le pays, seulement 450 Canadiens, à quelques-uns près, siègent aux conseils des banques canadiennes. Comme il y a 34 millions de Canadiens, on peut se demander pourquoi les banques au Canada n'arrivent pas à trouver plus de 450 experts du domaine bancaire pour siéger à leurs conseils d'administration.

Je vous ai écouté attentivement parler des sections 17 et 18, au sujet des conventions collectives dans la fonction publique, et de la section 19, concernant le renvoi à la Cour suprême au sujet de nominations récentes. Année après année, nous recevons des projets de loi budgétaires omnibus qui, de façon inacceptable, contiennent toutes sortes de dispositions. Jeudi, il y aura 11 ans que je siège au Sénat. Nous avons déploré ces projets de loi omnibus, d'un côté, mais nous avons aussi dit que nous étions les maîtres de notre propre assemblée.

Y aurait-il intérêt à ce que nous adoptions une motion demandant au Comité du Règlement que, lorsque nous recevons un projet de loi budgétaire omnibus, il sépare les différentes sections et en fasse des projets de lois budgétaires distincts pour les étudier au Sénat? Ainsi, il lancerait le bon message : il y a eu trop de ces projets de loi budgétaires omnibus. Si l'autre endroit veut, selon ses propres règles, étudier un projet de loi budgétaire omnibus, nous pouvons faire la même chose à l'égard de nos propres règles et de l'étude des projets de loi budgétaires omnibus, peu importe le gouvernement en place.

Le sénateur Mitchell : Bravo!

La sénatrice Ringuette : À titre de président du Comité sénatorial des finances nationales, et de président ou vice-président de ce comité pendant de longues années, vous seriez bien choisi pour présenter l'argumentaire ainsi qu'une motion portant que le Comité du Règlement examine la question et modifie les règles actuelles en conséquence.

Le sénateur Day : Merci, sénatrice Ringuette. Mes félicitations à l'occasion de ce prochain anniversaire de votre nomination au Sénat. Vous avez siégé au Comité des finances pendant des années et votre participation y était prisée. Je sais que vous participez maintenant aux travaux du Comité des banques, avec le sénateur Gerstein, qui était également au Comité des finances et est passé à celui des banques.

À propos de la question que vous soulevez, vous avez tout à fait raison. C'est peut-être il y a deux ans que, dans une de mes interventions, j'ai dénoncé cette pratique. J'ai proposé trois ou quatre solutions différentes. Une d'elles consistait à modifier le Règlement. Une autre était l'adoption d'une motion pour séparer les mesures non budgétaires. Une autre était de diviser le projet de loi, ce qui est très facile. Le projet de loi se compose de trois parties et la troisième pourrait facilement faire l'objet d'un projet de loi distinct. Ou bien nous pouvons refuser d'étudier le projet de loi dans la forme proposée. Il y a différentes façons de s'y prendre.

J'ai avancé ces solutions, mais je n'ai rien fait, sauf l'an dernier. Vous vous rappellerez que j'ai proposé d'isoler les parties du projet de loi qui n'avaient rien de budgétaire. Cela mis à part, nous n'avons pris aucune mesure. Si ce genre de chose continue de se produire, nous ne ferons pas le travail que nous devrions accomplir et nous allons devoir agir bientôt, lorsque j'aurai l'impression que le consensus se raffermit.

La sénatrice Buth : Sénateur Day, accepteriez-vous de répondre à quelques questions?

Le sénateur Day : Avec plaisir.

La sénatrice Buth : Vous comptez plusieurs années d'expérience au Comité des finances nationales. Je ne sais pas au juste combien, mais là n'est pas ma question.

Vous souvenez-vous du projet de loi C-43? Je vais énumérer les lois qu'il modifiait : la Loi sur le vérificateur général, la Loi sur la Fondation Asie-Pacifique du Canada, la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur la Société canadienne des postes, la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines et bien d'autres. C'est une simple liste des lois que le projet de loi C-43 modifiait. Vous rappelez-vous en quelle année c'était?

Le sénateur Day : Je ne me souviens pas du projet de loi C-43, mais je peux vous dire que cela ressemble drôlement à un projet de loi de l'ancien régime libéral. Tous ces numéros vont et viennent, mais avoir tort deux fois ne signifie pas qu'on a raison. On ne peut pas me tenir l'argument « Eh bien, nous faisons ceci, et vous ne pouvez pas vous y opposer parce que vous l'avez fait avant », parce que je ne l'ai pas fait avant. Je me suis plaint de ce procédé quand nous étions de l'autre côté et que le gouvernement libéral proposait des mesures législatives qui, à mon avis, ne témoignaient aucun respect pour nous. Vous pouvez revoir mes discours. Vous découvrirez que j'ai bel et bien avancé les mêmes arguments que j'avance aujourd'hui.

(1600)

La sénatrice Buth : Merci, sénateur Day. Je voulais simplement préciser que ce n'est pas seulement depuis 2006 que nous devons composer avec ce genre de projets de loi omnibus. En fait, je me souviens d'un discours prononcé par le sénateur Gerstein l'année qui avait précédé mon arrivée au Sénat. Il était remonté dans le temps et avait déterminé qu'il y avait eu un débat sur des projets de loi omnibus en Grande-Bretagne en 1785.

J'ai quelques autres questions à poser. La première concerne la section 19, que vous avez mentionnée. Je voudrais confirmer ce que j'ai entendu au comité, à savoir que le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur la section 19 ne formulait aucune recommandation et n'élevait aucune objection contre les dispositions qui y figurent.

Le sénateur Day : Le rapport est assez explicite, mais le souvenir que j'en ai n'est pas trop différent du vôtre.

Pour ce qui est de vos commentaires concernant les projets de loi omnibus, je n'y vois absolument aucune objection. Je crois qu'ils constituent un moyen utile pour le gouvernement de régler des problèmes administratifs. Je ne m'y oppose pas du tout. Autrement, nous recevrions un nombre incalculable de projets de loi ne contenant chacun qu'une ou deux dispositions.

Le problème se pose quand le projet de loi omnibus est en fait un projet de loi budgétaire, parce qu'il faut alors l'examiner plus rapidement que les autres. Nous n'avons pas la possibilité d'examiner à fond toutes les dispositions.

Par conséquent, les projets de loi omnibus sont tout à fait acceptables, mais ce n'est pas le cas des projets de loi omnibus budgétaires.

La sénatrice Buth : Je vous remercie de la précision concernant la section 19. Je voulais être sûre que tout le monde se rend compte que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'avait aucune objection.

J'ai une dernière question.

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Joyal invoque le Règlement.

L'honorable Serge Joyal : C'est au sujet de la question soulevée par la sénatrice Buth relativement à la section 19. Celle-ci a été examinée par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, mais nous l'avons étudiée par suite d'un renvoi provenant du Comité des finances nationales. Nous ne pouvions pas proposer d'amendements à ce stade. S'il y a des amendements à l'étape du rapport ou de la troisième lecture — nous aurons l'étape du rapport plus tard aujourd'hui ou demain, puis celle de la troisième lecture jeudi, je l'espère —, il sera alors possible d'en proposer.

Si vous me permettez l'analogie, honorables sénateurs, je dirais que c'est mettre la charrue devant les bœufs que de prétendre, à ce stade, que le comité n'a pas proposé d'amendements et qu'il a donc approuvé le projet de loi en substance.

En réalité, j'ai bel et bien l'intention de parler de la section 19 du projet de loi C-4 à l'étape du rapport ainsi qu'à l'étape de la troisième lecture.

La sénatrice Buth : Je vous remercie de ce commentaire, sénateur Joyal. Je l'apprécie. Je m'excuse d'avoir parlé d'amendements. Je demandais en fait s'il y avait eu des objections ou des recommandations dans le rapport du comité.

Ma dernière question, sénateur Day, est la suivante : au sujet des banques et des changements prévus dans le projet de loi qui permettraient à des fonctionnaires de siéger au conseil d'administration des banques, je me souviens d'avoir entendu des responsables du ministère dire que cela servirait essentiellement aux petites coopératives de crédit. Dans les petites collectivités, des fonctionnaires siégeant au conseil d'administration de telles coopératives pourraient ainsi continuer à exercer leurs fonctions.

Je voulais m'assurer que les responsables du ministère avaient donné les précisions nécessaires. Je crois me souvenir que, dans tous ces cas, les employés devaient se conformer aux règles relatives aux conflits d'intérêts. Je me demande si vous vous en souvenez.

Le sénateur Day : Merci, sénatrice Buth. Oui, je me souviens que les règles sur les conflits d'intérêts devaient s'appliquer. Sauf erreur, il y a eu des discussions, mais elles n'ont pas abouti à une entente unanime, ni d'un côté ni de l'autre.

Quelques sénateurs se sont interrogés sur l'opportunité de laisser des fonctionnaires gagnant peut-être 120 000 $ par an siéger au conseil d'administration d'une grande institution financière et gagner à ce titre 200 000 $ supplémentaires. Il pourrait y avoir des difficultés de ce point de vue. Ces questions ont été soulevées, mais aucune solution n'a été retenue.

La sénatrice Ringuette : Le Parlement du Canada n'est pas responsable de la législation régissant les caisses de crédit puisque celles-ci relèvent des provinces.

Je veux corriger la déclaration faite par le sénateur. Les dispositions du projet de loi omnibus concernent les fonctionnaires qui siègent au conseil d'administration des banques à charte fédérales, et non les caisses de crédit, auxquelles le projet de loi ne s'applique pas. Si des sénateurs ont l'impression, peut-être parce qu'on le leur a suggéré, que ces dispositions visent à permettre à des fonctionnaires de siéger au conseil d'administration de petites caisses de crédit communautaires, ce n'est pas le cas.

Sénateur Day, si les fonctionnaires des différents ministères qui ont comparu devant le comité ont dit des choses de cette nature, il conviendrait de les rappeler et de faire une mise au point au sujet des caisses de crédit.

Le sénateur Day : Merci, sénatrice Ringuette.

L'expression « caisses de crédit » m'est probablement venue à l'esprit un peu vite parce que je l'avais mentionnée dans mes observations concernant l'impôt fédéral que ces caisses doivent acquitter.

Pour ce qui est de permettre aux hauts fonctionnaires d'être membres des conseils d'administration, je crois me souvenir que le terme employé est « institutions financières », ce qui engloberait les banques à charte mais d'autres établissements aussi — toute institution financière qui relève de la compétence fédérale.

L'honorable Wilfred P. Moore : Accepteriez-vous de répondre à une question complémentaire?

Pour faire suite au point soulevé par la sénatrice Buth, concernant le risque de conflit d'intérêts, pouvons-nous avoir l'assurance, dans ce cas, que les fonctionnaires du ministère des Finances ne pourront pas être membres des conseils d'administration de nos banques à charte?

Le sénateur Day : Je crois que la disposition du projet de loi à cet égard est assez générale pour permettre ce genre de chose. C'est toujours un problème. Lorsque le texte d'un projet de loi est rédigé de manière générale, nous ne savons pas avant un certain temps quels en seront les résultats.

L'honorable Hugh Segal : Chers collègues, permettez-moi de souscrire aux propos de la sénatrice Buth à l'appui du projet de loi C-4, de manière générale. Je pense que c'est un solide ouvrage qui traite de questions économiques importantes. Je suis tout à fait d'accord lorsqu'elle dit que la politique économique du gouvernement — y compris sur le commerce international, les affaires étrangères et la défense — est l'une des politiques les meilleures et les plus constructives qu'il nous ait été donné de voir au pays, depuis plusieurs années.

Cela dit, je voudrais que nous regardions une partie du projet de loi C-4 dont le sénateur Day a parlé brièvement tout à l'heure. Et avant de revenir à ce qu'il a dit, permettez-moi de souligner que le Club des CMR du Canada a décerné le prix du leadership Len Birchall au sénateur Day pour les services exceptionnels qu'il a rendus pendant des années au Collège militaire royal du Canada, ainsi qu'à ses cadets et à son corps professoral.

Certains ne savent peut-être pas qui était Len Birchall. C'est une personne qu'honore grandement la ville de Kingston. L'une des rues du campus, au Collège militaire royal, porte son nom. On dit que Len Birchall a été le sauveur du Ceylan.

(1610)

Cet aviateur de l'Aviation royale canadienne, voyant la flotte japonaise foncer à toute allure sur le Ceylan, a volé vers cette région au péril de sa vie afin d'informer les Cingalais de l'invasion imminente, ce qui permit aux Britanniques, aux Cingalais et à d'autres forces du Commonwealth d'engager le combat et de se réorganiser. On reconnut alors l'immense service qu'il avait rendu à la population du Ceylan, l'actuel Sri Lanka, qui, comme nous, le vénère et le considère comme le sauveur du Ceylan.

Le fait que notre collègue, le sénateur Day, ait reçu cette récompense, décernée, je crois, à la suite d'un vote unanime du Club des collèges militaires royaux du Canada, en dit long sur l'engagement du sénateur envers l'un des meilleurs collèges militaires au monde, et de loin le meilleur collège militaire anglophone — officiellement bilingue — en Ontario. Je tenais à le souligner.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, sous la présidence distinguée de Kelvin Ogilvie, un homme qui a reçu toutes sortes d'éloges pour le remarquable travail scientifique qu'il a réalisé à l'extérieur du Sénat, a examiné attentivement la partie du projet de loi C-4 portant sur certaines modifications concernant la possibilité de refuser de travailler dans la fonction publique fédérale en raison de circonstances jugées dangereuses. Le comité s'est penché sur la question et a entendu les fonctionnaires concernés ainsi que des représentants syndicaux de la fonction publique. J'aimerais seulement citer le comité. Je cite ce rapport qui a été publié, et qui a reçu l'appui unanime, tous partis confondus, des membres du comité qui ont travaillé avec diligence sous la direction du sénateur Ogilvie :

Certains membres s'inquiètent du changement de la définition de « danger » et craignent qu'elle ne soit trop étroite ou restrictive. Ils observent que la définition actuelle résulte de larges consultations et qu'il est risqué de la changer sans solliciter l'avis des parties intéressées. Cela étant, le comité propose d'évaluer le fonctionnement du Code canadien du travail modifié et se réjouirait de recevoir un rapport à ce sujet dans les douze mois. Plus précisément, certains membres aimeraient vérifier que le travail des agents de santé et de sécurité a bien été recentré sur la prévention.

Pour être juste envers les fonctionnaires qui ont comparu devant nous, lorsque nous leur avons demandé si des consultations avaient été tenues, ils nous donné la même réponse que le sénateur Day a fournie dans son intervention : « Il s'agit d'un projet de loi d'exécution du budget. Aucune consultation n'est menée d'ordinaire sur la teneur d'un tel projet de loi. » Voilà pourquoi je ne leur en tiens pas rigueur.

On a aussi demandé aux fonctionnaires s'il était dans l'intérêt public de redéfinir le droit d'un travailleur de déclarer qu'un lieu de travail est dangereux et de lui imposer davantage de formalités administratives afin que la question puisse être examinée. Leur réponse est digne de mention, car elle a aussi été donnée de bonne foi. Ils ont dit que, lorsqu'ils avaient essayé de trouver une façon de rationaliser cette disposition, ils ont pensé cesser d'allouer des ressources à des activités qui faisaient double emploi et les investir dans des activités de prévention afin d'assurer la sécurité du milieu de travail. Les fonctionnaires du ministère du Travail ont estimé qu'il était préférable d'allouer des ressources à des mesures de ce type.

Je ne remets pas en question l'intention sous-jacente à ces changements, mais permettez-moi de faire valoir un argument que les sénateurs des deux côtés voudront probablement considérer. Les mesures de sécurité et la protection des droits des travailleurs ne relèvent pas seulement de la loi. Elles doivent faire l'objet de négociations entre les dirigeants syndicaux, les leaders syndicaux du secteur public et l'employeur. Tout changement adopté sans cette consultation, même avec les meilleures intentions du monde, signale aux dirigeants syndicaux que, dans ce dossier, leur point de vue ne compte pas.

Les employés veulent que leur syndicat s'attaque à ces questions. Les représentants du côté syndical ont parfois raison et parfois tort. L'employeur aussi a parfois raison et parfois tort. Dans certains cas, ils réussissent à trouver un compromis qui rejoint leurs deux positions. Il est toutefois impossible d'arriver à un compromis s'il n'y a ni négociation ni consultation.

C'est pourquoi j'espère que nos collègues du Comité des finances, qui examineront ces dispositions après la deuxième lecture, jugeront bon de noter certaines préoccupations, voire de convoquer un témoin ou deux.

La convention entourant les questions de confiance provenant de l'autre endroit m'apparaît valide, et je ne voudrais pas y contrevenir. Je crois toutefois que, si nous pouvons, lorsque cela est nécessaire, empêcher qu'une mesure ait des conséquences imprévues, ce sera tout à notre honneur. Je suis confiant que, sous la distinguée présidence du sénateur Day et avec la collaboration des membres de ce côté-ci, le comité traitera ces enjeux avec tout le soin voulu.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Buth, avec l'appui de l'honorable sénatrice Unger, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Buth, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

La Loi sur les musées

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les musées afin de constituer le Musée canadien de l'histoire et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui parler encore une fois du projet de loi C-7, qui modifierait la Loi sur les musées afin de constituer le Musée canadien de l'histoire. Je tiens d'abord à transmettre mes remerciements et ma gratitude à mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Je tiens aussi à souligner la contribution extraordinaire au débat de mon collègue, le sénateur Joyal. Son intervention, aussi éloquente que pertinente, a contribué à alimenter le débat et la discussion au comité. Le sénateur Joyal nous a rappelé que, en étudiant l'histoire, on peut mieux comprendre les réalités cachées du présent et mieux comprendre la société dans laquelle on vit.

Aider les gens à connaître le Canada, à comprendre la richesse de notre passé et à voir en quoi il a contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd'hui, voilà ce qui rend le gouvernement si fier de créer le nouveau Musée canadien de l'histoire. La principale modification à la Loi sur les musées définit la mission du futur musée. Voici ce que dit le texte du projet de loi :

Le Musée canadien de l'histoire a pour mission d'accroître la connaissance, la compréhension et le degré d'appréciation des Canadiens à l'égard d'événements, d'expériences, de personnes et d'objets qui incarnent l'histoire et l'identité canadiennes, qu'ils ont façonnées, ainsi que de les sensibiliser à l'histoire du monde et aux autres cultures.

À en croire certaines statistiques désastreuses, la connaissance qu'ont les Canadiens de l'histoire gagnerait effectivement à être améliorée.

Selon ce que nous disait le directeur général de l'Association des musées canadiens, John McAvity, les musées sont perçus comme des établissements respectés qui véhiculent des connaissances éprouvées et représentent adéquatement la réalité. Selon un sondage d'opinion, 92 p. 100 des Canadiens jugent important que les enfants fréquentent les musées, tandis que 96 p. 100 croient que les musées contribuent à la qualité de vie des Canadiens.

(1620)

Toutefois, les chiffres ne projettent pas tous une image aussi positive. Parmi les étudiants qui ont étudié l'histoire du Canada avant d'obtenir leur diplôme, plus de 80 p. 100 ont échoué le test de connaissances de l'histoire du Canada de l'Institut du Dominion. Malgré tout, 78 p. 100 des Canadiens estiment que le fait de mieux connaître notre histoire serait un facteur d'attachement à notre pays. C'est un aspect important dans une société qui compte un grand nombre d'immigrants.

Ces données confirment la nécessité et l'utilité d'un musée canadien de l'histoire de classe mondiale. Des témoins ont fait part au comité de la nécessité de mieux comprendre notre histoire. Dans la pratique, cela signifie qu'il faut rafraîchir et actualiser le contenu et les expositions du musée. La triste réalité c'est que le musée n'a pas fait l'objet de rénovations majeures ou de changements importants au cours des 24 dernières années. J'ai été liée au Musée royal de l'Ontario durant 20 ans. Je sais pertinemment que les musées doivent se renouveler. Après un quart de siècle, les galeries et les expositions deviennent un peu désuètes. Qui plus est, si vous ne modernisez pas un musée, vous ne présentez pas l'histoire récente. Dans ce cas-ci, il manquerait près de 50 ans de l'histoire du Canada au musée. Ce vide a pour effet de nous figer dans le temps et nous empêche de mettre en relief toutes les contributions que nous avons faites au monde durant cette période, des réalisations d'ordre politique, culturel et sportif.

Le comité a été informé par Mark O'Neill, président et directeur général du musée actuel, des plans visant à corriger ces lacunes. La moitié de l'espace permanent servira à créer l'exposition la plus grande et la plus complète jamais présentée sur l'histoire du Canada. Une nouvelle salle permanente de 50 000 pieds carrés abritera les trésors nationaux du Canada ainsi que des expositions exclusives qui préserveront, dans l'ordre chronologique, les souvenirs et les expériences du peuple canadien.

L'expérience mise au service de cette importante initiative est considérable, avec : 25 employés du musée, dont la moitié sont des conservateurs, y compris des archéologues et des anthropologues. Ces gens travaillent avec six comités consultatifs, notamment un comité sur l'histoire des femmes et un comité sur l'histoire des Autochtones qui inclut des aînés autochtones, ainsi qu'avec un grand nombre de membres de la Société historique du Canada. Tous ces changements sont apportés grâce à un investissement ponctuel de 25 millions de dollars du gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, il importe aussi de savoir ce qui ne va pas changer avec la création du nouveau Musée canadien de l'histoire. Durant cette transformation, le musée va poursuivre son activité d'une façon tout à fait normale. Sa structure de gouvernance restera la même et il n'y aura pas d'interruption dans la capacité du musée de fonctionner. Il n'y aura pas non plus d'impact sur le statut des employés, des dirigeants ou du conseil d'administration.

Le pouvoir du nouveau musée de collectionner des objets et d'autre matériel restera inchangé, tout comme la responsabilité de gérer les collections. Le partage des connaissances va aussi continuer d'être une activité clé de l'institution. Le nouveau musée va collaborer encore plus étroitement avec les musées de toutes les régions du Canada afin que le plus grand nombre possible de Canadiens puissent voir les collections nationales.

Le musée ne va pas banaliser l'importance de l'histoire des Autochtones au Canada. En fait, pour la première fois en 20 ans, l'histoire autochtone va occuper une place prépondérante dans l'exposition sur l'histoire canadienne. Les consultations amorcées par le musée le jour même où l'annonce du nouveau musée a été faite ont fait ressortir l'importance qu'accordent les Canadiens aux peuples autochtones dans l'histoire de notre pays.

C'est pour cette raison que l'histoire autochtone est l'une des trois priorités stratégiques dans le plan de recherche récemment annoncé par le Musée canadien des civilisations. Le plan, qui guidera les activités de recherche du musée au cours de la prochaine décennie, reconnaît le rôle important des Premières Nations par le passé, le présent et l'avenir du Canada. En vertu du plan, nous allons aussi élargir et approfondir les recherches dans ce domaine.

Plus précisément, le plan englobe la multiplicité des récits et des réalisations des Autochtones et la nature des expériences et des rencontres vécues, en mettant un accent particulier sur les régions arctique et subarctique du Canada. L'angle autochtone sera exploré dans un contexte de travail multi et interdisciplinaire et d'engagement communautaire. Des consultations auront lieu sous une forme adéquate en gardant constamment à l'esprit l'importance et le caractère délicat des efforts du musée aux yeux des Autochtones.

Cet effort résolu à accroître l'accent mis sur le rôle central des peuples autochtones dans notre histoire vient combler une autre lacune monumentale. À l'heure actuelle, la salle du Canada commence le récit de l'histoire de notre nation non pas par la présence des peuples autochtones depuis des temps immémoriaux, mais par l'arrivée des Européens au XIe siècle. Il est grand temps de corriger cette flagrante omission, et nous nous réjouissons de constater ce qui est prévu à ce chapitre.

Tout cela m'amène à l'un des principaux points abordés par mon collègue, le sénateur Joyal, dans son intervention au sujet du présent projet de loi : l'histoire doit constamment être réinterprétée. Dans l'esprit de cette assertion, je dirai, en me fiant une fois de plus à mon expérience en muséologie, que nous devrions probablement envisager de renouveler les galeries tous les 10 à 12 ans si nous voulons nous assurer que notre histoire nationale demeure pertinente, actuelle et adaptée à la nature en constante évolution de la société canadienne.

Pourtant, malgré les efforts en vue d'assurer un contexte canadien vraiment objectif, certains continuent de croire que le changement de nom et de mandat du musée est motivé par des raisons politiques. Ce n'est pas le cas. Les spécialistes du domaine de la muséologie et de l'histoire approuvent le changement. Les propos suivants de la muséologue Adriana Davies ont été cités :

À chaque génération, les dirigeants des musées s'efforcent de créer des collections, des expositions, des programmes publics et d'autres activités de rayonnement aussi accessibles que possible pour une nouvelle génération de visiteurs. C'est exactement ce que parvient à faire notre musée national aujourd'hui, mais ce travail ne peut se réaliser sans discuter sérieusement de l'identité canadienne.

Elle poursuit ainsi :

Certains détracteurs ne comprennent pas qu'il faille discuter sérieusement de ce que devrait être le « récit national » à l'heure actuelle. Il ne s'agit pas de faire du révisionnisme, mais de tâter le pouls de la nation pour voir ce qu'est le Canada aujourd'hui et quel chemin nous avons parcouru pour en arriver là où nous sommes.

Brian Lee Crowley, de l'Institut Macdonald-Laurier, critique, lui aussi, ceux qui s'opposent à ce changement. Il dit ceci :

Deux objections au changement de nom semblent se manifester plus que les autres. Premièrement, on prétend que les politiciens vont s'ingérer dans les décisions du musée lui-même. Mais en fait, toutes les barrières mettant le musée à l'abri des ingérences politiciennes demeurent solidement en place. L'une d'entre elles est l'indépendance du conseil d'administration, qui doit son existence à une loi fédérale, qui a le pouvoir décisionnel concernant les activités du musée et qui en est responsable. Le musée est également protégé par la vigilance des universitaires, du monde de la culture et des historiens, qui ont beaucoup manifesté leur enthousiasme à l'annonce du changement de nom.

Enfin, je suis d'avis que ce projet de loi vise à nous aider à mettre en valeur notre riche et fascinante histoire. Chers collègues, il est important de faire la distinction entre les civilisations et l'histoire. C'est par l'histoire que l'on raconte de manière linéaire et séquentielle comment ont évolué les civilisations. Ce nouveau musée de l'histoire présentera de manière exhaustive, dans le respect de la chronologie, l'histoire de la civilisation au Canada, à l'intention de tous les Canadiens et de l'ensemble de l'humanité, avec des moyens de classe mondiale.

Honorables collègues, je vous encourage de tout cœur à adopter le projet de loi C-7 et à permettre ainsi l'entrée en vigueur des changements qu'il prévoit, c'est-à-dire la création du Musée canadien de l'histoire.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : La sénatrice Eaton pourrait-elle nous dire quels seront les coûts relatifs au changement de nom en ce qui a trait à la mise en marché du nom, aux sites web, aux dépliants d'information, et cetera? Quels coûts les contribuables devront-ils éponger pour que ce changement soit effectué?

[Traduction]

Le sénatrice Eaton : Je ne peux pas vous dire combien coûtera le changement de nom. Manifestement, certaines dépenses publicitaires seront nécessaires, puisqu'il faudra une nouvelle campagne pour faire connaître le musée de l'histoire du Canada. Je ne peux pas vous fournir les sommes, mais je pourrais me renseigner pour savoir s'il s'agira simplement d'affecter des sommes dans le budget annuel ou s'il faudra faire des dépenses spéciales. J'imagine qu'il s'agira simplement de postes budgétaires.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais avoir cette information avant que nous passions au vote sur ce projet de loi, car le déficit actuel est très élevé, comme l'a indiqué le sénateur Day tout à l'heure. Je ne crois pas que les contribuables canadiens devraient débourser de l'argent pour changer le nom d'un édifice pour le simple plaisir de le changer.

(1630)

Son Honneur le Président intérimaire : L'intervention a la forme d'une question. Sénatrice Eaton, voulez-vous répondre?

La sénatrice Eaton : Oui, bien sûr. Je ferai de mon mieux pour vous procurer le renseignement, madame la sénatrice. Si je le trouve et s'il s'agit d'un poste budgétaire, vous voterez en faveur du projet de loi, n'est-ce pas? Je le sais. Merci. Affaire conclue.

L'honorable Art Eggleton : Honorables collègues, j'interviens pour parler des délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie qui ont porté sur le projet de loi. Je dirai d'emblée, après avoir écouté la sénatrice Eaton, que toutes les bonnes choses qu'il faut accomplir, selon elle, toutes les bonnes choses que le gouvernement prétend vouloir faire et que la ministre, avec beaucoup d'enthousiasme, est venue nous dire qu'elle voulait accomplir, tout cela peut se faire sans limiter le mandat du musée.

Dans la définition du Musée des civilisations, on mentionne déjà qu'une attention spéciale est accordée au Canada. Il ne se limite pas aux expositions et aux recherches consacrées aux civilisations du monde entier. Nous savons que, au fil des ans, telle a été la conduite du musée. Nous connaissons les très belles expositions sur la culture autochtone qui se trouvent déjà là-bas. Nous savons qu'il y a eu plusieurs expositions canadiennes et que la collection d'artéfacts canadiens est considérable.

Il y a des préoccupations à ce sujet. M. O'Neill, PDG du musée, est venu nous dire que nous ne sommes pas vraiment allés beaucoup au-delà des peuples du Canada après 1970. Rien n'empêche d'apporter un correctif. Il n'y a rien qui, dans la définition actuelle, empêche de faire toutes les bonnes choses qu'on prétend vouloir faire.

Si le gouvernement veut vraiment insister davantage sur l'histoire du Canada, il devrait songer au nom « Musée des civilisations et de l'histoire du Canada ». Cela ne diminue en rien ce que le musée fait maintenant; ce titre met davantage en lumière ce qu'il accomplit maintenant. Tout cela peut se faire si on garde la définition actuelle. Il est inutile d'en restreindre l'extension.

Comme je l'ai dit, la ministre a comparu devant le comité, tout comme les fonctionnaires. M. O'Neill, du Musée canadien des civilisations, est venu nous dire que ce serait merveilleux, que nous serions tous très heureux. Si cette mesure est adoptée, j'espère qu'ils ont raison. Par contre, dans un autre groupe de témoins, certains avaient des réserves, et ce ne sont pas des premiers venus. Ils ont des compétences considérables. Par exemple, le président de la Société canadienne d'anthropologie s'inquiète du fait qu'on n'ajoute pas vraiment beaucoup d'argent. La sénatrice Eaton a parlé d'environ 25 millions de dollars. Il s'agit d'immobilisations ponctuelles. Qu'en est-il du site web, comme la sénatrice Ringuette l'a signalé?

Ces gens-là essaient de nous dire qu'ils vont étoffer le contenu canadien, mais ils essaient de dire aussi que cela ne supprimera en rien le type d'expositions qu'on y a vues jusqu'à maintenant. Ils signalent qu'il y en a deux ou trois qui sont en préparation. C'est bien possible, mais ce sera tout. Ce seront peut-être les dernières, car, si on additionne tout, à moins qu'on n'injecte un montant important en plus de ces immobilisations ponctuelles de 25 millions de dollars, ils ne pourront pas faire grand-chose, sauf, bien entendu, s'ils adhèrent au principe qu'il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce qui réduira la charge totale des efforts.

L'Association canadienne des professeurs d'université a également des inquiétudes. Elle craint le changement en matière de recherche, la suppression des mots « compréhension critique » et elle perçoit un changement d'orientation. Elle s'en inquiète vivement, tout comme la Société historique du Canada, dont le président a dit que cette initiative lui semble aussi préoccupante. Trois dirigeants très en vue ou représentants d'organisations qui sont clairement des protagonistes dans toute cette entreprise sont venus exprimer leurs réserves.

Je voudrais apporter un autre sujet de préoccupation. Ce ne sera pas une bonne nouvelle pour mes collègues d'en face, mais il y a aussi des craintes d'ingérence ou de manipulation politiques. Parmi les choses qui doivent nous faire réfléchir et devraient nous inquiéter, je souligne les propos de l'ancien président et directeur général du Musée des civilisations, Victor Rabinovitch, un titulaire très distingué de ce poste pendant un certain nombre d'années. Qu'a-t-il dit? Il n'a pas comparu au comité, mais il a prévenu publiquement les spécialistes du musée qu'ils devraient « déployer des efforts énormes pour éviter d'être poussés par le gouvernement Harper à devenir les messagers idéologiques d'une certaine version de l'identité nationale ». Ce ne sont pas mes propos, mais ceux de l'ancien PDG du Musée des civilisations.

Il faut y réfléchir. En fait, il y a de quoi nourrir la réflexion : nous nous souvenons de la commémoration de la guerre de 1812 et de tout l'argent qui a été engouffré dans cette entreprise. À mon avis, il y a du bon là-dedans. Il fallait commémorer cet épisode de l'histoire, mais je ne suis pas convaincu qu'il fallait dépenser tout cet argent. C'est un peu comme le Plan d'action économique : c'est de l'argent des contribuables qui aurait pu trouver un bien meilleur usage. Quoi qu'il en soit, il s'est dépensé beaucoup d'argent. Bien entendu, on n'a rien dépensé du tout pour souligner le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. On en vient à penser, comme M. Rabinovitch, qu'il pourrait y avoir là une certaine coloration idéologique.

Par ailleurs, les professeurs d'université ont également souligné que ce changement s'inscrit dans une tendance, qu'on a vue au cours des dernières années, à adopter des politiques sur le patrimoine pour des motifs politiques. Cette initiative montre comment le gouvernement se sert de nouveau de l'histoire pour imposer son idéologie politique. Et voilà. Voilà ce que certains d'entre eux ont dit.

J'ose espérer qu'ils se trompent. J'espère que tout ce que la sénatrice Eaton a dit qu'il se passerait se concrétisera et que l'indépendance des conservateurs sera maintenue. Il est absolument essentiel qu'elle le soit. Tous les témoins que nous avons convoqués ont souligné l'importance de l'indépendance des conservateurs.

L'idée de nous doter d'un plan de modernisation, comme la sénatrice Eaton le propose, est excellente, mais, à mon avis, rien ne justifie le changement de mandat. Et puisqu'il est inutile de modifier le mandat de ce musée, je ne vois pas pourquoi nous devrions appuyer ce projet de loi. Personnellement, au moment du vote final, je vais voter « avec dissidence ».

La sénatrice Eaton : Sénateur Eggleton, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Eggleton : Bien entendu.

La sénatrice Eaton : J'ignore si vous avez été aussi étonné que moi, mais je souligne qu'aucun représentant de l'Association des professeures et professeurs d'université, de la Société canadienne d'anthropologie et de la Société historique du Canada n'a travaillé dans un musée. Peut-être n'en avez-vous pas été étonné. Or, le milieu des musées est très différent du milieu universitaire ou d'une société d'anthropologie. N'avez-vous pas été étonné?

Le sénateur Eggleton : Non. Il ne faut pas oublier que ces personnes parlaient au nom de leur organisation, et que ces organisations possèdent une expérience considérable dans le domaine de la recherche muséale. Je suis sûr que ces organisations comptent beaucoup de gens qui ont travaillé dans des musées. Le fait que ces trois personnes n'ont pas une expérience concrète des musées n'est d'aucune importance puisqu'elles n'ont pas parlé de leur expérience personnelle et n'ont pas exprimé leurs opinions. Elles se sont exprimées au nom des trois principales organisations de notre pays.

La sénatrice Eaton : Ce qui m'a également étonnée dans vos observations, surtout de la part d'un ancien maire de Toronto, c'est que vous avez laissé entendre que le Canada était maintenant une société très multiculturelle. Or, le Canada s'en tire très bien à cet égard. Il est une terre d'accueil pour les immigrants.

(1640)

Je crois que l'argent que le gouvernement dépense pour célébrer l'histoire du Canada — comme la guerre de 1812 et les cérémonies que nous envisageons pour commémorer 1867 et la Confédération dans quelques années — est de l'argent bien investi. Je crois qu'il sert à rappeler aux Canadiens leur propre histoire. N'en convenez-vous pas?

Le sénateur Eggleton : C'est seulement le montant d'argent dépensé à cette occasion particulière qui me dérange.

Je crois qu'il était bon de commémorer la guerre de 1812. Vous noterez en fait que je mentionne sur ma carte de Noël la bataille de York d'il y a 200 ans, qui fait partie de la guerre de 1812.

Je crois qu'il est important de rappeler l'histoire, mais assurons-nous que les décisions concernant ce qu'il convient de commémorer sont prises d'une manière indépendante, qu'elles n'ont pas de motivations politiques et qu'elles viennent de personnes sachant trouver un juste équilibre.

Je n'ai rien contre cela, mais le montant consacré à cette commémoration était excessif, compte tenu des besoins que nous avons et des compressions budgétaires qui ont touché tant de personnes vulnérables et de familles à faible revenu. Je crois que nous devrions faire attention à l'argent que nous dépensons pour des choses de ce genre ou pour le Plan d'action économique.

Par conséquent, oui, commémorons ces événements, mais ne laissons pas le gouvernement choisir ce qu'il convient de commémorer. Chargeons des organismes indépendants de décider de ce qui est le plus avantageux.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : J'ai une question complémentaire. Vous avez dit que vous ne vous opposez pas vraiment à la commémoration de la guerre de 1812, mais que vous trouvez excessif l'investissement que nous avons fait.

J'ai passé en revue la liste des régiments qui ont été honorés pour leur participation à la guerre de 1812. Des responsables du gouvernement ont parcouru le pays et assisté à différentes cérémonies pour dire à ces régiments que l'histoire permet de croire que leurs membres avaient servi pendant la guerre de 1812.

Toutefois, les historiens militaires ont eu des discussions extraordinaires pour dire que beaucoup de ces choses dépassaient quelque peu la réalité. Même les Voltigeurs de Québec, qui n'existaient pas alors, ont obtenu une inscription au drapeau pour la guerre de 1812. C'est le régiment que mon beau-père a commandé pendant la Seconde Guerre mondiale et dont mon fils a aussi fait partie.

Je crains que nous ne soyons en train de jouer avec l'histoire. L'argent est une chose, mais je m'inquiète des manipulations qui s'écartent de la rigueur intellectuelle de l'histoire pour essayer de la recibler, comme vous l'avez indiqué, ce qui peut nuire à l'objectivité.

Le sénateur Eggleton : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est politiquement commode d'accorder une récompense ou de reconnaître un régiment quand il n'est pas indiqué de le faire. C'est le problème de ce genre d'attitude. On le voit beaucoup dans le domaine des affaires étrangères. Ces attitudes attribuables à des motifs politiques sont destinées à la population canadienne.

Je répète donc encore que nous devons garder ces choses à l'abri des interventions gouvernementales. Je pense en outre que nous devons commémorer ces événements, mais pas y consacrer autant d'argent.

La sénatrice Eaton : Sénateur Eggleton et sénateur Dallaire, je n'établirais pas de parallèle entre la guerre de 1812 et le Plan d'action économique ou notre politique étrangère. C'est juste un commentaire.

Le sénateur Eggleton : Je dis que tout cela a une motivation politique.

La sénatrice Eaton : Justement. Ne croyez-vous pas que l'article 27 de la Loi sur les musées — voulez-vous que je vous le lise? — interdira toute ingérence du gouvernement dans les affaires des musées?

Il n'y a pas eu d'ingérence jusqu'ici. Pourquoi le gouvernement s'intéresserait-il tout à coup à l'acquisition de collections, à la vente de pièces ou à des programmes des musées? La loi protège les musées de toute ingérence gouvernementale.

Le sénateur Eggleton : C'est exact. Eh bien, j'ai déjà fait partie du gouvernement. J'ai été ministre. Je comprends que les fonctionnaires, même si la loi leur confère une certaine indépendance, ont tendance à s'incliner devant l'autorité. Comme on dit, qui paie décide.

La sénatrice Eaton : Pas de commentaire.

L'honorable Hugh Segal : Puis-je poser une question au sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Bien sûr.

Le sénateur Segal : Je me rappelle que la sénatrice LeBreton, du temps où elle était leader de l'opposition, avait établi un principe : pas de ministre, pas de projet de loi. Dans ce cas, la ministre est venue et a été très franche. J'ai trouvé qu'elle s'était exprimée très clairement et qu'elle avait répondu à toutes nos questions.

Elle a fait de grands efforts pour exprimer exactement ce que ma collègue, la sénatrice Eaton, vient de souligner, à savoir que la Loi sur les musées garantit la liberté des conservateurs, de telle sorte qu'aucun politicien, quelle que soit son affiliation, ne peut dire : « Je veux que cette pièce soit placée là pour montrer ceci ou cela. » Les historiens doivent faire leur travail, le seul rôle des politiciens étant de voter au Parlement pour décider du financement et des programmes à réaliser. Toutefois, les programmes eux-mêmes sont l'œuvre de professionnels de la muséologie, que la loi protège.

Je songe au sénateur Day et aux efforts incroyables qu'il a déployés pour trouver un compromis entre la première impression que le Musée canadien de la guerre voulait donner du Bomber Command — qui, à mon avis était une véritable parodie — et une meilleure représentation des sacrifices consentis par nos hommes et nos femmes qui servaient au sein du Bomber Command pour porter la guerre chez l'ennemi avant le débarquement de nos troupes en Italie.

Il vous confirmera à quel point cela a été difficile parce que les conservateurs du musée jouissaient d'une liberté garantie par la loi.

J'ai cru la ministre sur parole. Je crois qu'elle nous a dit la vérité, au meilleur de sa connaissance. Je suis certain qu'ayant été ministre, vous ne voudriez rien de moins de nous tous ici.

Le sénateur Eggleton : Je conviens que c'est exactement ce que nous voulons, mais il y a toujours un effort de persuasion, et non nécessairement une violation de la loi.

De toute façon, la ministre était très enthousiasmée par tout ce projet. J'espère qu'elle ne se trompe pas et je suis certain qu'elle croit en ce qu'elle fait.

Comme plusieurs témoins nous l'ont dit, cela peut se faire dans le cadre du mandat actuel. Pourquoi faut-il modifier le libellé du mandat et en restreindre l'étendue? Ce n'est pas nécessaire.

Cela a soulevé toutes sortes de doutes chez ces organismes, d'où tous ces questionnements. Comme l'a dit M. Rabinovitch, parmi d'autres, nous n'avons pas besoin de faire cela.

S'ils veulent insister davantage chez l'identité canadienne, je n'ai rien contre. Je suis pour le fait qu'on raconte non seulement la guerre de 1812 et la guerre des Autochtones, mais aussi l'histoire des communautés qui sont venues s'installer ici, ont fait du Canada leur patrie et ont contribué au développement du pays jusqu'à aujourd'hui. Je pense que tout cela doit être fait et peut se faire dans les limites du mandat actuel.

Comme je l'ai dit, s'ils veulent en changer le nom pour mettre l'accent sur l'histoire du Canada, je suis entièrement pour. Je pense que « Musée de la civilisation et de l'histoire du Canada » conviendrait bien au mandat actuel.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur les élections au sein de premières nations

Première lecture

Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1650)

[Traduction]

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénateur Carignan, C.P.,

Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :

À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.

QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous avons commencé ce débat exceptionnellement tard, ce qui signifie que je n'ai pas eu l'occasion jusqu'à présent de féliciter Son Excellence le gouverneur général, de la part de l'opposition officielle au Sénat, pour son deuxième discours du Trône.

Je tiens aussi à féliciter chaleureusement notre Président, qui exerce cette fonction depuis près de huit ans. Ce n'est pas la première fois, mais c'est certainement très rare qu'un Président du Sénat exerce cette fonction aussi longtemps. Comme vous le savez, le Président du Sénat n'est pas élu par ses collègues, mais nommé par le premier ministre. Cela dit, tous les sénateurs seront d'accord avec moi pour dire que notre Président a su gagner le respect et la confiance des sénateurs des deux côtés de cette enceinte. Son profond respect pour notre institution et sa connaissance du Règlement et des principes qui le sous-tendent nous sont essentiels et nous permettent de bien faire notre travail au Sénat. Nous lui en sommes d'ailleurs reconnaissants.

Enfin, je veux féliciter la motionnaire, la sénatrice Martin, leader adjointe du gouvernement, du discours qu'elle a prononcé à l'appui du discours du Trône. La situation était inhabituelle en ce sens que le discours du Trône était l'un des plus longs à avoir été présentés, mais il a été suivi par l'une des adresses en réponse les plus courtes dont je peux me souvenir. La leader adjointe a fait de son mieux pour vanter les réalisations du gouvernement Harper au cours de ses sept années au pouvoir. Cela dit, la brièveté de ses remarques était bien compréhensible puisqu'elle décrivait les réalisations du gouvernement Harper durant cette période.

Nous avons tous été témoins d'un début de session parlementaire inhabituel et franchement décevant. Le premier ministre Harper a prorogé le Parlement en septembre, de toute évidence parce qu'il voulait que le gouvernement reparte à neuf. Il a dit aux Canadiens qu'il avait besoin de temps pour établir un nouveau programme fort nécessaire pour la nation.

Nous sommes revenus à la mi-octobre. Le discours du Trône a été prononcé, puis nous n'avons plus entendu parler de rien. Il s'est écoulé des semaines avant que qui que ce soit du côté du gouvernement se donne la peine de proposer la traditionnelle motion qui lance le débat sur ce discours.

Au lieu de faire cela, le gouvernement a insisté pour que le Sénat consacre toutes ses énergies à se débarrasser de trois sources d'embarras pour le premier ministre. Comme l'a écrit John Ivison, qui n'a pourtant pas l'habitude de trop critiquer le gouvernement : « La gouvernance comme telle ne semble pas être la priorité de qui que ce soit, puisqu'elle est caractérisée par l'inertie et la stupeur. »

Cette description s'applique certainement au discours du Trône, qui renfermait beaucoup de platitudes du genre, « nous sommes honorables, nous sommes altruistes, nous sommes intelligents », suivies d'une liste de promesses non pertinentes qui ressemblait à une liste d'épicerie.

Je vous donne deux exemples. Ma collègue, la sénatrice Dyck, en a parlé dans son excellent discours, mais ces exemples méritent qu'on y revienne.

La citation suivante constitue le premier exemple :

Les femmes autochtones sont de façon disproportionnée victimes de crimes violents. Notre gouvernement renouvellera ses efforts pour se pencher sur la question des femmes autochtones portées disparues et assassinées.

Honorables sénateurs, plusieurs d'entre nous de ce côté-ci ont parlé à plusieurs occasions de la terrible tragédie des centaines de femmes autochtones, quelques 600, qui ont été tuées ou qui sont portées disparues. Nous avons mentionné que si le taux de femmes autochtones disparues et assassinées était appliqué à l'ensemble des femmes au Canada, 19 400 d'entre elles seraient portées disparues ou auraient été assassinées. Pourtant, malgré ces chiffres horrifiants, malgré les appels de l'opposition, des Nations Unies, des groupes autochtones et, surtout, des familles, des amis et des collectivités de ces femmes, le gouvernement Harper refuse obstinément de prendre des mesures sérieuses, à commencer par une enquête publique. Le gouvernement nous dit, dans le discours du Trône, qu'il « renouvellera ses efforts pour se pencher sur la question ». Quels efforts? Comment le fait de renouveler de piètres efforts qui n'ont rien donné peut-il signifier que le gouvernement va s'attaquer à ce problème concret et terrible? Renouveler des efforts inexistants ne donnera absolument rien.

Mon second exemple suit immédiatement la promesse dénuée de sens qu'on trouve dans le discours au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées. Comme l'a souligné la sénatrice Dyck, l'endroit était fort mal choisi pour glisser la déclaration suivante.

Elle dit ceci :

De plus, les Canadiens savent que la prostitution victimise les femmes et menace la sûreté de nos communautés. Notre gouvernement défendra avec vigueur la constitutionnalité des lois canadiennes sur la prostitution.

Honorables sénateurs, la réponse du gouvernement face à la prostitution qui victimise les femmes est de « défendre avec vigueur la constitutionnalité des lois canadiennes sur la prostitution ». En quoi cela aidera-t-il les femmes dans la rue, qui sont aux prises avec des problèmes de dépendance, de maladies mentales, de pauvreté et de violence brutale?

L'expression « maladie mentale » n'apparaît nulle part dans le long discours. On trouve une occurrence du mot « pauvreté » lorsqu'on dit que les Canadiens « souhaitent aborder le problème de la pauvreté et d'autres problèmes sociaux persistants », mais c'est tout. Pas de plan, pas d'idée, rien.

Je ne suis pas le seul qui a été déçu par le manque de substance du discours du Trône. En effet, l'ancien greffier du Conseil privé, Mel Cappe, a également fait valoir que ce discours ne laissait transparaître aucune idée politique ou pensée critique. Il a dit ceci : « Ce n'est pas un discours du Trône qui fournit une orientation stratégique et qui regorge d'idées, mais plutôt un discours qui se penche sur des problèmes mineurs. » Il a ajouté que : « Nos problèmes n'ont jamais été aussi compliqués, et nous n'avons jamais eu de meilleurs outils d'analyse pour leur faire face. Cependant, le gouvernement semble agir dans le sens contraire. »

Il a parlé du « gel de cerveau » du gouvernement.

M. Cappe a été interviewé par l'un des journalistes canadiens les plus expérimentés, Brian Stewart, qui est maintenant un agrégé supérieur émérite de l'École Munk des affaires internationales à l'Université de Toronto. M. Stewart a résumé le point de vue de M. Cappe de la façon suivante :

Il a dit que le gouvernement risquait d'être à court d'idées un jour parce que nos ministres qui croient tout connaître n'en demandent pas et parce que les fonctionnaires sont trop intimidés pour en proposer.

Alex Himelfarb est un autre ancien greffier du Conseil privé. Il était le successeur de M. Cappe. Il a dit à M. Stewart que la méfiance du gouvernement Harper à l'égard des fonctionnaires et de leur travail « donne lieu à de plus en plus de contrôles coûteux et étouffants, et crée une culture de la peur ».

M. Stewart, qui est journaliste depuis près de 40 ans et a couvert beaucoup de conflits partout dans le monde, y compris dans 10 zones de guerre, a écrit ceci le 6 novembre.

J'avais l'habitude de dire, avec le plus grand sérieux, que je trouvais les fonctionnaires œuvrant sous le gouvernement Harper plus intimidés que ceux travaillant sous le gouvernement qui dirigeait la Pologne avant la chute du communisme et sur lequel j'avais fait quelques reportages.

J'ai arrêté de faire cette comparaison quand je me suis rendu compte que les gens étaient convaincus que je plaisantais, alors que ce n'était pas le cas.

Une culture de la peur et de l'intimidation n'est pas propice à l'élaboration de bonnes politiques. C'est impossible. Dans le même ordre d'idées, le fait de priver les fonctionnaires de leur droit à la négociation collective par l'entremise d'un budget ne semble pas être la meilleure façon d'inspirer les bureaucrates honnêtes et talentueux du Canada à accomplir de grandes choses.

Chers collègues, il ne s'agit pas d'une question partisane. Le très honorable Joe Clark, ancien premier ministre conservateur qui était également un ministre des Affaires étrangères fort respecté et distingué dans le gouvernement Mulroney, a dit ceci à propos de la politique étrangère du gouvernement Harper :

« Le Canada est maintenant un grand parleur mais un petit faiseur, adoptant un ton presque adolescent [...] plein de bruit et de fureur. »

Il a dit ce qui suit au Globe and Mail :

[...] la quasi-totalité des personnes qui travaillent en relations internationales s'entendent pour dire que l'influence du Canada a diminué au cours des six dernières années. Le Canada est considéré de plus en plus comme un pays qui fait la morale et qui bat en retraite.

Le pays qui « fait la morale et bat en retraite », chers collègues. Je me rappelle le moment où Stephen Harper est arrivé au pouvoir. Je me rappelle l'avoir entendu assurer aux Canadiens que son gouvernement ne battrait jamais en retraite. Comme les choses ont changé. Aujourd'hui, nous sommes le pays qui « fait la morale et bat en retraite ».

(1700)

Le Canada sous le gouvernement Harper n'est pas celui qu'on avait promis aux Canadiens.

Le dernier discours du Trône a été prononcé le 16 octobre 2013. Exactement six ans plus tôt, le 16 octobre 2007, nous étions réunis ici même pour écouter un autre discours du Trône du gouvernement Harper. À l'époque, peu de temps après l'arrivée au pouvoir de M. Harper, on nous avait dit :

L'économie est forte, le gouvernement est intègre et le pays est uni.

Peut-on encore dire la même chose aujourd'hui, chers collègues, après sept ans des conservateurs de Stephen Harper? L'économie est-elle forte? Le gouvernement est-il intègre? Le pays est-il toujours aussi uni?

Dans le dernier discours du Trône, le gouvernement n'a pas eu l'audace de tenter de prétendre être « intègre ». Le silence soudain du gouvernement à ce sujet est très facile à comprendre, et c'était même bien avant que les Canadiens entendent le sénateur Duffy parler de la façon dont on fait vraiment les choses au cabinet du premier ministre sous Harper.

J'aimerais dresser une liste des nombreux problèmes d'éthique qui empêchent aujourd'hui le gouvernement de prétendre à l'intégrité.

Sénatrice LeBreton, j'espère beaucoup que vous contribuerez au débat, mais pour l'instant, c'est moi qui ai la parole. Merci.

J'aimerais dresser une liste des nombreux problèmes d'éthique qui empêchent aujourd'hui le gouvernement de prétendre à l'intégrité.

Bruce Carson, ancien chef de cabinet du premier ministre, fait l'objet de poursuites au criminel pour trafic d'influence.

Un autre chef de cabinet du premier ministre, Nigel Wright, fait l'objet d'une enquête de la GRC pour avoir fait un chèque secret de 90 000 $ à un parlementaire en fonctions. Parmi les infractions dont la GRC soupçonne M. Wright, notons la corruption, la fraude envers le gouvernement et l'abus de confiance.

En effet, même le premier ministre Harper a dit que son propre bureau, le cabinet du premier ministre, était marqué par la tromperie. Comment un gouvernement peut-il prétendre être « intègre » lorsque le premier ministre lui-même affirme que la tromperie règne au sein de l'une des plus puissantes instances du gouvernement?

Entretemps, le cercle des initiés du cabinet du premier ministre impliqués dans cette « tromperie » ne cesse de grossir. Vous vous rappellerez que, au début, le premier ministre Harper avait déclaré que son chef de cabinet était la seule personne au courant. Ensuite, il a dû admettre qu'un nombre « très restreint » de personnes étaient au courant. Bien sûr, les Canadiens ont appris que parmi ce nombre « très restreint de personnes » du cabinet du premier ministre il y avait : un avocat au service du premier ministre; le directeur de la gestion des enjeux du premier ministre; l'ancien secrétaire principal du premier ministre et actuel chef de cabinet; l'avocat du Parti conservateur du Canada; et même l'agent de financement principal du Parti conservateur, notre collègue, le sénateur Gerstein. Je n'ai nommé que quelques-uns des plus proches conseillers du premier ministre qui étaient apparemment au courant de cette incroyable tromperie, mais le cercle des initiés ne cesse de grossir.

L'autre protagoniste du scandale Wright-Duffy est nul autre que notre collègue, actuellement suspendu, le sénateur Mike Duffy. Il a fait d'innombrables apparitions en public aux côtés du premier ministre Harper lors des élections et d'autres événements. Il se considérait comme un conseiller très proche du premier ministre et très respecté par celui-ci. Voilà pourquoi, lorsqu'il a discuté de son rôle élargi au sein du parti avec le sénateur Gerstein, il aurait laissé entendre qu'on pourrait le nommer ministre. Cela ne s'est pas produit.

Bien sûr, la GRC mène une enquête sur le sénateur Duffy pour corruption, fraude envers le gouvernement et abus de confiance. Je qualifie cela de « nouveau tour du chapeau des conservateurs ». Heureusement pour les personnes impliquées, aucun de ces crimes n'est assorti d'une peine minimale obligatoire.

Ne vous faites pas d'illusions, ces problèmes d'éthique ne datent pas d'hier. En fait, même lorsque le gouvernement affirmait, en 2007, qu'il n'avait rien à se reprocher, il se servait déjà de stratagèmes que je ne peux que qualifier de malsains.

Le gouvernement Harper est arrivé au pouvoir lors des élections de 2006. Plus tard, les Canadiens ont appris avec stupeur que, durant ces élections, le Parti conservateur avait violé les règles concernant le financement électoral. On a appelé cela le scandale des transferts de fonds. En 2011, quatre responsables de très haut niveau du Parti conservateur, dont deux ont été nommés au Sénat par le premier ministre Harper — évidemment, on a appris depuis que l'un d'entre eux était au courant du chèque « trompeur » versé par Nigel Wright au sénateur Duffy —, ont été accusés d'infractions en vertu de la Loi électorale du Canada. Les parties intéressées sont parvenues à un accord à la suite d'une négociation de plaidoyer. Ainsi, les accusations qui pesaient contre ces quatre personnes ont été abandonnées, alors que le Parti conservateur du Canada et l'entité chargée de recueillir des fonds pour celui-ci, le Fonds conservateur, ont plaidé coupables.

En d'autres mots, chers collègues, le Parti conservateur du Canada a admis avoir enfreint la Loi électorale du Canada lors des élections de 2006 qui ont permis aux conservateurs d'arriver au pouvoir. Le parti qui se targue d'accorder la priorité au maintien de l'ordre et d'être sévère à l'endroit des criminels était prêt à enfreindre la loi pour prendre les rênes du pouvoir, et c'est ce qu'il a fait.

Ce plaidoyer de culpabilité a été enregistré en novembre 2011. À peine quelques mois plus tôt, soit au cours des élections tenues en mai 2011, le Parti conservateur a fait l'objet d'allégations selon lesquelles il aurait commis des infractions encore plus graves aux termes de la Loi électorale du Canada. On avait appelé cet épisode le scandale des appels automatisés.

L'enquête est toujours en cours, mais des accusations ont déjà été déposées contre un travailleur de la campagne électorale des conservateurs. Nous avons appris récemment qu'un avocat principal du Parti conservateur — le même qui aurait été au courant des tractations entre Nigel Wright et le sénateur Duffy — avait participé aux entrevues menées durant l'enquête, ce qui en a choqué plus d'un au sein du milieu juridique. Des médias ont laissé entendre que cet avocat avait donné des instructions aux témoins et qu'il était même intervenu pour empêcher un autre avocat d'assister à une entrevue, comme l'avait demandé à l'origine le témoin en question.

Huit citoyens canadiens, des électeurs habitant dans six circonscriptions, ont intenté des poursuites en Cour fédérale du Canada en raison de ce qu'ils considèrent des efforts déployés en vue d'empêcher des électeurs de voter lors des élections de 2011. Après avoir entendu tous les témoignages, la cour a jugé que :

Il appert de la preuve présentée en l'espèce qu'une campagne concertée a été menée par des personnes ayant accès à une base de données que tenait un parti politique et qui contenait des renseignements sur les électeurs.

Elle ajoute ensuite ce qui suit :

J'estime qu'on a établi que des appels trompeurs quant à l'emplacement de bureaux de scrutin ont été faits à des électeurs de circonscriptions partout au pays, y compris les circonscriptions ici en cause, et que l'objet de ces appels était de supprimer le vote d'électeurs qui avaient, lors d'appels antérieurs d'identification, mentionné pour qui ils entendaient voter. [...]

J'estime [...] que la source la plus probable des renseignements utilisés pour procéder aux appels trompeurs était la base de données du SGIC tenue et contrôlée par le Parti conservateur du Canada, et qu'une ou des personnes actuellement inconnues à cette Cour ont accédé à cette base de données à cette fin.

Bien sûr, le scandale des appels automatisés n'est pas le seul problème ayant surgi des élections de 2011. Toujours sur le thème du « gouvernement propre », il y a aussi l'étrange histoire concernant Dean Del Mastro, le député de Peterborough à l'autre endroit, qui était, jusqu'à il y a deux mois, le secrétaire parlementaire du premier ministre. À ce titre, il prenait régulièrement la parole pour défendre les agissements du gouvernement Harper contre des allégations d'irrégularités qui se seraient produites lors des élections fédérales de 2011. M. Del Mastro a récemment été inculpé de quatre chefs d'accusation en vertu de la Loi électorale du Canada, relativement à sa propre campagne électorale en 2011.

Il y a ensuite Peter Penashue, élu député de la circonscription de Labrador pour le Parti conservateur, qui a démissionné du Cabinet et de son poste de député à la Chambre en raison des allégations selon lesquelles il aurait violé la Loi électorale du Canada lors des élections de 2011. Une élection partielle a été déclenchée et les électeurs de Labrador l'ont nettement rejeté, choisissant la candidate libérale Yvonne Jones, qui est aujourd'hui députée.

Honorables sénateurs, comment M. Harper a-t-il réagi aux allégations à l'endroit de M. Penashue? Il a dit — et ce sont les propres mots de M. Harper — : « C'est le meilleur député que la circonscription de Labrador ait jamais eu. » De toute évidence, aux yeux de M. Harper, le fait d'enfreindre la loi électorale n'est pas incompatible avec le titre d'honorable.

On ne saurait juger adéquatement du bien-fondé de l'affirmation de M. Harper, il y a six ans, selon laquelle son gouvernement est « propre » sans s'intéresser à Arthur Porter, l'homme que le premier ministre Stephen Harper avait choisi pour siéger au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité avant de lui en attribuer la présidence. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, c'est l'organisme qui passe en revue les activités du SCRS. Il a accès sans restriction aux dossiers du SCRS. Autrement dit, il a un droit de regard sur les dossiers de sécurité nationale les plus secrets du Canada, ce qui comprend l'information que d'autres organismes de renseignement, notamment ceux de nos alliés britannique et étatsunien, transmettent au milieu canadien de la sécurité et du renseignement.

(1710)

Que fait maintenant le Dr Porter, un homme que le premier ministre Stephen Harper a personnellement choisi pour surveiller les plus grands secrets de notre pays? Honorables sénateurs, il est emprisonné au Panama et cherche à éviter d'être extradé au Canada, où il ferait face à des accusations de fraude, de complot pour fraude, de fraude envers le gouvernement, d'abus de confiance, de trafic d'influence et de recyclage des produits de la criminalité.

Ajoutons à cela la corruption et voilà : un autre tour du chapeau pour les conservateurs.

Que révèle ce choix sur l'aptitude du premier ministre à juger des qualités de ses collaborateurs? Ce manque de discernement a-t-il un air de déjà-vu à la lumière de tout ce qui s'est passé au cours des dernières semaines?

Paul Kennedy, qui a notamment été sous-ministre adjoint principal de la Sécurité publique ainsi qu'avocat du SCRS et du Centre de la sécurité des télécommunications Canada, a écrit récemment ce qui suit :

Les fonctionnaires du SCRS et leurs partenaires étrangers se sont sans aucun doute tourmentés du préjudice qu'a pu occasionner M. Porter, étant donné les allégations portées à son endroit.

Dans un article paru il y a peu de temps, l'Ottawa Citizen a révélé que, au moment de la nomination du Dr Porter au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le premier ministre Stephen Harper a été averti que cette candidature pouvait poser problème étant donné le passage tumultueux — conflits d'intérêts, incurie, menace de tutelle — du principal intéressé à Detroit. En menant son enquête, le quotidien a appris qu'il n'y avait eu aucun suivi. M. Harper a manifestement reçu l'information, mais personne n'a interrogé les acteurs clés de cette histoire, à Detroit, dans le cadre du processus de sélection du Dr Porter.

En novembre 2011, le National Post a publié une série d'articles détaillant la participation présumée de M. Porter à des accords complexes conclus avec les gouvernements de la Sierra Leone et de la Russie ainsi qu'avec Ari Ben-Menashe, un marchand d'armes bien connu sur la scène internationale.

Plusieurs accusations pèsent sur M. Ben-Menashe. Il a notamment été arrêté aux États-Unis en 1989, où il est accusé d'avoir tenté de vendre illégalement des avions militaires à l'Iran. C'est avec cet individu que M. Porter faisait affaire alors que le premier ministre Harper avait décidé qu'il était le meilleur candidat à l'échelle du pays pour superviser les opérations de sécurité du Canada.

Ce n'est qu'après les révélations du National Post que M. Porter a démissionné de son poste de président du CSARS pour ensuite fuir le pays.

Honorables sénateurs, les frères Marx n'auraient pas pu écrire pareille comédie, mais au Canada, sous la direction du premier ministre Harper, tout est possible.

Enfin, pour terminer en beauté, personne ne sera étonné d'apprendre qu'au cours des semaines précédant sa nomination au CSARS, M. Porter a versé de l'argent — le maximum permis — aux conservateurs et qu'il a continué de le faire pendant plusieurs années.

Honorables sénateurs, avant d'entrer en fonction, tous les membres du CSARS assistent à une séance d'information donnée par le Bureau du Conseil privé au cours de laquelle on les informe que les règles leur interdisent de verser des dons aux partis politiques.

La réponse du Parti conservateur aux allégations concernant M. Porter? « Nous n'avons aucun commentaire à formuler », a déclaré le porte-parole du Parti conservateur, Fred DeLorey. Il ne réalisait pas à quel point son silence était révélateur.

On continue de s'interroger au sujet du jugement du premier ministre. On n'a qu'à penser à l'histoire tout aussi douteuse de Saulie Zajdel, candidat conservateur aux élections fédérales de 2011 dans la circonscription montréalaise de Mont-Royal. Il est apparu aux côtés du premier ministre Harper à plusieurs reprises pendant la campagne électorale et, après avoir subi la défaite aux mains de mon collègue de l'autre endroit, Irwin Cotler, il a été embauché par le ministre du Patrimoine canadien. En fait, M. Cotler prétendait que M. Zajdel était rémunéré par le gouvernement tout en agissant comme député fantôme de Mont-Royal, essayant de remplir les fonctions pour lesquelles la population avait élu M. Cotler.

La controverse a pris fin abruptement il y a quelques mois lorsque M. Zajdel a été arrêté et accusé de corruption, d'abus de confiance et de fraude; un autre tour du chapeau conservateur, quoi.

Le premier ministre Harper aimerait bien que les Canadiens oublient tous ces scandales. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a prorogé le Parlement. Or, remettre le compteur à zéro n'efface rien. Impossible d'oublier que c'est le premier ministre qui a nommé à des postes importants ces gens tombés en disgrâce.

Plus troublant encore, et vous saviez que j'y viendrais, le maire de Toronto, Rob Ford, a été encensé par le premier ministre, car il a aidé les conservateurs à obtenir la majorité à la Chambre. Nous nous souvenons tous de la vidéo qui, il fallait s'y attendre, a été retirée de YouTube. Elle avait été tournée lors d'un barbecue, il y a deux ans, chez Rob Ford.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Le sénateur Tkachuk aura l'occasion de prendre la parole. Interviendra-t-il juste avant ou juste après la sénatrice LeBreton?

Selon les médias, le barbecue avait été tenu en l'honneur du ministre des Finances, Jim Flaherty, et il avait été organisé par les députés conservateurs Patrick Brown et Kellie Leitch, qui est aujourd'hui ministre du Travail et ministre de la Condition féminine; nul besoin d'expliquer pourquoi la ministre doit être particulièrement embarrassée aujourd'hui. Environ 700 bénévoles, employés et partisans conservateurs ont participé à la fête.

Le premier ministre Harper a remercié la mère de Rob Ford de nous avoir « donné une si grande dynastie politique ». Voici ce qu'il a dit à la foule : « Plusieurs d'entre vous se rappelleront que Rob nous a donné son appui pendant les élections. Ce fut très utile. »

Il a aussi été question du fait que M. Ford et le premier ministre Harper étaient des compagnons de pêche. Ces voyages de pêche étaient devenus une activité annuelle. Selon Sun Media, l'année dernière, le maire Rob Ford et le premier ministre Harper ont passé neuf heures ensemble à la résidence d'été du premier ministre au lac Harrington — laquelle est payée à même les fonds publics; ils ont pêché et discuté de leur avenir politique et des élections qui s'en venaient.

Honorables sénateurs, le premier ministre a beaucoup de mal à accorder du temps aux premiers ministres des provinces. Pourtant, Rob Ford, lui, a pu passer neuf heures en sa compagnie pendant une seule et même journée. N'oublions pas qu'il y a à peine deux mois, bien après que les allégations selon lesquelles le maire Ford avait fumé du crack ont fait surface, le premier ministre ainsi que le ministre des Finances, M. Flaherty, ont participé avec plaisir à une séance de photos avec le maire Ford. Permettez-moi de citer un extrait d'un article relatant cet événement :

De toute évidence, le premier ministre et son ministre des Finances, Jim Flaherty, ont décidé que le maire, qui a l'habitude des scandales et des bavures, ne commettrait pas un autre gigantesque faux pas d'ici les prochaines élections, en 2014.

Cela ne veut pas seulement dire que les conservateurs ont décidé que le maire Ford ne représente pas un problème. En fait, cela montre qu'ils ont carrément l'intention d'appuyer le maire de Toronto, qui accumule les gaffes.

Le contexte est d'une importance capitale. Le premier ministre n'a pas l'habitude de donner de chaleureuses poignées de mains aux Canadiens qui se retrouvent près de lui. Au contraire : nous nous souvenons tous qu'il a demandé à son personnel de fouiner dans les pages Facebook de jeunes Canadiens qui voulaient tout simplement assister à une activité électorale à laquelle participait le premier ministre lors de la dernière campagne. Ceux que l'on soupçonnait d'être des partisans des libéraux ont été exclus, mais de toute évidence, ceux qui consomment du crack sont les bienvenus, pourvu qu'ils rapportent des votes au Parti conservateur.

Honorables sénateurs, je crois en l'importance de l'application régulière de la loi. Je ne voudrais pas condamner Rob Ford avant qu'il comparaisse devant les tribunaux. Cependant, il est encore question ici du jugement du premier ministre. Même s'il n'est pas reconnu pour être particulièrement sociable, il a tout de même décidé de passer neuf heures sur un petit bateau en compagnie d'un homme qui, comme les Canadiens l'ont appris, fume du crack, boit au point de devenir ivre, conduit en état d'ébriété, passe du temps avec des personnes qui sont membres de gangs et fait des remarques désobligeantes à propos des femmes.

Je ne dirais jamais à qui que ce soit, y compris au premier ministre, qui il devrait choisir ou ne pas choisir pour faire partie de ses amis intimes. Toutefois, comme le veut le dicton, je me réserve le droit de juger une personne en fonction de son entourage.

(1720)

Honorables sénateurs, je regrette de dire que cette longue liste d'« erreurs » de jugement de la part du premier ministre n'est pas exhaustive. Il y a d'autres exemples, trop en fait, de nominations tout à fait inappropriées faites par le gouvernement. Christiane Ouimet a été choisie par le gouvernement Harper pour être la première commissaire à l'intégrité du secteur public. On lui a confié le mandat de protéger les dénonciateurs au gouvernement fédéral. Toutefois, Sheila Fraser qui, à l'époque, était vérificatrice générale du Canada, a constaté que Mme Ouimet avait eu une conduite inappropriée envers ses propres employés. Elle prenait des mesures de représailles contre eux.

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Il est évident que j'ai touché des cordes sensibles. Je ne voudrais certainement pas faire quoi que ce soit pour perturber le sénateur Tkachuk, mais au moins, il m'écoute.

Mme Ouimet a pris des mesures de représailles contre des employés et elle ne s'est pas acquittée de ses fonctions officielles. Autrement dit, la personne qui devait protéger les dénonciateurs a créé un environnement tellement toxique dans son bureau que ses propres employés ont dû la dénoncer. Tout au long de la période durant laquelle Mme Ouimet avait adopté un tel comportement, le gouvernement Harper se disait très satisfait de son travail. Il l'a remercié de son dévouement et de ses vaillants efforts, et il lui a versé rétroactivement une augmentation de salaire.

Une autre nomination douteuse effectuée par le premier ministre Harper a été celle de Shirish Chotalia à la présidence du Tribunal canadien des droits de la personne. Cette personne a été reconnue coupable d'avoir harcelé deux employés et d'avoir eu un comportement déconcertant, sinon bizarre. Le quart de ses employés ont formulé des plaintes de harcèlement contre cette personne, qui avait été triée sur le volet pour assumer la présidence du Tribunal canadien des droits de la personne. Le plus ironique dans tout cela c'est que le Commissariat à l'intégrité du secteur public a été appelé à faire enquête sur les lieux de travail du Tribunal des droits de la personne.

Évidemment, il y a quelques jours, les Canadiens ont été informés du cas d'un autre ami du ministre des Finances, Jim Love, qui a été nommé au conseil d'administration de la Monnaie royale canadienne en 2006. Par la suite, en 2009, il a été nommé président du conseil d'administration, poste qu'il occupe toujours. En 2007, il avait aussi été nommé par Jim Flaherty pour faire partie du Groupe consultatif sur le régime canadien de fiscalité internationale, que le ministre Flaherty avait appelé, à l'époque, le « groupe consultatif sur l'équité fiscale ». Pendant tout ce temps, M. Love conseillait aussi de riches clients sur la façon de déplacer des millions de dollars par le truchement d'un réseau complexe de sociétés à numéro et d'entités étrangères dans des paradis fiscaux tels que les Bermudes, la Barbade et Antigua, afin d'éviter de payer des impôts au Canada.

M. Love a été reconnu comme un bon ami du ministre des Finances, Jim Flaherty, avec qui il a fait ses études de droit; les liens entre eux semblent d'ailleurs très étroits. Le fils de M. Love travaille dans le cabinet du ministre Flaherty. M. Love a versé plus de 63 000 $ pour les campagnes de M. Flaherty à la direction du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario. En 2009, il a été nommé à la présidence de la Monnaie royale canadienne. La même année, sa femme et trois de ses collègues ont fait don de 10 000 $ chacun à l'épouse de M. Flaherty quand elle a cherché à se faire élire à la tête du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario.

En réponse au rapport d'enquête de CBC/Radio-Canada, l'attachée de presse du ministre Flaherty a écrit que M. Love avait apporté une « précieuse contribution » aux délibérations du comité consultatif et qu'il avait été choisi pour ses connaissances en matière de fiscalité internationale. Chers collègues, selon vous, quel genre de conseils M. Love donnait-il au ministre Flaherty en matière de fiscalité internationale? Des conseils qui nuiraient à ses clients, ou des conseils qui feraient en sorte que tous les Canadiens, y compris ses riches clients, paient leur juste part d'impôt? L'« équité fiscale », selon le gouvernement Harper, est-ce que cela veut dire bien traiter ses amis et laisser les moins bien nantis porter le fardeau fiscal?

Est-ce là ce que la population s'attendait à voir après sept ans de régime conservateur? Est-ce à cela que ressemble un gouvernement compétent et intègre? Est-ce ainsi que le gouvernement devrait se comporter?

Stephen Harper le candidat a promis aux Canadiens un gouvernement responsable et l'application de normes sévères en matière d'éthique. Stephen Harper le premier ministre agit bien différemment. D'ailleurs, il vaut la peine de signaler que, dans le très long discours du Trône, le mot « responsabilisation » n'apparaît qu'une seule fois, quand il est question de promettre ce qui a été appelé la « responsabilisation en matière de rendement » au sein de la fonction publique fédérale. Ce sont les autres, les bureaucrates, pas le premier ministre ni les membres de son gouvernement, qui sont concernés.

Honorable sénateurs, l'élection d'un gouvernement est un acte de confiance — on ose espérer que le premier ministre choisira des personnes honnêtes, intègres et de bonne réputation pour l'aider dans sa lourde tâche et, on s'attend à ce qu'il s'assure que chacune des personnes qu'il choisit a un comportement irréprochable et qu'elle est la mieux en mesure de faire le travail qui lui sera confié.

Abraham Lincoln a déjà comparé le caractère à un arbre et la réputation à son ombre, l'ombre symbolisant l'idée qu'on se fait de quelqu'un, et l'arbre, sa véritable nature.

Les Canadiens ont de véritables attentes envers le gouvernement. Ils ont accordé leur confiance à M. Harper afin qu'il prenne des mesures concrètes, et, en retour, ils ont eu droit à de vaines paroles, à un théâtre d'ombres soigneusement orchestré. Lorsqu'ils ont regardé derrière le rideau, et lorsque les journalistes ont commencé à faire enquête, ils ont découvert une tout autre réalité.

Même Sun Media, qui est probablement le défenseur le plus fervent et le plus inconditionnel du gouvernement Harper, a récemment publié une chronique de John Robson portant ce titre :

La Chambre des énormités — Avec un tel tissu de mensonges, le premier ministre a justifié sa démission ou son renvoi

La chronique commence ainsi :

À moins qu'il soit acceptable que le premier ministre ne cesse de mentir ouvertement au sujet d'une affaire importante, Stephen Harper doit démissionner ou être renvoyé.

Après avoir lu l'affidavit de la GRC concernant M. Wright et le sénateur Duffy, Michael Den Tandt, chroniqueur de PostMedia, a écrit ceci :

Cela révèle que les gestes de corruption, de complot et de fourberie éhontée se multiplient au sein de la structure de commandement de M. Harper, qui réunit ses plus proches et loyaux conseillers.

Je reviens à ma première question. Le gouvernement Harper est-il aujourd'hui aussi intègre qu'il le prétendait, il y a six ans, dans le discours du Trône? Tout indique le contraire. Ce qui est en cause, ce sont les choix que le premier ministre a faits et continue de faire, ainsi que l'attitude qu'il impose à tous au sein du gouvernement et de son parti. Assumer la responsabilité de ces choix; voilà ce qu'est la responsabilité.

Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, dans le discours du Trône prononcé le 16 octobre 2007, le gouvernement a dit que le pays est uni. C'était vrai à l'époque. Après 12 années sous des gouvernements libéraux, le gouvernement Harper a hérité d'un pays qui était fort et uni. Des ententes majeures avaient été conclues avec les provinces, comme l'entente sur le financement à long terme en matière de santé, l'accord de Kelowna et un cadre pour la mise en place d'un programme national de garderies.

Aujourd'hui, après sept ans de politiques de division sous le gouvernement de Stephen Harper, la situation est complètement différente.

Le Canada est une fédération. Pourtant, le premier ministre refuse de participer aux rencontres avec ses homologues des provinces et des territoires. La dernière fois qu'il a convoqué les premiers ministres, c'était en janvier 2009, peu de temps après la crise financière qui a frappé le monde entier en 2008. Les premiers ministres ont continué de se rencontrer, conscients de l'importance d'unir leurs efforts pour s'attaquer efficacement à des enjeux cruciaux dans l'intérêt du pays tout entier. Pourtant, le premier ministre Harper, lui, refuse de se joindre à eux. Il est invité, mais il ne se présente pas.

Il y a quelques mois, alors que M. Harper prenait le temps d'accueillir deux pandas venant de Chine fraîchement débarqués au Canada, Twitter s'est enflammé. Voici le genre de gazouillis qu'on pouvait y lire : « Le premier ministre Harper refuse de rencontrer ses homologues provinciaux, mais il se rend à Toronto pour l'arrivée de deux pandas. Que faut-il en conclure? Que les premiers ministres devraient se déguiser en panda? »

Le moment est venu pour le premier ministre Harper de laisser tomber le bambou et de cesser d'embobiner les Canadiens.

Les poursuites se succèdent. Les provinces traînent le gouvernement fédéral devant les tribunaux pour protester contre le gouvernement Harper, qui veut leur imposer sa façon de faire. Il faut utiliser de précieux fonds publics pour payer des avocats. De plus, les tribunaux canadiens, déjà débordés, doivent prendre le temps de trancher des questions de fédéralisme.

(1730)

Toutes les provinces et deux des trois territoires ont participé au renvoi sur le Sénat soumis à la Cour suprême. Ils ont tous déclaré que le consentement des provinces et territoires serait nécessaire pour mettre en place l'une ou l'autre des réformes que le gouvernement propose d'apporter unilatéralement au Sénat.

Chers collègues, en juin 2007, il y a déjà plusieurs années, les sénateurs ont exhorté le gouvernement Harper à collaborer avec les provinces dans le dossier de la réforme du Sénat. Nous avons déclaré à l'époque que le gouvernement devrait consulter les provinces ou demander à la Cour suprême de déterminer si la Constitution lui permet d'agir unilatéralement, tel qu'il semblait résolu à le faire.

Il m'a toujours semblé absurde, et même plutôt dangereux, de contourner la Constitution ou de ne pas en tenir compte quand on cherche à réformer les principales institutions prévues par la Constitution. Le Canada est une fédération. Comme le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard l'a indiqué dans son mémoire à la Cour suprême :

Une fédération comme la nôtre impose certains fardeaux mais, au bout du compte, une entente est une entente.

Six ans ont passé depuis, mais la réforme du Sénat n'a toujours pas progressé. Le gouvernement a finalement suivi notre conseil et renvoyé la question à la Cour suprême. Il n'en demeure pas moins que le Sénat, et la démocratie parlementaire du Canada, auraient pu être renforcés depuis déjà longtemps si le gouvernement avait agi plus tôt, comme nous le recommandions.

Vous vous souvenez que le gouvernement Harper voulait créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières, un plan dont il était très fier? Cette idée s'est aussi retrouvée devant les tribunaux. Dans ce cas, sept provinces sont intervenues, six d'entre elles s'opposant au plan du gouvernement fédéral. Dans une décision unanime, les sept juges de la Cour suprême ont déclaré que la mesure législative proposée par le gouvernement Harper violait les droits constitutionnels des provinces.

Quels sont les plus récents développements dans ce dossier? Une fois de plus, M. Harper essaie d'imposer sa volonté en s'assurant le concours des quelques provinces qui sont d'accord avec lui. En ce qui a trait à la réforme du Sénat, il tente de créer une réalité qui finira tout simplement par écraser les dissidents.

Comme je le décrirai sous peu lorsque j'aborderai la question de l'emploi et de l'économie, la clé de voûte du plan du gouvernement pour l'emploi en vue d'aider les 1,3 million de Canadiens au chômage, c'est-à-dire la subvention canadienne pour l'emploi qu'il propose, est un fiasco fédéraliste. Chris Hall, de la CBC, l'a récemment décrit, pour reprendre ses mots, comme un exemple « d'abandon du fédéralisme coopératif au profit au fédéralisme conflictuel ».

Les premiers ministres se sont réunis il y a quelques semaines, le 15 novembre. Selon le Globe and Mail, le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Ghiz, a jeté le gant et exigé qu'Ottawa aide davantage les provinces sur tous les plans, des soins de santé à la formation professionnelle. Il a dit :

Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont des partenaires égaux au Canada [...] Nous devons travailler ensemble. Malheureusement, à l'heure actuelle, ce n'est pas ce qui se produit.

Il n'était pas le seul à exprimer sa frustration. La première ministre de l'Ontario, Mme Wynne, qui présidait la réunion, a déclaré ceci :

La question cadre qui revient à chacune de ces rencontres, et aujourd'hui ne pas fait exception, est la relation avec le gouvernement fédéral.

Chers collègues, comment l'approche du premier ministre peut-elle possiblement renforcer l'unité? La question n'est pas de savoir si le premier ministre est sur la bonne ou la mauvaise voie. Le Canada est une fédération. Le premier ministre doit apprendre à consulter ses partenaires constitutionnels, user de ses compétences pour faire valoir pourquoi le statu quo n'est pas une option et négocier une solution qui sera dans le meilleur intérêt de la nation dans son ensemble.

Jeffrey Simpson a récemment écrit dans le Globe and Mail une chronique intitulée « Keystone, ou quand le sens politique tomberait sous le sens ». Il traitait de l'oléoduc Keystone XL, mais le principe s'applique dans bien d'autres domaines. Il affirme que le gouvernement Harper a déployé toutes les stratégies de vente possibles sans une seule fois aborder la question à la manière d'un homme d'État.

Il a écrit ce qui suit :

Faire preuve de sens politique suppose que l'on devine ce qu'il faut à son vis-à-vis pour donner une réponse favorable plutôt que de répéter sans cesse les raisons pour lesquelles il devrait vouloir ce que l'on essaie de lui vendre.

L'art de la vente ne requiert pas que le vendeur change ses pratiques ou fasse une autoanalyse. Le sens politique suppose la volonté de s'autocritiquer et la capacité de voir le monde du point de vue de l'autre et d'adapter ses pratiques pour amener l'autre à dire oui.

L'art de la vente, c'est pour les spécialistes du marketing et ceux qui font du prosélytisme; le sens politique est le propre de ceux qui saisissent la complexité de notre monde.

Chers collègues, les hommes d'État dirigent des nations fortes, unifiées et résilientes. Les vendeurs? Certains font du bon travail, mais certains ne vendent que de la poudre de perlimpinpin.

De plus, la politique de la division n'affecte pas seulement les relations fédérales-provinciales. Elle nous touche au quotidien, alors que les citoyens et les régions sont dressés les uns contre les autres. Nous l'avons vu récemment avec la charte des valeurs proposée au Québec, qui cherche à dresser un groupe de Canadiens contre d'autres groupes de Canadiens, et la réaction lente, confuse et lamentablement contradictoire du gouvernement Harper.

Nous le voyons aussi dans la façon dont on dresse les fonctionnaires contre les travailleurs du secteur privé. Plutôt que de se demander comment assurer un bon revenu de retraite à tous les Canadiens, qu'ils travaillent dans le secteur public ou le secteur privé, on encourage le secteur privé à critiquer les caisses de retraite des travailleurs du secteur public.

Le gouvernement encourage les employés non syndiqués à critiquer la rémunération plus élevée et les meilleurs avantages sociaux des travailleurs syndiqués plutôt que de s'employer à assurer à tout le monde une meilleure rémunération et de meilleurs avantages sociaux.

En effet, même au sein de la fonction publique fédérale, le gouvernement Harper préfère réduire les effectifs en dressant collègues contre collègues, obligeant quatre employés à se disputer trois postes qu'ils occupent, ensemble, depuis plusieurs années. Sous M. Harper, la bureaucratie commence à s'apparenter aux Hunger Games.

Les régions à faible taux de chômage sont irritées par celles qui ont un taux de chômage élevé. Combien de fois avons-nous entendu parler des « Canadiens qui travaillent fort » qui ne veulent pas que « l'argent qu'ils ont versé en impôt » aillent appuyer — c'est selon — les chômeurs, les pauvres, les malades, les immigrants, les mères d'immigrants, ou même les soins de santé essentiels pour les demandeurs d'asile, les gens qui sont venus au Canada pensant trouver un refuge après avoir quitté certaines des situations les plus effroyables au monde?

Les Canadiens autochtones sont mis de côté, balayés du revers de la main, exclus des réunions, marginalisés. En janvier dernier, David Kawapit, membre de 17 ans de la Nation crie, a décidé de se rendre jusqu'à la Colline du Parlement à pied pour exiger de meilleures conditions pour les Premières Nations du Canada. Il n'habitait pas à quelques coins de rue de là, chers collègues. Il a quitté un village éloigné sur les côtes de la baie d'Hudson, à 1 600 kilomètres d'Ottawa. M. Kawapit, accompagné de cinq supporteurs et d'un guide, sont partis les raquettes aux pieds, traînant leurs provisions derrière eux. Ils ont traversé des forêts et des champs enneigés dans des températures glaciales. Leur aventure épique avait pour nom la marche de Nishiyuu, qui, en cri, veut dire la marche du peuple. Des centaines de gens se sont joints à ces jeunes cris.

Enfin, épuisés après des mois de marche, ils sont arrivés sur la Colline du Parlement, mais le premier ministre n'était pas là pour les accueillir. Sa priorité était d'accueillir deux pandas arrivés à Toronto en provenance de la Chine.

Au congrès conservateur, il y a quelques semaines, Stephen Harper a dit à ses supporteurs qu'il se fichait éperdument de ce que pensent les Canadiens qui s'opposent à ses politiques — ce qu'il avait déjà dit quelques semaines plus tôt à l'occasion d'une conférence de presse sur un tout autre sujet. Eh bien, chers collègues, au sein des Premières Nations, bien des gens le savaient déjà : il s'en fiche éperdument.

Par contraste, les libéraux ont réuni tous les ordres de gouvernement et tous les chefs autochtones et ont œuvré à l'élaboration de l'accord de Kelowna, un accord historique. Vous vous souviendrez que le gouvernement Harper s'en est débarrassé, sans même prendre la peine de le remplacer.

Par ailleurs, cet été, les Canadiens ont appris que le gouvernement Harper les avait divisés en deux catégories : amis et ennemis. C'est vrai, le gouvernement ordonne à ses employés de dresser des « listes d'ennemis ». On ne parle pas de terroristes ou de dissidents qui veulent renverser l'Occident; on parle de particuliers et d'organismes canadiens qui s'opposent tout simplement aux politiques du gouvernement Harper. Qui figure sur ces « listes d'ennemis »? Ce sont les organisations féministes qui osent défendre des causes aussi subversives que les services de garde d'enfants permettant aux mères de travailler, et un salaire égal à celui des hommes pour leur travail. Ce sont les dangereuses organisations écologistes, qui essaient de prévenir les effets épouvantables des changements climatiques que le monde est déjà en train de connaître. Ce sont les syndicats, qui luttent pour que les travailleurs aient des emplois bien rémunérés, des conditions de travail sans danger et des prestations de retraite qu'ils pourront bel et bien toucher après avoir travaillé toute leur vie.

(1740)

Les scientifiques, en particulier ceux qui travaillent pour le gouvernement Harper, craignent, eux aussi, d'être sur la liste des ennemis du gouvernement. Un sondage récent mené auprès des scientifiques de la fonction publique indique que 90 p. 100 des personnes interrogées n'ont pas l'impression de pouvoir parler librement de leur travail aux médias. Dans une proportion de 71 p. 100, elles disent que les ingérences des politiciens compromettent l'élaboration de politiques reposant sur les données scientifiques. Presque la moitié d'entre elles ont connu des cas où leur ministère ou leur organisme a dissimulé de l'information. Et, chers collègues, 86 p. 100 des scientifiques interrogés pensent qu'ils subiraient des représailles s'ils publiaient de l'information sur les dangers pour la santé et la sécurité publique ou pour l'environnement.

Pensez-y un instant : nos scientifiques rémunérés par les contribuables canadiens pour leur donner l'heure juste pensent que le gouvernement pourrait leur faire subir des représailles s'ils informaient les Canadiens sur les dangers qui menacent le public en matière de santé, de sécurité ou d'environnement.

Le vérificateur général vient de publier il y a quelques jours son rapport automnal. Il soulève des problèmes importants dans les domaines de la salubrité des aliments et de la sécurité du transport ferroviaire.

Mes collègues se souviendront des graves problèmes de bœuf avarié survenus l'année dernière chez XL Foods, en Alberta. Il en est résulté 18 cas confirmés de maladies reliées au colibacille et le plus important rappel de produits de bœuf de toute l'histoire du Canada, soit plus de 7 millions de kilogrammes qui se trouvaient au Canada et aux États-Unis. Cependant, ce n'était pas le premier problème majeur de salubrité alimentaire depuis que le gouvernement Harper est au pouvoir. En 2008 s'est produite une éclosion de listériose liée aux produits Maple Leaf en Ontario. Presque 200 produits ont dû être rappelés, 57 personnes sont tombées malades et 23 personnes sont mortes.

Le vérificateur général a constaté plusieurs problèmes importants en ce qui concerne le système d'assurance de la salubrité des aliments du gouvernement. Il a dit ceci :

Quoique les cas de maladie aient été contenus dans les rappels que nous avons examinés, je ne suis pas certain que le système donnera toujours des résultats comparables.

Le vérificateur général a aussi constaté des « faiblesses importantes » dans la surveillance qu'exerce le gouvernement en matière de sécurité ferroviaire. Honorables sénateurs, on a terminé ce rapport à peine quelques jours avant la tragédie de Lac-Mégantic, cet été. CBC/Radio-Canada nous a appris la semaine dernière que les cas de trains à la dérive — c'est-à-dire les trains qui, comme celui de Lac-Mégantic, ne sont pas retenus comme il faut dans un parc et les trains, parfois de passagers, qui se séparent durant le transport — se produisent en moyenne 35 fois par année, ce qui est presque le triple du nombre de cas rapportés par le Bureau de la sécurité des transports.

Parallèlement à tous ces événements, certains fonctionnaires, dont des scientifiques, estiment hélas qu'ils s'exposeraient à des représailles s'ils parlaient ouvertement des risques pour la sécurité publique. Les Canadiens n'ont plus qu'à espérer que le vérificateur général se penche sur la bonne question au bon moment, ou alors à attendre que des problèmes surviennent, des problèmes qui, comme on le sait, causent parfois des maladies, voire la mort.

La liste des personnes que le gouvernement considérerait comme ses ennemis comprend aussi Linda Keen, ancienne présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Kevin Page, ancien directeur parlementaire du budget, Munir Sheikh, ancien statisticien en chef du Canada, David Suzuki et Richard Colvin. La liste des éminents Canadiens dévoués qui figurent vraisemblablement parmi les ennemis du gouvernement ne cesse de s'allonger.

En juillet dernier, lorsque nous avons appris que le gouvernement Harper dressait la liste de ses ennemis, l'organisme Voices-Voix a écrit au premier ministre. Cette coalition représente plus de 200 organismes régionaux ou nationaux de la société civile du Canada. Ses membres disent dans la lettre qu'ils sont profondément troublés qu'on ait employé le mot « ennemi ». Ils réclament que la liste soit rendue publique. Je cite un passage de la lettre :

C'est en 2010 que la coalition Voices-Voix a vu le jour en mobilisant des acteurs autour d'une inquiétude grandissante : [...] la place laissée à la société civile pour exprimer son désaccord et revendiquer [...] au sujet d'enjeux sociaux et politiques fondamentaux [a été considérablement réduite].

Nous avons documenté de nombreux exemples d'individus ou de groupes devant aujourd'hui composer avec de graves problèmes financiers, organisationnels et professionnels parce qu'ils ont exprimé leur dissension par rapport à votre gouvernement.

Cette lettre a été signée par des organisations subversives comme Oxfam Canada, Amnistie internationale Canada, le Canada Without Poverty Advocacy Network et le Conseil canadien pour la coopération internationale.

La coalition Voices-Voix a un site web dans lequel on trouve ce qu'elle appelle une « liste des cibles ». Laissez-moi vous lire la description de cette liste.

La « liste des cibles » présente plus de 80 études de cas d'individus, d'organismes et d'institutions publiques; tous ont été réduits au silence, ont vu leur financement coupé, ont fermé leurs portes ou ont été diabolisés. Une douzaine d'autres cas sont en train d'être rédigés.

Ces preuves témoignent d'une tendance qui élimine la connaissance, réduit les Canadiens au silence et restreint l'espace démocratique pour ceux qui prennent part à des activités de plaidoyer ou de contestation.

Chers collègues, j'ai cité plus tôt les propos d'Abraham Lincoln sur le caractère. Il a également prononcé ces paroles devenues célèbres : « Une maison divisée contre elle-même ne peut tenir. »

Il n'y a pas de place au Canada pour une liste d'ennemis, chers collègues. Nous sommes tous des Canadiens. Il faut admettre toutes les idées et opinions, que le gouvernement s'y oppose ou non. Sans cela, nous ne pouvons pas avoir de démocratie vigoureuse et de pays fort.

Honorables sénateurs, est-ce que le pays est aussi uni qu'il l'était avant les sept années au pouvoir du gouvernement Harper? À mon avis, la réponse est non. Je crains que notre pays ne soit en train de devenir de plus en plus divisé.

Cela m'amène finalement à ce que Stephen Harper a dit en 2007, quand il s'est vanté de la force de l'économie, peu après l'arrivée au pouvoir des conservateurs après 12 années de gouvernement libéral.

Cependant, au lieu de plonger dès maintenant dans l'incurie du gouvernement Harper en matière d'économie, j'aimerais que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste afin que je puisse le faire demain. Après tout, cette histoire désolante est déjà digne, à elle seule, d'un débat dans cette enceinte.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

(1750)

[Français]

Le Fonds du Canada pour les périodiques

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Chaput, attirant l'attention du Sénat sur la décision unilatérale du gouvernement conservateur de ne pas entreprendre une révision des normes et des critères du Fonds du Canada pour les périodiques, et sur les conséquences désastreuses de cette inaction sur des journaux francophones en milieu minoritaire, tel que La Liberté, le seul hebdomadaire francophone au Manitoba.

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui sur une question qui, malheureusement, n'est pas encore réglée, et qui porte sur les critères non connus de la formule de financement du Fonds du Canada pour les périodiques.

Permettez-moi tout d'abord de remercier notre collègue, l'honorable Maria Chaput, d'avoir mis de l'avant cette interpellation au sujet du Fonds du Canada pour les périodiques, ce programme crucial qui a un impact direct sur la survie de nos journaux francophones dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. La sénatrice Chaput attire l'attention du Sénat, et je cite :

[...] sur la décision unilatérale du gouvernement conservateur de ne pas entreprendre une révision des normes et des critères du Fonds du Canada pour les périodiques, et sur les conséquences désastreuses de cette inaction sur certains journaux en milieu minoritaire.

Le 29 novembre dernier, la sénatrice Chaput a présenté un vibrant témoignage en décrivant la situation qui sévit au journal La Liberté, hebdomadaire francophone dont le 100e anniversaire a été célébré en juin dernier.

Il est impensable d'imaginer que, sans une intervention immédiate de la ministre du Patrimoine canadien, les Manitobains risquent de perdre leur seul hebdomadaire francophone.

De plus, d'autres journaux francophones comme ceux de la Nouvelle-Écosse, de l'Alberta et de l'Ontario éprouvent de sérieuses difficultés.

Chers collègues, il y a déjà plusieurs années que ces journaux communautaires subissent les contrecoups d'un retard de Patrimoine canadien à adapter la formule de ce programme selon les besoins particuliers de certains journaux francophones en milieu minoritaire, soit ceux qui couvrent un vaste territoire et qui ne peuvent faire autrement que d'avoir recours à Postes Canada pour leur livraison hebdomadaire.

La sénatrice Chaput et moi avons demandé au gouvernement, à maintes reprises, de revoir la formule de financement et de rendre publics les critères spéciaux d'admissibilité. Aujourd'hui, le retard dans les ajustements de la formule est devenu inacceptable.

Le financement insuffisant est arbitraire et oblige les journaux francophones à opérer avec de moins en moins de revenus.

Je suis intervenue dans cette Chambre à plusieurs reprises afin de sensibiliser mes collègues à cette sérieuse problématique. En novembre 2009, l'Association de la presse francophone m'avisait d'un retard possible de l'introduction du Fonds du Canada pour les périodiques et s'inquiétait déjà d'un ajustement de la formule de ce programme.

Il faut souligner que, depuis quelques années, ces hebdomadaires francophones ont aussi subi une perte substantielle et graduelle provenant d'autres sources de revenus. Par exemple, le gouvernement fédéral a coupé considérablement ses dépenses de publicité dans les journaux. De plus, plusieurs organismes et associations subissant des coupures de budget ont de moins en moins recours aux journaux pour réserver des espaces publicitaires.

Parlant de publicité fédérale, permettez-moi, chers collègues, de porter à votre attention une situation fort inquiétante pour les journaux de langue officielle. Au cours de la dernière semaine, la Société canadienne des postes, une société de la Couronne assujettie à la Loi sur les langues officielles, a effectué un placement publicitaire national. Des journaux comme le Chronicle Herald de la Nouvelle-Écosse, le Winnipeg Free Press du Manitoba et le Calgary Herald et l'Edmonton Journal de l'Alberta ont obtenu une grande publicité en anglais. En vertu de la Loi sur les langues officielles, la Société canadienne des postes aurait dû placer cette annonce, dans le journal de langue officielle de la province, afin d'informer les francophones, au même titre que les anglophones, des services offerts par Postes Canada à l'aube de la période des Fêtes. Or, dans le plan média soumis par la firme Zenith Optimédia de Toronto, les journaux de langue officielle ont été volontairement ignorés.

De plus, la Société canadienne des postes a accepté ce plan média sans apporter les correctifs nécessaires en vertu de la loi. Des contacts de ces journaux envers la firme, ainsi qu'un suivi du bureau du Commissariat aux langues officielles auprès de la firme afin de les informer qu'ils devaient se conformer à la loi, se sont avérés vains. Zenith Optimédia a refusé de faire volte-face dans ce dossier. À mon avis, cette situation est très inquiétante. Des plaintes ont été faites au bureau du commissaire aux langues officielles qui confirmeront que Postes Canada n'a pas respecté ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, mais, pour les journaux francophones en situation minoritaire, le mal sera déjà fait : ils n'auront pas eu cette annonce. Les grands perdants sont donc les lecteurs de ces journaux, qui n'ont pas accès aux mêmes informations que les lecteurs anglophones.

Parlant de Postes Canada, une augmentation constante des tarifs, dont la prochaine est prévue pour le mois de janvier, fait croître les dépenses. Difficile pour un journal provincial comme Le Franco d'envisager un autre mode de distribution, alors que ses abonnés se retrouvent partout en province, de Saint-Isidore, dans le nord-ouest, à Lethbridge, dans le sud-est, deux communautés séparées par 10 heures de route.

Au cours des trois dernières années, les hebdomadaires francophones ont vu leur financement subir une baisse en raison du nouveau programme. Les administrateurs du journal ne connaissent toujours pas la formule exacte de calcul, formule qui serait basée sur le nombre d'abonnés payants au journal. Outre les critères utilisés pour déterminer qui est admissible et qui ne l'est pas, les récipiendaires ne connaissent toujours pas les critères qui ont permis d'arriver à un montant X ou Y. Les journaux se voient attribuer un montant, mais sans justification précise.

Et voilà que la troisième et dernière année du programme arrive à échéance, le 31 mars 2014. Hier, le 9 décembre 2013, c'était la date limite pour les journaux pour soumettre leur demande pour l'année financière 2014-2015. Les demandes ont donc été faites, sans que les journaux aient pris connaissance de l'évaluation des trois premières années du fonds ou encore des ajustements qui seront apportés pour assurer un financement juste et équitable.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter la situation du Journal Le Franco, en Alberta.

Le journal Le Franco, établi à Edmonton, existe depuis 85 ans et compte 4,200 abonnés. Ce journal fait partie intégrante de notre communauté. Globalement, sur une période de trois ans, Le Franco a connu une baisse de ses revenus en raison d'une nouvelle formule appliquée au Fonds du Canada pour les périodiques. Cette formule ne tient pas compte des contraintes réelles auxquelles sont confrontés Le Franco et plusieurs journaux francophones en milieu minoritaire, comme je l'ai exprimé précédemment.

Les administrateurs du journal Le Franco n'ont pas d'autre choix que d'user d'imagination pour trouver des sources de revenus pour compenser les pertes. L'Association canadienne française de l'Alberta a conçu une refonte de l'adhésion de ses membres pour aider financièrement. L'Annuaire des services francophones de l'Alberta, publié annuellement, représente une autre source de revenus, tout comme la création, en septembre 2012, d'un mensuel francophone desservant la région de Calgary et du sud de la province, mais c'est loin d'être suffisant.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Peut-on faire le silence afin que nous puissions entendre la sénatrice? J’entends beaucoup de conversations. Je pense qu’il faut porter attention à ce que dit la sénatrice Tardif.

[Français]

La sénatrice Tardif : Je vous remercie, monsieur le Président.

Le journal Le Franco, fort d'une équipe de seulement trois employés, mérite un soutien financier en fonction de ses activités et de ses opérations, qui sont amplement justifiées. En raison de l'augmentation du nombre de ses abonnés, le tirage augmente et, donc, il y a augmentation des coûts des services postaux. Les frais postaux vont augmenter de 10 p. 100 à partir de janvier 2014. La poste est essentielle pour distribuer le journal à travers la province. Le Franco continue d'imprimer son journal en format papier principalement en raison de sa clientèle disséminée sur tout le territoire albertain où, souvent, l'accès à Internet large bande est limité.

Les journaux francophones sont des outils de communication et d'information essentiels à la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire. Pour l'Alberta francophone et francophile, dont les communautés sont disséminées sur tout le territoire de la province, Le Franco jouit d'une excellente réputation grâce au travail rigoureux de son équipe de collaborateurs et des initiatives entreprises avec ses partenaires.

Les abonnements au journal sont à la hausse. De plus, en raison de sa popularité et de la croissance de la population francophone à Calgary, notre hebdomadaire albertain y a ouvert un bureau le 2 décembre dernier. Toutefois, compte tenu des budgets serrés, ce bureau est occupé par une seule journaliste qui travaille à Edmonton en tant que correspondante. Les événements à Edmonton sont couverts par la direction du journal, une journaliste contractuelle et des pigistes.

(1800)

On ne peut pas imaginer jusqu'à quel point ce journal doit faire des prouesses pour produire et offrir aux francophones un journal de grande qualité dans leur langue. Réaliser cet exploit exige une bonne dose de courage et de motivation de tous ses artisans.

Le Franco, le seul hebdomadaire francophone qui dessert la communauté franco-albertaine, joue un rôle clé dans le développement de sa communauté en se faisant le porte-parole de plusieurs associations et organismes qui comptent sur ce journal pour informer la population de leurs enjeux.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, tenons-nous compte de l'heure ou êtes-vous d'accord pour faire abstraction de l'heure?

Des voix : Faire abstraction de l'heure.

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, la presse écrite francophone en milieu minoritaire représente une valeur inestimable pour notre pays. On doit tout faire pour la protéger et l'aider à prospérer; elle ne doit pas disparaître. Les journaux francophones méritent un traitement particulier, et il est urgent que le gouvernement prenne des mesures pour leur assurer une formule de financement transparente et des fonds stables et prévisibles.

Une intervention de la ministre de Patrimoine canadien est urgente en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement doit prendre des mesures positives, sans tarder, pour sortir les journaux francophones en milieu minoritaire de cette impasse si éprouvante. Le gouvernement doit de toute urgence considérer avec une attention particulière la réalité et les besoins des journaux francophones en situation minoritaire en adaptant la formule de financement du Fonds du Canada pour les périodiques.

L'honorable Ghislain Maltais : La sénatrice Tardif accepterait-elle de répondre à une toute petite question?

La sénatrice Tardif : Bien sûr.

Le sénateur Maltais : Je viens d'une province francophone et, dans les régions éloignées des grands centres, nous avons aussi des problèmes en ce qui concerne les hebdos régionaux qui ne sont financés par personne. J'aimerais connaître l'implication des gens d'affaires francophones; contribuent-ils, et de quelle façon? Est-ce fait de façon permanente ou est-ce que cela dépend des soldes dans les magasins? Est-ce que le milieu francophone des affaires dans ces régions contribue aux hebdos régionaux?

La sénatrice Tardif : Oui, le milieu d'affaires contribue, en ce sens qu'ils achètent des annonces publicitaires dans l'hebdomadaire, et en plus, Le Franco publie annuellement une petite revue faisant la compilation de toutes les associations et entreprises qui opèrent en français dans la province.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'aimerais remercier la sénatrice Chaput et la sénatrice Tardif de nous avoir signalé ce problème fort important. On ne peut pas surestimer l'importance de ces journaux pour les communautés qui les lisent et qui ont tellement besoin d'eux.

[Traduction]

Je souligne que, comme dans bien d'autres cas, les collectivités francophones ne sont pas les seules minorités de langue officielle à trouver que leurs publications essentielles sont en difficulté. J'espère aborder cette question après la pause. Entre-temps, je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

L'industrie forestière

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Grant Mitchell, ayant donné préavis le 17 octobre 2013 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les efforts déployés par l'industrie forestière pour désamorcer les critiques du public au sujet de ses pratiques environnementales et comment l'industrie de l'énergie pourrait prendre des mesures semblables.

— Il me fait plaisir de parler de ce sujet très important pour l'industrie pétrolière au Canada et en Alberta.

[Traduction]

J'ai l'occasion de parler de l'industrie pétrolière et gazière d'une façon détournée, qui permettra, à mon avis, d'ouvrir des possibilités. En fait, mes commentaires porteront plutôt sur l'industrie forestière.

Je remercie notre leader adjointe d'avoir gardé le débat en vie pour moi. Je lui dois une fière chandelle, car j'étais retenu au Comité de la défense hier.

Je veux parler spécifiquement de l'industrie forestière et je ferai fond sur les commentaires de l'ancien président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada, Avrim Lazar.

Avrim Lazar est une personne remarquable qui a accompli un travail remarquable au nom de son industrie et de son association. Il a comparu à plusieurs reprises devant le Comité de l'énergie et de l'environnement et, je crois, à plusieurs reprises devant le Comité des finances. Il était exceptionnellement bon. J'ai vu son discours sur YouTube et je recommande à tous mes collègues d'aller le voir. Il s'agit du discours de départ à la retraite qu'il a prononcé à cette période-ci l'année dernière, en 2012, devant l'Economic Club of Canada à Toronto. Il y énumère les défis auxquels a dû faire l'industrie forestière dans les années 1980 et 1990, lesquels ont mené à une prise de conscience, à la compréhension des enjeux et à la mise en place des mesures nécessaires pour entamer le changement transformationnel de l'industrie au début des années 2000.

Je m'inspire largement d'une discussion que j'ai eue avec M. Lazar et de son discours, qui, je le répète, vaut la peine d'être écouté. On en apprend beaucoup sur le processus de changement transformationnel, dans la mesure où il peut toucher un secteur. Je crois aussi que l'industrie énergétique peut en tirer des leçons, car elle doit relever des défis qui, sans être exactement les mêmes, se ressemblent. En fait, je pense que l'industrie pétrolière, le secteur des oléoducs, commence à comprendre les épreuves qu'a dû traverser le secteur forestier et à adopter certaines de ses techniques et certains de ses changements fondamentaux dans son approche globale.

Il y a 10 ou 12 ans, l'industrie canadienne des produits forestiers connaissait beaucoup de succès. Elle employait environ 1 million de travailleurs au Canada. Plus de 300 localités dépendaient en totalité ou en grande partie de cette industrie, qui était extrêmement rentable. Toutefois, comme M. Lazar l'a dit dans son discours, avec le recul, il est clair maintenant que si on avait fait subir à cette industrie un test de tension, comme on le fait d'ordinaire dans le secteur financier — mais jamais vraiment dans d'autres secteurs —, on se serait aperçu que cette industrie devait faire face à des problèmes graves. M. Lazar a déclaré que, dans un sens, les responsables de cette industrie n'avaient pas à craindre de perdre des clients, car ils pouvaient vendre à peu près toute leur production. Cette situation, qui ne semblait pas être un problème, en est devenue un.

Ils mettaient l'accent sur leur capacité de soutenir la concurrence, ce qui, à l'époque, semblait être la bonne chose à faire. Toutefois, ils ont commencé à se rendre compte qu'ils devaient aussi se concentrer sur l'adaptabilité, car la compétitivité est un sous-élément de l'adaptabilité à une époque où les changements sont énormes et transformationnels. Ils se sont aperçus qu'ils luttaient contre les environnementalistes. Leur argument type était le suivant : « Nous avons raison et vous avez tort. »

C'était la situation il y a 10 ou 12 ans. Puis, comme l'a souligné M. Lazar — je ne me souviens pas de ses paroles exactes —, un tsunami a frappé l'industrie. Le dendroctone du pin, qui anéantissait les ressources forestières, est devenu un problème de taille.

Les environnementalistes ont commencé à comprendre qu'ils seraient beaucoup plus efficaces s'ils s'en prenaient aux clients de l'industrie plutôt qu'à l'industrie elle-même. Il a poursuivi en soulignant que c'était très paradoxal, mais qu'une chose s'est produite : le public a cessé de blâmer l'industrie pour ce problème et a commencé à se blâmer lui-même. Il a donc modifié fondamentalement son approche l'égard de l'industrie forestière. Ses habitudes d'achat ont aussi commencé à changer.

(1810)

Le marché immobilier américain s'est effondré. Ce sont des choses qui arrivent aux marchés. De façon rapide et spectaculaire, c'est la Chine qui a affiché une croissance importante, laissant derrière les États-Unis et l'Europe, principaux débouchés pour les produits de l'industrie forestière canadienne. En outre, plus l'industrie luttait contre les arguments concernant l'environnement et plus elle tentait de convaincre les gens qui achetaient ses produits, plus elle constatait qu'elle avait perdu sa bonne réputation. Cela s'explique par le grand nombre de problèmes liés à l'environnement qu'elle avait connus au cours des 20 années précédentes. L'industrie était accusée de procéder à des coupes à blanc, et on reprochait au secteur des pâtes et papiers de causer une pollution massive. Comme je l'ai dit, l'industrie forestière ne cessait de dire que c'était elle qui avait raison et que les environnementalistes et tous les autres avaient tort. Par conséquent, quand la situation est vraiment devenue critique et qu'elle a dû défendre ses débouchés, l'industrie avait perdu sa bonne réputation.

L'industrie forestière a pris des mesures assez importantes. Elle a d'abord fait ce que toute industrie ferait, et à peu près aussi bien que n'importe quelle industrie, c'est-à-dire qu'elle a axé radicalement ses efforts sur l'accroissement de la productivité. L'industrie a travaillé avec les syndicats, avec les travailleurs de façon générale, et avec les entreprises, pour trouver tous les moyens possibles d'accroître la productivité. Le gouvernement a accordé certaines concessions fiscales, ce qui a aussi amélioré la productivité. On a toutefois constaté que cela ne faisait que maintenir l'industrie dans la même situation et que cela ne fonctionnait pas. Plus on allait vite et plus on travaillait fort, plus les autres facteurs minaient et affaiblissaient la capacité de préserver les activités de façon rentable, sans parler de la survie de l'industrie même.

Par conséquent, ils ont dû relever l'énorme défi posé par une transformation radicale de leur industrie. M. Lazar a dit que ce fut une période très tumultueuse pour tous les membres de l'industrie, y compris les PDG, qui devaient fermer des localités entières. Les membres de leur famille ne pouvaient marcher dans la rue principale sans rencontrer quelqu'un qui avait perdu son emploi ou dont un parent, parfois la mère ou le père, avait perdu son emploi. Ce fut une période vraiment très difficile.

Même s'ils travaillaient encore plus fort, ils étaient confrontés au problème de la hausse de la valeur du dollar, qui était en train de passer de 65 cents à un dollar américain. Cette valeur a augmenté des deux tiers en peu de temps, avec le résultat qu'il est devenu beaucoup plus difficile d'exporter nos produits forestiers, c'est-à-dire de les vendre sur les marchés internationaux, parce qu'ils étaient devenus beaucoup plus chers. Imaginez un PDG qui s'efforce de trouver une façon d'améliorer la productivité et dont les efforts sont anéantis parce que le dollar a monté de 2 cents. Ces gens étaient littéralement au bord du précipice.

Ils ont apporté des changements fondamentaux dans leur façon de voir le monde. Premièrement, et c'est important, ils ont cessé de penser en termes de valeur ajoutée pour penser plutôt en termes d'extraction de la valeur. Ainsi, en plus de décider qu'ils allaient cesser de se concentrer sur la compétitivité et se tourner vers l'adaptabilité, ils ont commencé à s'intéresser à l'extraction de la valeur plutôt qu'à la valeur ajoutée.

Qu'est-ce que cela signifie? Avec la collaboration du gouvernement, ils ont entrepris l'étude de 36 nouvelles technologies axées sur les bioproduits. Ils ont alors constaté l'existence d'un marché mondial de bioproduits d'une valeur de 200 milliards de dollars qui leur avait pratiquement échappé. Parmi les 36 projets de recherche technologique, un certain nombre leur ont permis de se servir de leur produit, de notre bois, d'une façon différente afin de faire la promotion de produits différents et de trouver des marchés complètement nouveaux et différents.

Je vais donner un exemple particulièrement intéressant. Ils extraient maintenant des nano-cristaux des arbres et ils s'en servent dans des écrans comme celui-ci pour les durcir. Qui aurait pu même songer à une telle possibilité en 2000? En 2006-2007, ils mettaient au point des technologies que personne n'avait même imaginées auparavant.

Ils ont mis au point le papier intelligent. Ils ont créé différents additifs pour différents produits. Ils ont utilisé toutes les caractéristiques des arbres pour des applications qu'ils n'avaient pas imaginées auparavant. Il n'y a pratiquement pas de perte.

Ils ont donc étudié la possibilité d'extraire une valeur des produits qu'ils fabriquaient et des ressources qu'ils utilisaient, au lieu de songer uniquement à la valeur ajoutée, qui est une vision plus traditionnelle qu'on associe au XIXe ou au XXe siècle. Bref, il y a eu un changement dans la façon de penser.

Ils ont recruté des environnementalistes. Ils ont cessé de voir les environnementalistes comme des ennemis et ils ont fait appel à eux. Ils les ont inclus dans leurs projets. Ils sont allés jusqu'à faire venir un groupe environnemental international qui a été critiqué par le gouvernement fédéral, le Pew Charitable Trusts, pour négocier des traités entre les groupes environnementaux canadiens et les sociétés forestières.

La compagnie a dit : « Nous allons prendre grand soin des forêts dans ces secteurs. Autrement dit, nous n'allons pas les exploiter. » En contrepartie, les groupes environnementaux ont dit : « Nous n'allons plus nous battre comme nous l'avons fait contre vos activités d'exploitation dans quelque région que ce soit. » Les groupes environnementaux ont ainsi assumé une part de responsabilité dans la préservation d'emplois importants au Canada. Ils ont littéralement négocié un traité, et ils ont fait appel à un groupe international, le Pew Charitable Trusts des États-Unis, pour négocier cette entente, parce qu'ils avaient besoin d'établir leur crédibilité en Europe et ailleurs dans le monde. C'est ce groupe qui leur a donné cette crédibilité.

Ils ont aussi collaboré entre eux et avec le gouvernement. Ils le disent sans équivoque : ils n'auraient jamais pu se sortir d'un tel marasme pour redevenir ensuite une industrie extrêmement prospère sans la collaboration du gouvernement.

J'ai mentionné un exemple où le gouvernement avait collaboré au développement de la technologie. Le gouvernement a aussi contribué au financement d'activités de marketing en Inde et en Chine, chose qui ne serait pas nécessaire en ce qui concerne le secteur de l'énergie. Il a dirigé des missions commerciales. Je parle des missions commerciales d'Équipe Canada tellement fructueuses et populaires pendant les années 1990, à l'époque des gouvernements Chrétien et Martin.

Ils ont donc collaboré. Selon M. Lazar, cette façon bien canadienne de procéder a beaucoup contribué à résoudre cet énorme problème — à trouver, en somme, une solution pour ce secteur bien canadien.

Je ne maintiens pas que l'industrie pétrolière vit exactement le même genre de problèmes, mais il existe toutefois d'importants parallèles entre ce que l'industrie pétrolière vit aujourd'hui et la situation qu'a affrontée l'industrie forestière.

En fait, l'équivalent du dendroctone du pin pour l'industrie pétrolière, c'est l'enjeu émergent des changements climatiques — il existe bel et bien un lien. Dans une certaine mesure, je crois que les gens de la Colombie-Britannique, bon nombre d'Américains et des gens de partout dans le monde comprennent que cet enjeu constitue un sérieux problème. Tôt ou tard, le fait qu'on en reconnaisse la gravité causera des difficultés à l'industrie pétrolière. Je dirais même que ces difficultés ont déjà commencé.

Comme exemple de cas où les environnementalistes s'en prennent aux consommateurs, pensons à l'Union européenne et sa directive sur la qualité du carburant. Des environnementalistes, entre autres, ont convaincu plusieurs personnes puissantes et influentes au sein de l'Union européenne du bien-fondé d'une directive sur la qualité du carburant. Selon cette directive, les sources de pétrole seront évaluées en fonction de certaines normes en matière d'émissions; si l'évaluation s'avère défavorable, ces sources feront l'objet de mesures discriminatoires. On interdira le pétrole provenant de sources qui ne respectent pas les normes.

Eh bien, cette directive sur la qualité du carburant est désavantageuse pour le pétrole de l'Alberta. Il s'agit déjà d'un enjeu important en Europe. L'Union européenne a fait marche arrière et examine la question, mais c'est exactement le genre de chose qui peut commencer à miner une industrie. Même si nous ne vendons pas encore de pétrole à l'Europe, l'oléoduc allant d'ouest en est pourrait peut-être nous permettre de le faire. Or, si la directive concernant la qualité du carburant avait été adoptée sous sa forme actuelle, ce marché ne nous serait pas accessible parce que nous serions victimes de discrimination. Et si des produits étaient fabriqués aux États-Unis à partir de pétrole de l'Alberta ou de la Saskatchewan, de pétrole canadien, de pétrole lourd, avant d'être expédiés en Europe, ils pourraient aussi être bannis de ce marché. Il existe donc une menace bien réelle, semblable à celle qui a pesé sur l'industrie forestière.

(1820)

Qu'en est-il des détracteurs de l'industrie pétrolière qui s'en prennent aux oléoducs Keystone et Gateway? Ils ont changé de priorité et ce n'est pas un hasard si on assiste à de tels retards dans la réalisation de ces projets. Les coûts associés à ces retards s'élèvent certainement à des milliards de dollars.

Quand on parle du dollar, il ne faut pas oublier que la situation a changé. Dans le cas de l'industrie forestière, la hausse du dollar avait rendu les produits forestiers canadiens très peu concurrentiels, ce qui avait porté un dur coup à l'industrie. Ce qui est intéressant au sujet du dollar à l'heure actuelle, c'est que sa valeur baisse de façon marquée. J'ai lu un article dans lequel un analyste disait que rien ne semble expliquer la chute du dollar. Il se peut très bien que ce soit parce que le marché entrevoit l'impossibilité de trouver des débouchés pour le pétrole canadien. C'est la demande pour ce produit qui avait fait grimper la valeur du dollar. D'aucuns diront qu'il s'agit d'un pétrodollar. Cet argument est difficile à prouver, mais c'est certainement une théorie valable : le dollar chuterait parce que... Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président intérimaire : Accordez-vous cinq autres minutes au sénateur Mitchell?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : La baisse du dollar pourrait être attribuable au fait que les marchés commencent à prévoir que le Canada aura de la difficulté à trouver des débouchés pour son pétrole.

Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, c'était l'évidence même que les sables pétrolifères devaient être développés le plus rapidement possible. Les États-Unis et les autres pays achèteraient notre pétrole. L'industrie forestière s'est retrouvée dans la même situation : nous produisions, ils achetaient. Ce n'est plus vraiment le cas. La technologie s'est raffinée. Les grandes avancées technologiques, la fracturation en particulier, et la découverte de gigantesques réserves de pétrole et de gaz de schiste font en sorte que le seul marché international où l'on vend notre pétrole et notre gaz, soit les États-Unis, pourrait produire suffisamment de pétrole et de gaz pour subvenir à tous ses besoins. Par conséquent, tout d'un coup, le marché pourrait s'effondrer.

Je pourrais continuer à faire des parallèles entre la situation de l'industrie forestière en 2002, avant qu'elle se transforme, et la situation de l'industrie pétrolière d'aujourd'hui. Je tenais à sonner l'alarme parce que l'industrie pétrolière est cruciale pour l'avenir économique du Canada et, manifestement, pour celui de ma province, l'Alberta.

Quelles sont les solutions possibles? Il faudra obtenir la collaboration du gouvernement. Dans le présent dossier, il faut absolument que l'industrie pétrolière obtienne l'assentiment public, c'est la priorité; or, ce sera impossible tant que le gouvernement ne se souciera pas de l'environnement. En fait, les Canadiens et la communauté internationale veulent savoir s'il existe un tiers indépendant, soit le gouvernement fédéral, qui les convaincra que ces projets seront réalisés de la façon la plus écologique possible, et ce, de manière à réduire au minimum les émissions. C'est fondamental. Je me fiche de savoir si Enbridge est une bonne entreprise ou pas — c'est une remarquable entreprise. Elle peut affirmer être capable de construire le meilleur pipeline du monde, et c'est probablement vrai. Certains de ses concurrents peuvent en faire autant, mais ils ne peuvent rien contre les messages qu'envoie le gouvernement qui, par ses actions, ne cesse de laisser entendre que l'environnement ne compte pas.

Les changements climatiques ne sont même pas abordés une seule fois dans le discours du Trône. De plus, à Vancouver, on ferme le bureau qui se charge des déversements de pétrole en mer alors que c'est précisément ce genre de déversement qui cause le plus d'inquiétude chez les Britanno-Colombiens à l'égard du projet d'oléoduc Northern Gateway. On s'en prend en plus aux environnementalistes, alors que nous devrions les écouter. Cela fait partie des leçons fondamentales que l'expérience de l'industrie forestière devrait nous enseigner.

Nous devons imaginer un avenir différent pour l'industrie de l'énergie. Elle devrait utiliser une partie des richesses générées par les sources d'énergie traditionnelles afin de changer de cap et de miser sur des énergies renouvelables qui peuvent accroître notre compétitivité et notre productivité sur la scène internationale. Ainsi, on peut créer d'autres marchés pour de nouveaux produits tout en surveillant et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Pour ce faire, nous devons tenir un véritable débat sur les changements climatiques. Il y a quelques semaines, j'ai parlé au Sénat des formes qu'il pourrait prendre. Nous devons tenir un vrai débat. Peut-être que nous devrions ressusciter les commissions royales, qui ont grandement contribué à certains changements profonds au pays. Peut-être que nous devrions tenir une table ronde, comme l'a fait le premier gouvernement conservateur de Ralph Klein, au milieu des années 1990. Cette approche a permis à la population de se faire entendre et d'avoir l'assurance que toutes les opinions sur ces questions importantes allaient être entendues. On pouvait entendre à la fois l'avis d'experts et celui de citoyens albertains ordinaires. Ce serait également possible dans le cadre d'une commission royale. Il y a bien d'autres choses à faire, mais l'industrie pétrolière doit obtenir l'assentiment de la population, et elle ne peut pas y parvenir sans l'aide du gouvernement.

Nous devons tous commencer à envisager un avenir énergétique différent, un avenir qui soutiendra une nouvelle économie inspirée et revigorée pour les 60 ou 70 prochaines années, comme celle que nous avons connue à l'issue de la Seconde Guerre mondiale; et nous devons songer à des façons de faciliter et de catalyser cela en tenant un véritable débat au sujet d'un problème vraiment important auquel se heurte le Canada : les changements climatiques.

L'honorable Nicole Eaton : Le sénateur Mitchell accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Volontiers.

La sénatrice Eaton : Votre thèse me cause problème. Vous parlez des environnementalistes. Or, je suis toujours stupéfaite — surtout lorsque je lis sur l'opposition au projet Keystone — du fait qu'ils ne parlent jamais du brut de la Californie, qui a la même empreinte carbone que les sables pétrolifères parce qu'il est exploité selon les vieilles méthodes. Toutes ces fondations et tous ces environnementalistes ne parlent pas non plus des centrales électriques au charbon de la vallée de l'Ohio, qui crachent chacune plus de carbone que l'ensemble des activités d'exploitation des sables pétrolifères.

Ne trouvez-vous pas les Européens quelque peu hypocrites en ce sens qu'ils ne font pas de cas du bilan saoudien en matière de respect des droits de la personne, des femmes et des gais? Qu'en est-il des droits de la personne au Venezuela? Les Européens achètent et utilisent le pétrole de ces pays, alors que ceux-ci traitent vraiment mal leurs citoyens. Ne trouvez-vous pas épouvantable que les Européens achètent du pétrole du Nigéria alors que celui-ci brûle du gaz à ciel ouvert?

Il y a tant d'hypocrisie. J'ai du mal à comprendre pourquoi vous défendez aussi fermement les environnementalistes.

Son Honneur le Président intérimaire : Si les sénateurs y consentent, je vais laisser le sénateur Mitchell répondre à la question.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Je crois que le sénateur Cowan a mis le doigt en plein sur le problème lorsqu'il a fait allusion à l'article de Jeffrey Simpson sur la distinction entre maîtriser l'art de la vente et posséder des qualités d'homme d'État.

Quand on se rend là-bas, qu'on prétend que les États-Unis sont pires et que c'est pour cela qu'on n'a pas besoin d'en faire autant qu'on le pourrait, quand on dit aux Américains qu'on est disposé à les suivre s'ils veulent faire quelque chose concernant les gaz à effet de serre, on les traite ni plus ni moins d'hypocrites. On essaie de leur vendre quelque chose et on les traite d'hypocrites. « Vous voulez acheter cette voiture neuve, madame? Nous avons une excellente voiture neuve pour vous, mais vous êtes une hypocrite. » C'est une très bonne technique de vente, parce que c'est essentiellement ce qu'on fait quand on passe à l'attaque.

Les « environnementalistes », quels qu'ils soient, ne sont pas les seuls à pratiquer cette apparente hypocrisie. L'Américain et l'Européen moyens le font. Il ne s'agit pas d'un système organisé ni d'une sorte de conspiration. C'est ainsi, tout simplement.

Nous ne défendons pas notre cause. S'il en est ainsi, c'est notamment parce que le gouvernement — M. Harper, en particulier, je crois; je suis prêt à lui laisser le bénéfice du doute — ne comprend pas que nous ne pouvons pas simplement nous imposer avec arrogance en nous attendant à ce que les marchés s'ouvrent pour nous. L'industrie forestière l'a appris, et c'est très clair.

L'hypocrisie peut être réelle ou non, mais il faut y faire face. Nous ne pouvons pas nous contenter de les invectiver et de les traiter d'hypocrites tout en nous attendant à ce qu'ils accueillent favorablement notre produit; sûrement pas.

Son Honneur le Président intérimaire : Le temps de parole du sénateur Mitchell est écoulé.

(Sur la motion du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)

(1830)

Le projet de charte des valeurs québécoises

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, ayant donné préavis le 28 octobre 2013 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les effets négatifs de la charte des valeurs québécoises pour les Canadiens.

— Honorables sénateurs, aujourd'hui, j'aimerais attirer votre attention sur la charte des valeurs québécoises et parler des effets négatifs qu'elle aura sur les Canadiens.

Le nom officiel de la charte des valeurs québécoises est extrêmement long. Je le citerai donc une seule fois, dans un souci de concision. La charte s'intitule : Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement. Pour ma part, je l'appellerai « le plan du PQ ».

La première fois que j'en ai entendu parler, j'ai été remplie de tristesse, puis c'est la colère qui a pris le dessus. Maintenant, avec votre appui, j'aimerais empêcher que le plan du PQ se concrétise au Québec.

J'ai consacré ma carrière à lutter contre la discrimination. J'ai multiplié mes efforts afin d'accroître les droits des minorités, et j'ai aussi défendu les valeurs québécoises.

Honorables sénateurs, vous savez que je travaille avec acharnement à faire du Canada un pays réellement bilingue et à intégrer la culture francophone à l'ensemble de la culture canadienne. Les gens du Québec ont été très généreux envers ma famille et moi-même. Mon petit-fils, Ayaan, et moi gardons un merveilleux souvenir de Québec, une ville magnifique où nous avons été chaleureusement accueillis.

Le plan du PQ viendra éliminer, en un instant, le travail que moi et une multitude d'autres personnes avons mis des décennies à accomplir.

[Français]

J'aimerais commencer par vous raconter une histoire. Le 10 juin de cette année, la Fédération de soccer du Québec a imposé une interdiction contre le port du turban et de couvre-chefs semblables sur les terrains de soccer.

L'interdiction a empêché des enfants portant le turban de jouer au soccer avec leurs coéquipiers. Le gouvernement séparatiste du Québec n'a pas dénoncé cette interdiction comme étant discriminatoire, mais l'a plutôt défendue.

Une équipe de soccer de Brossard composée d'enfants de 13 ans a vu cette interdiction comme une occasion de défendre les autres joueurs. Personne dans cette équipe n'était sikh ou ne portait de couvre-chef religieux.

Leur entraîneur, Ihab Leheta, a demandé aux membres de son équipe de lui dire ce qui était plus important que le match. Un joueur a répondu « l'école », un autre « la famille », puis un troisième a dit « l'injustice ». L'entraîneur leur a répondu qu'il pouvait soit réagir en se disant : « Ce n'est pas mon problème » ou soit décider de passer à l'action.

Par solidarité, à leur match suivant, tous les enfants de cette équipe ont porté des foulards orange qu'ils avaient empruntés au temple sikh local. Ils risquaient la défaite par défaut. Ils étaient prêts à renoncer à jouer pour combattre une injustice.

Ils se sont disputés avec l'arbitre et l'entraîneur de l'équipe adverse pour ce droit, parce que, peu importe l'opinion de ceux qui sont au pouvoir, ils savaient que c'était la chose à faire.

Ces enfants, comme Martin Luther King Jr, comprenaient qu'« une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier ». Aujourd'hui, c'était quelqu'un d'autre qui était victime de discrimination, mais demain ce serait leur tour.

[Traduction]

Honorables sénateurs, aujourd'hui, ce sont les minorités du Québec qui sont victimes de discrimination. Le projet du Parti québécois cible les minorités en les empêchant d'accéder à des postes dans la fonction publique si elles portent des signes religieux ostentatoires. Ces signes englobent le turban, le voile, la kippa et les croix. Les petits signes non ostentatoires sont acceptables, mais, malheureusement, il n'existe pas de petit turban, de petit voile ou de petite kippa qui ne soit pas visible.

Voici ce qu'on peut lire dans un rapport de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec :

[...] les personnes appartenant à ces groupes font déjà face à d'importants obstacles sur le marché du travail, les mesures envisagées auront vraisemblablement un impact négatif sur la mise en œuvre effective du droit à l'égalité en emploi des personnes visées.

L'interdiction de signes religieux est clairement considérée comme discriminatoire à l'endroit des minorités visibles.

Dans une déclaration que j'ai faite en octobre, j'ai parlé de la signification du port du turban pour les sikhs. Je vous avais alors dit que, pour un sikh pratiquant, le turban n'était pas seulement une question de liberté religieuse, mais également une obligation religieuse. Le turban fait partie intégrante de son identité et de sa philosophie de vie. Après cette déclaration, pour la première fois en 40 ans depuis que je vis au Canada, j'ai commencé à recevoir des appels de la part de personnes me disant de retourner dans mon pays.

Honorable sénateurs, je suis une fière Canadienne. Je suis au service des Canadiens depuis le début de ma carrière. Pourtant, dans l'esprit de certaines personnes, parce que je suis immigrante, je n'ai pas le droit d'être traitée équitablement. Si ces gens n'approuvent pas ce que dis, ils m'ordonnent de retourner dans mon pays. Ils ne me voient pas vraiment comme une Canadienne, mais je sais que vous le savez et je sais que je suis une fière Canadienne.

En entendant ces mots au téléphone, j'ai eu la nausée. Cela me rappelle comment je me sentais quand Idi Amin, le dictateur ougandais, a dit une chose semblable lorsque ma famille et moi nous sommes réfugiés en Ouganda, parce que nous étions des Ougandais d'origine indienne.

[Français]

Ce profond sentiment d'exclusion qui vient de ceux que l'on considère nôtres, ce sentiment qui naît dans la gorge et descend au cœur, je croyais l'avoir laissé derrière moi en arrivant au Canada, le pays de l'égalité, de la justice et du respect.

Nous avons tous entendu parler des épisodes disgracieux de discrimination qui ont eu lieu un peu partout au pays depuis la création de cette charte des valeurs québécoises. Une mosquée de Saguenay a été baptisée au sang de porc.

Dans un centre commercial de Québec, une femme s'est fait dire de changer de religion et de retirer son voile, parce que le gouvernement allait la forcer à l'enlever de toute façon. Son fils de 18 ans s'est fait cracher dessus.

À Montréal, dans un autobus, une femme portant le hijab s'est fait invectiver par un homme qui lui a dit : « Avec Marois, on va l'enlever la tuque. » Une musulmane a subi une agression verbale dans un autobus d'Ottawa. On constate une augmentation de 300 p. 100 de cas signalés d'attaques contre les musulmans. Et la liste continue.

Honorables sénateurs, voilà les conséquences de cette charte des valeurs québécoises. Elle fait de la discrimination contre les minorités une pratique acceptable aux yeux de l'État et, du coup, légitimée dans la sphère publique. Pourtant, ceux qui préconisent une telle division entre les Canadiens ne se rendent pas compte que notre pays est fort non pas malgré sa diversité, mais grâce à sa diversité.

Les communautés minoritaires infusent notre pays d'une culture d'inclusion. Elles approfondissent nos liens avec les autres pays du monde. Elles apportent de nouvelles perspectives et de nouvelles façons de résoudre des problèmes. Elles favorisent plus de commerce.

[Traduction]

Les gens de différentes origines se préoccupent d'un plus large éventail de problèmes sociaux. Ils nous aident à mieux comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les pays en développement, et nous permettent ainsi d'en faire plus. Ils nous donnent la possibilité de connaître d'autres langues, musiques, vêtements, cuisines, pratiques et idées. Le groupe de recherche Metropolis British Columbia, spécialisé dans l'immigration et l'intégration, a déclaré ceci :

[...] on considère souvent que les minorités apportent des avantages liés à des compétences spécialisés et à des contacts qui peuvent se traduire par des gains de productivité.

Selon le Conference Board du Canada, à mesure que la population du Canada vieillira et qu'un nombre croissant de baby-boomers partiront à la retraite, la contribution relative des immigrants et des minorités visibles à la croissance de la main-d'œuvre et du bien-être économique devrait continuer à augmenter.

(1840)

Il a également signalé que, de 1992 à 2001, l'emploi de membres de minorités visibles a augmenté en moyenne de 4,7 p. 100 par année par rapport à 1,25 p. 100 pour toutes les catégories de travailleurs confondues.

Si le temps me le permettait, je pourrais nommer d'autres avantages économiques pour le pays d'une diversité accrue, mais j'en parlerai une autre journée. Je me contenterai de dire que l'accroissement de la diversité est essentiel à la prospérité de notre pays.

Le Canada fait tout son possible pour s'assurer que les Canadiens, quels que soient leurs antécédents, sont traités équitablement et bénéficient de possibilités. C'est une tradition dont nous sommes fiers et qui a un but pratique : unir ce pays vaste et diversifié.

Le respect de cette tradition empêche les populations majoritaires de brimer le droit des populations minoritaires de participer pleinement à la société.

Par exemple, la population anglophone majoritaire ne peut pas empêcher les minorités francophones d'obtenir un emploi gouvernemental dans le reste du Canada. Si nous ne respectons pas cette tradition, les francophones pourraient croire qu'ils sont victimes d'ostracisme et se sentir jugés à cause de leur culture dans le reste du pays. Les francophones pourraient ne pas avoir accès à des services dans leur langue dans le reste du pays. Ils pourraient être faiblement représentés dans les syndicats qui protègent les droits des travailleurs dans le reste du pays. Ils pourraient croire qu'ils n'ont aucune valeur pour le Canada, et que leurs contributions et sacrifices ne sont pas reconnus dans le reste du pays.

La majorité exercerait une tyrannie totale sur la minorité dans le reste du Canada. C'est une situation que nous ne pouvons jamais tolérer. Je sais que chacun d'entre nous se battra très fort pour que l'ensemble des Canadiens possèdent les mêmes droits parce que, au Canada, tous les gens sont sur un pied d'égalité. Nous célébrons nos différences, et nous les acceptons, car nous comprenons qu'elles sont indissociables de la personne.

Nous considérons que les gens ont autant le droit de porter des symboles religieux qu'ils ont le droit de parler français. Le Canada est le pays où les parties de hockey sont diffusées en français, en anglais, en pendjabi et en arabe. L'unité du Canada vient de notre diversité.

Le Québec partage ces mêmes valeurs canadiennes : l'égalité, l'équité et le respect. Il ne faut pas oublier que le Québec a toujours défendu ses minorités.

En 1986, le gouvernement du Québec a publié la Déclaration sur les relations interethniques et interraciales. Cette déclaration condamne le racisme et la discrimination raciale. Elle engage le gouvernement à favoriser la pleine participation de toutes les personnes au développement économique, social et culturel du Québec, quels que soient la couleur de leur peau, leur religion, leur ethnie et leur pays d'origine.

Le gouvernement du Québec a publié en 1990 un document intitulé Au Québec pour bâtir ensemble. Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

Cet énoncé de politique renforce trois principes : le Québec est une société dont le français est la langue commune de la vie publique; le Québec est une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées; le Québec est une société pluraliste qui respecte la diversité des cultures.

En 2008, le gouvernement du Québec a publié La diversité : une valeur ajoutée. Politique gouvernementale pour favoriser la participation de tous à l'essor du Québec. Cette politique définit trois grandes orientations : reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination; s'attaquer à toutes les formes de discrimination et assurer une meilleure représentation des groupes sous-représentés dans les diverses institutions, publiques et privées, ainsi que dans les entreprises; assurer la cohérence et la complémentarité des efforts des intervenants afin de lutter contre les préjugés et la discrimination.

Voilà les valeurs du Québec : créer son identité unique de société francophone tout en protégeant et en défendant l'identité et les droits des minorités.

Honorables sénateurs, le gouvernement séparatiste du Québec cherche à détourner les véritables valeurs des Québécois parce qu'il croit qu'il pourra ainsi remporter les prochaines élections. Il pratique la politique de la division.

Malheureusement, le gouvernement séparatiste a commis une grave erreur de jugement. Il n'a pas tenu compte du fait que les Québécois sont des gens remplis de compassion, raisonnables et soucieux d'équité. Les Québécois respectent tous leurs concitoyens et reconnaissent leur valeur, quels que soient les symboles que ceux-ci décident d'arborer.

Honorables sénateurs, nous devons agir nous aussi. Nous ne devons pas simplement nous contenter de soulever la question. Nous devons veiller à ce que ceux qui essaient de semer la division ne bafouent pas les droits des Canadiens. Nous devons veiller à ce que les Canadiens ne soient pas obligés de quitter leur emploi en raison de leurs convictions religieuses. Nous devons défendre les valeurs canadiennes dont nous sommes si fiers, soit le respect de nos différences et la justice pour tous.

Honorables sénateurs, lorsque j'étais jeune, ma mère voulait que je sois pianiste, tandis que mon père, lui, voulait que je devienne politicienne. Vous savez maintenant qui l'a emporté. Lorsque je m'exerçais au piano, il m'arrivait parfois, pour embêter ma mère, de jouer seulement avec les touches blanches ou seulement avec les touches noires. Il n'y avait aucune harmonie et ma mère avait beaucoup de mal à tolérer cela. De la cuisine, elle me criait que pour jouer de façon harmonieuse, il faut utiliser à la fois les touches blanches et les touches noires. Il ne peut pas y avoir d'harmonie si on utilise uniquement les touches blanches ou uniquement les touches noires.

Aujourd'hui, je comprends ce que ma mère essayait de m'inculquer en me disant cela.

En fin de semaine dernière, j'ai assisté à une activité organisée par une association appelée Kohinoor Folk Art, dans la région de Surrey. J'ai ainsi eu l'occasion de voir de jeunes enfants sikhs effectuer une magnifique danse bhangra.

Tout à coup, au beau milieu du spectacle, spontanément et de leur propre chef, les enfants ont commencé à chanter « Jingle Bells » en s'accompagnant d'instruments du sous-continent indien. J'en avais les larmes aux yeux. Je vous invite à vous rendre sur mon site web : c'est incroyable de voir des enfants sikhs portant un turban qui jouent « Jingle Bells » avec des instruments indiens. C'est l'essence même du Canada.

Un jeune garçon sikh portant un turban personnifie littéralement l'harmonie et l'intégration lorsqu'il souhaite si ardemment faire partie de notre grand pays qu'à l'occasion d'un spectacle, il se souvient que c'est le temps de Noël et il veut chanter de la musique de Noël, lui aussi. Ce sont vraiment des enfants du Canada.

Aujourd'hui, je tiens à vous dire que je ne ménagerai aucun effort pour empêcher le gouvernement séparatiste du Québec de priver les minorités de leurs droits simplement à cause de leur appartenance religieuse. Et vous?

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Hervieux-Payette a la parole.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : J'aimerais demander à ma collègue si elle a l'intention de comparaître devant le comité parlementaire de l'Assemblée nationale afin de lui faire part de ses préoccupations.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Je vais essayer. J'ai bien évidemment parlé à ma très bonne amie, Mme Houda-Pepin, à Montréal, et nous avons convenu de ne pas être d'accord sur cette question. Nous continuerons d'être amies, et je continuerai d'essayer de la convaincre que, ne lui en déplaise, une femme a le droit de porter le hidjab. Nous vivons dans un grand pays, et j'ai le choix, en tant que femme musulmane, de ne pas porter le hidjab. C'est un choix qui m'appartient, et j'exerce fièrement mon droit de choisir. Aucun homme ni aucun État ne me diront que je dois porter le hidjab. C'est à moi de choisir.

De la même manière, si une autre femme musulmane souhaite porter le hidjab, ni moi ni l'État n'avons le droit de lui dire qu'elle ne peut pas le porter. C'est ce qui fait la beauté de notre pays.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Les disparités en matière d'éducation au sein des Premières Nations

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Lillian Eva Dyck, ayant donné préavis le 26 novembre 2013 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les disparités en matière du niveau d'éducation des membres de Premières nations, le financement inéquitable des écoles situées dans les réserves et le financement insuffisant de l'éducation postsecondaire.

— Honorables sénateurs, je vais commencer mon discours au sujet de mon interpellation sur le financement inéquitable et les disparités quant au niveau d'éducation des membres de Premières Nations en mettant la situation actuelle en contexte.

Comment en sommes-nous arrivés là alors que, pas plus tard qu'aujourd'hui, le ministre Valcourt a promis de débloquer de nouveaux fonds pour les écoles administrées par les bandes si les chefs acceptent les dispositions du projet de loi sur l'éducation des Premières Nations? Aujourd'hui, sur la Colline, et pas plus tard que la semaine dernière, des Premières Nations ont manifesté contre ce projet de loi. Il y a deux semaines à peine le chef national, M. Atleo, a rejeté cette loi, la qualifiant d'inappropriée et d'inacceptable; il a stipulé, entre autres, qu'elle doit être assortie d'une garantie de financement adéquat. Demain, l'assemblée extraordinaire des chefs de l'Assemblée des Premières Nations discutera de l'éducation des Premières Nations de l'autre côté de la rivière, à Gatineau.

(1850)

D'abord, l'Assemblée des Premières Nations, les organismes régionaux des Premières Nations et le National Aboriginal Youth Council se sont fortement opposés à l'avant-projet de loi sur l'éducation des Premières Nations parce qu'on a omis de véritablement les consulter et que la mesure législative ne propose pas de financement pour combler l'écart entre les écoles situées dans les réserves et administrées par les bandes, d'une part, et les écoles provinciales, d'autre part. Parmi les représentants des Premières Nations qui s'y sont opposés, mentionnons notamment la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, l'Assemblée des chefs du Manitoba, les Chefs de l'Ontario, l'Association des Iroquois et des Indiens alliés, la nation Nishnawbe-Aski, l'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique, le Conseil des chefs du district de London, le Conseil des Mohawks de Kahnawake, le Grand conseil de Prince Albert et l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Ensuite, plusieurs rapports, y compris celui du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, recommandent l'adoption d'importants changements aux politiques et une hausse du financement destiné à l'éducation des Premières Nations de la maternelle à la 12e année. Même le ministère des Affaires autochtones — qui a réalisé deux études approfondies au cours des deux dernières années — en est venu à la conclusion que le sous-financement de l'éducation primaire et secondaire des Premières Nations est une question préoccupante qu'il faut régler.

C'est pourquoi la décision du ministre de ne pas inclure dans le projet de loi sur l'éducation des Premières Nations de disposition visant à assurer un financement équitable pour l'éducation de la maternelle à la 12e année est incompréhensible. Cette décision est insensée, compte tenu des preuves accablantes de sous-financement.

De plus, comme je vais l'expliquer d'ici peu, les fonds investis dans l'éducation des Premières Nations entraînent des retombées financières considérables tant pour les personnes et les bandes que pour le Canada dans son ensemble. Les questions dont je vais parler aujourd'hui sont le sous-financement, le faible taux d'obtention d'un diplôme d'études secondaires chez les élèves des Premières Nations, les avantages économiques qu'on obtiendrait si on comblait l'écart, les recommandations visant à accroître le financement destiné à l'éducation des Premières Nations de la maternelle à la 12e année et des suggestions sur les façons de sortir de l'impasse actuelle grâce à l'action collective et non partisane de tous les sénateurs réunis ici en cette Chambre indépendante du Parlement.

Il existe plusieurs rapports sur l'éducation des Premières Nations, de la maternelle à la 12e année, et sur le sous-financement, comparativement aux écoles équivalentes des provinces, des écoles gérées par les bandes. Je vais tout d'abord parler du rapport du Sénat déposé en décembre 2011, il y a deux ans. Le Sénat a adopté le rapport soumis par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, sur la réforme de l'éducation des Premières Nations dans le système scolaire de la maternelle à la 12e année.

Je vais mettre l'accent sur notre recommandation voulant qu'une formule globale soit incluse dans une loi sur l'éducation des Premières Nations, afin de remédier aux iniquités du financement des écoles gérées par les bandes, comparativement à celles gérées par les provinces. Cette formule globale serait semblable à celle qui est appliquée aux écoles provinciales; elle permettrait à une Première Nation de faire une demande de financement auprès du gouvernement fédéral pour financer un laboratoire informatique, une bibliothèque, l'enseignement d'une langue ou le contenu autochtone.

En d'autres mots, nous avons recommandé une nouvelle méthode de financement qui permettrait à une école gérée par une bande d'offrir un système d'éducation équivalent aux écoles comparables situées hors réserve. Nous avions précisé que la méthode de financement devrait être développée en étroite collaboration avec les Premières Nations, pour que la formule soit adaptée à leurs propres besoins.

Permettez-moi de lire un extrait du rapport :

À la lumière des témoignages qui nous ont été présentés, nous croyons qu'une nouvelle formule de financement négociée par les parties et fondée sur des inducteurs de coûts réels, doit être élaborée pour remplacer le système actuel des accords de contribution.

Outre ce rapport du Sénat, de multiples rapports montrent combien l'éducation de la maternelle à la 12e année dans les réserves est sous-financée comparativement à celle offerte par les écoles provinciales. En dépit de cela, l'ancien ministre des Affaires autochtones s'est acharné à prétendre que les élèves dans les réserves, de la maternelle à la 12e année, jouissent d'un financement comparable à celui accordé aux élèves des écoles provinciales. Le ministre Valcourt a hérité de ce conte à dormir debout. Il ne l'a pas encore réfuté, même si de récents rapports présentés par son propre ministère en juin 2011 et juin 2012 le contredisent. On peut y lire :

On a fait remarquer à maintes reprises que le plafond de deux pour cent imposé sur les dépenses visant les Premières nations signifie qu'il devient impossible, à mesure que les coûts augmentent, de répondre aux besoins avec les ressources disponibles comme on peut le faire dans les autres écoles.

Autrement dit, honorables sénateurs, le ministère sait très bien que le plafond de 2 p. 100 entraîne un sous-financement des écoles administrées par les bandes.

Honorables sénateurs, il saute aux yeux que l'écart de financement est en grande partie attribuable à la décision, en 1996, de plafonner à 2 p. 100 par année la hausse de l'enveloppe budgétaire destinée à l'éducation des Premières Nations. D'autres ministères fédéraux ont éliminé le plafond ou bonifié l'enveloppe allouée afin de compenser les fonds perdus. Cependant, le ministère des Affaires autochtones maintient le plafond de 2 p. 100 pour les Premières Nations.

Autrement dit, pour les écoles administrées par les bandes, le fédéral maintient le plafond de 2 p. 100 alors que, dans le cas de l'éducation provinciale, il l'a supprimé tout en bonifiant l'enveloppe budgétaire. Le financement de l'éducation des Premières Nations dans les réserves est donc inférieur aux niveaux provinciaux, et ce, depuis 1996, c'est-à-dire depuis 17 ans.

Qui plus est, les Premières Nations enregistrent un taux de croissance démographique supérieur à celui des autres Canadiens. En effet, de 1996 à 2006, la population autochtone a progressé de 45 p. 100, contre 8,4 p. 100 pour ce qui est de la population non autochtone. La population autochtone a donc connu un boum. Aujourd'hui, elle se compose à peu près à moitié de jeunes âgés de moins de 25 ans.

Le financement de l'éducation primaire et secondaire des Premières Nations perd donc sur trois tableaux : primo, le plafond de 2 p. 100; secundo, l'absence de versement compensatoire; tertio, le nombre croissant d'enfants d'âge scolaire.

En janvier 2012, le rapport du panel national conjoint du gouvernement du Canada et de l'Assemblée des Premières Nations sur l'éducation primaire et secondaire des Premières Nations a d'ailleurs pris acte de l'écart de financement. Je cite :

[...] il est évident que de nouveaux fonds seront nécessaires. Il faudra mettre au point une nouvelle formule de financement axée sur les besoins et garantissant un financement stable, prévisible et durable qui permettra d'obtenir les résultats souhaités.

Le rapport d'une étude menée conjointement par le gouvernement de la Saskatchewan et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan a été publié en mars 2013. En voici un extrait :

Les chiffres révèlent clairement que les écoles des Premières Nations sont financées à un niveau considérablement inférieur dans les domaines suivants : instruction de base, éducation spéciale, fonctionnement et entretien, ainsi que ressources destinées aux élèves.

Les auteurs de cette étude ont eu accès aux montants de financement réels de plusieurs écoles provinciales et de plusieurs écoles situées dans les réserves. Ils ont donc pu effectuer une comparaison directe entre les deux. Le pire exemple était le suivant : les écoles administrées par les bandes recevaient 41 $ par élève au titre des ressources destinées à l'instruction, tandis que les écoles provinciales touchaient 689 $ par élève. Comme le dit le rapport :

Il ne fait aucun doute que les écoles des Premières Nations continent d'être sous-financées comparativement aux écoles provinciales.

En tentant de comprendre pourquoi le gouvernement est réticent à investir davantage dans l'éducation des Premières Nations, j'ai pensé que la croissance rapide de la population des Premières Nations pourrait entraîner une hausse importante du nombre de jeunes Autochtones d'âge scolaire, ce qui nécessiterait une augmentation massive des fonds en matière d'éducation. Cependant, ce n'est pas le cas. D'après les prévisions budgétaires du ministère remontant à juin 2012, le nombre de jeunes Autochtones âgés de 18 ans ou moins au pays est maintenant d'environ 175 000. On prévoit qu'il atteindra environ 200 000 en 2026. Cela ne me semble pas une augmentation énorme nécessitant des engagements colossaux en matière de financement.

(1900)

Même s'il fallait des sommes considérables pour combler l'écart de financement entre l'éducation des enfants des Premières Nations et celle des autres, le gouvernement fédéral est obligé par la Constitution de respecter le droit à l'éducation prévu dans les traités et y est également tenu en vertu de la Loi sur les Indiens. Plus on attend, plus cela coûtera cher.

Honorables sénateurs, il est incompréhensible et inadmissible que l'éducation des Premières Nations soit encore sous-financée. Il est incontestable qu'en comparaison des écoles provinciales de la maternelle à la 12e année, les écoles administrées par les bandes sont sous-financées. Dans les prochaines minutes, je vais passer en revue les données qui montrent que les élèves des Premières Nations continuent d'accuser un retard par rapport aux autres Canadiens pour ce qui est du taux de réussite au secondaire. Combler l'écart sur ce plan n'est pas une simple question de morale; il est de plus en plus évident que les retombées économiques d'un investissement à cet égard, en vue d'améliorer l'éducation des Autochtones, seront considérables.

Honorables sénateurs, on pourrait affirmer que le financement insuffisant a contribué au faible niveau de réussite scolaire des élèves des Premières Nations. Les écarts au chapitre de la scolarisation confirment la nécessité de remédier aux disparités dans le financement des écoles provinciales et de celles des réserves.

Honorables sénateurs, j'ai commencé par effectuer une recherche comparative sur les niveaux de scolarisation des peuples autochtones et des autres Canadiens. En m'appuyant sur les données de 2006 de Statistique Canada, j'ai comparé le taux de scolarisation au sein des populations autochtones avec ceux du Canada dans son ensemble et de la Saskatchewan en particulier.

Par exemple, 34 p. 100 des Autochtones âgés de 25 à 64 ans n'ont pas de diplôme d'études secondaires. C'est deux fois plus que chez les autres Canadiens du même groupe d'âge, dont 15 p. 100 n'ont pas complété leurs études secondaires. Cet écart est encore plus marqué en Saskatchewan : 49 p. 100 des Autochtones de ce groupe d'âge n'avaient pas de diplôme d'études secondaires, comparativement à 19 p. 100 des autres Saskatchewanais.

Les nombreuses études statistiques réalisées au cours des deux dernières années font ressortir le même fait : un plus faible pourcentage d'élèves des Premières Nations complètent leurs études secondaires et obtiennent un diplôme. Signalons toutefois que, dans les écoles de métiers, le taux de diplomation des Autochtones est semblable à celui des autres Canadiens.

Les données fournies par le ministère lui-même, dans son rapport de juin 2011, montrent clairement que les Autochtones fréquentant les écoles des réserves ont le niveau d'instruction le plus bas au pays, une situation qui ne s'est pas, ou presque pas, améliorée au cours des 10 années examinées aux fins du rapport. À l'opposé, les Autochtones étudiant dans des écoles provinciales à l'extérieur des réserves ont vu leur niveau d'instruction s'améliorer au fil du temps. Il est donc clair que le système provincial, qui bénéficie d'un meilleur financement, produit de meilleurs résultats et un meilleur taux de diplomation.

En mars 2013, le rapport établi conjointement par le gouvernement de la Saskatchewan et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan a fait état d'importantes variations dans le taux de diplomation des élèves des Premières Nations fréquentant des écoles gérées par les bandes. Le taux de diplomation le plus bas, 15 p. 100, est enregistré en Ontario et le plus élevé, 44 p. 100, en Saskatchewan. Dans certaines régions, les élèves des Premières Nations fréquentent surtout des écoles gérées par des bandes; ailleurs, ils fréquentent surtout des écoles provinciales.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Dyck, voulez-vous plus de temps?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder cinq minutes de plus à la sénatrice?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Dyck : Je devrai lire rapidement.

Ainsi, au Manitoba et en Saskatchewan, les provinces où on compte le plus d'élèves de la maternelle à la 12e année, la plupart fréquentent des écoles gérées par les bandes. À l'opposé, en Colombie-Britannique et au Québec, la plupart fréquentent les écoles provinciales. Ces différences régionales ont leur importance, puisqu'elles montrent que le financement dont disposent les bandes devrait dépendre de l'école que fréquentent les élèves. Par ailleurs, l'argent que les bandes doivent verser aux provinces est retiré du financement qu'elles reçoivent du ministère des Affaires autochtones.

Plusieurs analyses ont été réalisées sur les avantages économiques potentiels de la réduction de l'écart de scolarisation entre les Autochtones et les Canadiens. Selon un rapport de 2010 du Centre d'étude des niveaux de vie, accroître le nombre de Canadiens autochtones qui terminent leurs études secondaires est une solution facilement accessible qui aurait des retombées socioéconomiques importantes et d'envergure pour les Canadiens.

Nous indiquons sensiblement la même chose dans notre rapport sénatorial, déposé au Sénat en décembre 2011. Le panel national conjoint a également tiré des conclusions semblables et, selon le Centre d'étude des niveaux de vie, les retombées économiques projetées de la réduction de l'écart de scolarisation d'ici 2026 sont énormes : une hausse de 36,5 milliards de dollars du PIB annuel en 2026 et un gain cumulatif de 401 milliards de dollars en PIB sur toute la période. Ce sont des gains considérables.

Honorables sénateurs, comme le dit notre propre rapport sénatorial, il est clair que le fait d'investir en vue de réduire l'écart de scolarisation sera très payant à long terme. Par conséquent, il est temps d'égaliser le financement maintenant. C'est ce que recommande l'important rapport que je viens de mentionner.

Malgré toutes ces recommandations, et en dépit des appels répétés de plusieurs groupes réclamant que l'on remédie à l'écart de financement, la version préliminaire de la loi proposée sur l'éducation des Premières Nations ne renferme aucune disposition visant à moderniser, à stabiliser, à révolutionner ou à égaliser le financement pour l'éducation des Premières Nations de la maternelle à la 12e année. L'objectif commun de parité avec les systèmes d'éducation provinciaux ne peut être atteint sans un financement adéquat. Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, on peut lire ce qui suit :

Le gouvernement conservateur, dont la loi proposée sur l'éducation des Premières Nations se heurte à une résistance de la part des Autochtones, promet du nouveau financement pour les écoles dans les réserves.

Parallèlement, le gouvernement prévient qu'il abandonnera le projet de loi sur l'éducation des Premières Nations si les chefs ne l'appuient pas, mais le ministre ne donne aucune précision sur le nouveau financement. Honorables sénateurs, il semble que le ministre se sert de la promesse de nouveaux fonds pour soudoyer ou menacer les Premières Nations, selon le point de vue. La promesse de nouveaux fonds par le ministre Valcourt ne date pas d'hier. Cet argent aurait dû être versé aux Premières Nations depuis longtemps.

Le rapport du Sénat a révélé clairement que le financement fédéral destiné aux Premières Nations est insuffisant et doit être modernisé. Le rapport a été adopté à l'unanimité par le comité ainsi que par l'ensemble des sénateurs. Cependant, le ministre refuse de tenir compte des recommandations de notre rapport. Je le cite :

[...] la proposition a été détournée...

— il parle de son projet de loi sur l'éducation des Premières Nations —

... à certains égards pour des raisons politiques, surtout en ce qui a trait au financement.

Je fais de mon mieux pour être polie, mais je me demande comment le ministre peut dire cela sérieusement quand on sait que des messages et des directives provenant de l'administration centrale du gouvernement ont fait fi des conclusions du rapport du Sénat sur l'éducation des Premières Nations en proposant de ne pas investir dans l'éducation des Autochtones.

Parmi les documents saisis par la GRC lors de son enquête visant le sénateur Duffy, il y avait une note déplorant le fait que le Sénat ne se plie pas aux attentes. Je cite la note datée du 22 mars :

Nous sommes aux prises avec un système caractérisé par le laisser-faire, qui exige une orientation, une surveillance et un suivi constants [de la part du Cabinet du premier ministre] pour faire en sorte que les messages et les directives du gouvernement soient suivis. Ce problème ne touche pas que les dépenses et le lieu de résidence. Certains rapports de comités sénatoriaux demandent au gouvernement de baisser les loyers des aéroports, de créer un programme national d'assurance-médicaments et d'investir massivement dans l'éducation des Autochtones.

Autrement dit, trois comités sénatoriaux ont dépassé les bornes en faisant des recommandations non approuvées par l'administration centrale du gouvernement. C'est inacceptable.

Honorables sénateurs, chacun d'entre vous a l'occasion d'appuyer l'indépendance de la Chambre de la sagesse et du second examen objectif en réaffirmant son soutien à notre rapport sur l'éducation des Premières Nations. Nous savons tous que le travail et les rapports des comités font partie de ce que le Sénat a de mieux à offrir. Je vous en prie, continuons d'appuyer ensemble les recommandations qui figurent dans notre rapport sur l'éducation des Premières Nations de la maternelle à la 12e année et que nous avons tous adoptées il y a deux ans.

(1910)

Honorables sénateurs d'en face, veuillez ne pas hésiter à donner votre appui au rapport du Sénat simplement pour vous conformer à la ligne de parti. Les données sont irréfutables. Les enfants dans les réserves n'obtiennent pas une éducation comparable à celle qui est offerte par les écoles provinciales; le sous-financement est l'une des principales causes du problème.

L'honorable Gerry St. Germain était président du Comité des peuples autochtones lorsqu'il a entrepris sa première étude sur l'éducation des Premières Nations. Voici ce qu'il a dit dans l'avant-propos du rapport :

Le présent rapport contient deux recommandations clés qui, à notre avis, sont essentielles à une réforme structurelle et feront naître l'espoir pour l'éducation des Premières nations actuellement en crise. L'éducation est le véhicule qui nous élève tous. Notre première recommandation, soit l'élaboration d'une loi sur l'éducation des Premières nations, a pour objet la conception d'un véhicule nouveau et meilleur. La deuxième recommandation...

— qui porte sur le financement —

... fournira le carburant nécessaire à l'alimentation de ce véhicule qui nous mènera là où il faut aller.

Le véhicule a beau être excellent, si on n'a pas de carburant, les enfants ne termineront pas leurs études.

Il poursuit ainsi :

Le coût — en occasions ratées — serait si élevé que ce serait inacceptable, tant pour les Premières nations que pour le Canada. Il s'agit non pas d'une affaire autochtone mais d'une affaire canadienne, et nous devons tous en assumer la responsabilité en tant que Canadiens.

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec l'honorable Gerry St. Germain et j'ajouterai qu'ensemble, les sénateurs doivent prendre une mesure décisive et audacieuse. Inspirons-nous des sages propos de Gerry St. Germain et exhortons le ministre Valcourt à tenir compte des recommandations du Sénat en matière de financement dans l'élaboration de sa nouvelle loi sur l'éducation des Premières Nations. Une vague promesse mal définie ne suffit pas.

(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 11 décembre 2013, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

Haut de page